Octobre 2024

La régularisation des offres: le repêchage n’est pas automatique…même si c’est l’acheteur qui a jeté l’entreprise à l’eau ! 

TA Nice, 15 octobre 2024, Ville de Cannes, n°2405239

ll est ADMYS que la régularisation d’une offre ne respectant pas les exigences formulées dans la consultation demeure possible dès lors qu’elle n’est pas anormalement basse et que cette régularisation n’a pas pour effet de modifier les caractéristiques substantielles de l’offre. La régularisation n’est donc jamais obligatoire, même pour permettre à une entreprise de se conformer à une modification de dernière minute du CCTP.

 

En l’espèce, la Commune de Cannes avait engagé une procédure en vue de la passation d’un marché public de travaux relatif à l’installation d’un poste transformateur dans un parking. Ayant modifié le contenu du CCTP en cours de procédure, elle en avait informé l’ensemble des candidats et leur avait laissé un délai de dix jours pour procéder à la modification de leurs offres respectives. La Société X n’ayant pas procédé à la modification de son offre dans le délai imparti, la Commune de Cannes lui avait alors adressé un courrier lui indiquant que son offre était irrégulière. La Société X avait ensuite sollicité du juge des référés précontractuel l’annulation de la procédure de passation du marché pour ce lot. 

 

Après avoir rappelé qu’aux termes de l’article L. 2152-2 du Code de la commande publique, une offre irrégulière constitue une offre qui « ne respecte pas les exigences formulées dans la consultation », le juge des référés précontractuels indique que « l’acheteur doit éliminer les offres qui ne respectent pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, sauf, le cas échéant, s’il a autorisé leur régularisation ». De plus, un pouvoir adjudicateur « ne peut apporter de modification au dossier de consultation remis aux candidats à un appel d’offre que dans des conditions garantissant l’égalité des candidats et leur permettant de disposer d’un délai suffisant (…) pour prendre connaissance de ces modifications et adapter leur offre en conséquence ». Or, précisément, la Commune avait informé tous les candidats des modifications apportées et leur avait laissé un délai suffisant pour adapter leur offre, ce que n’avait pas fait la Société X. L’offre qu’elle avait ainsi présentée était par suite irrégulière en tant qu’elle était incomplète.

 

Cependant la Société faisait valoir que la Commune aurait dû l’autoriser à procéder à une régularisation de son offre. A cet égard, le juge des référés expose que la Commune n’avait aucune obligation de procéder à une régularisation des offres à mesure que « si (…) l’acheteur peut autoriser tous les soumissionnaires dont l’offre est irrégulière à la régulariser, dès lors qu’elle n’est pas anormalement basse et que la régularisation n’a pas pour effet d’en modifier des caractéristiques substantielles, il ne s’agit toutefois que d’une simple faculté qui lui est offerte, non une obligation ». 

 

Le juge des référés conclut ainsi que la Commune de Cannes « pouvait éliminer l’offre de la [société X] sans l’inviter au préalable à la régulariser ». De plus il relève, au demeurant, qu’une invitation à régulariser l’offre aurait nécessairement eu pour effet d’augmenter le prix global de 10% et ainsi d’en modifier les caractéristiques substantielles. La procédure ne souffrait ainsi d’aucune irrégularité et le juge des référés précontractuels rejette donc la requête.

 

Régularisation / Offre / Irrégularité de l’offre / travaux publics / marché public 

Publication des sous-critères : quelles obligations ? 

TA Versailles, 15 octobre 2024, Communauté d’agglomération de Versailles Grand Parc, n° 2408407

ll est ADMYS que le pouvoir adjudicateur est tenu de publier les sous-critères lorsqu’ils sont susceptibles d’exercer une influence sur la présentation des offres par les candidats ainsi que sur leur sélection.

 Par avis d’appel public à la concurrence publié le 27 mars 2024, la communauté d’agglomération de Versailles Grand Parc a lancé une consultation suivant la procédure d’appel d’offres ouvert intitulé « Fourniture et gestion du parc de bacs de la communauté d’agglomération de Versailles Grand Parc, d’enquêtes en porte-à-porte des producteurs de déchets et d’opérations massives suite aux enquêtes ».

La société XX avait déposé une offre pour le lot n°1. Elle a reçu, le 19 septembre 2024, un courrier l’informant que son offre avait été rejetée. Son offre a obtenu la note totale de 68,06/100 alors que l’attributaire pressenti a obtenu 79,77/100. 

La société XX a alors saisi le Tribunal administratif de Versailles d’un référé précontractuel par une requête du 29 septembre 2024.

 Elle estimait notamment que la Communauté de communes avait violé le principe de transparence dans la mesure où certaines lignes de prix liées à des prestations de fournitures étaient notées à deux reprises dans deux sous-critères différents. De plus,  l’objet de l’un des  sous-critères serait étranger à des prestations de fournitures.

Le juge des référés a rappelé que le code de la commande publique obligeait le pouvoir adjudicateur à informer les candidats des critères de sélection des offres ainsi que de leur pondération ou de leur hiérarchisation. Ils doivent également publier les sous-critères lorsque ceux-ci sont susceptibles d’exercer une influence sur la présentation des offres par les candidats ainsi que sur leur sélection :

 « Lorsque le pouvoir adjudicateur décide, pour mettre en œuvre ces critères de sélection, de faire usage de sous-critères pondérés ou hiérarchisés, il est tenu de porter à la connaissance des candidats la pondération ou la hiérarchisation de ces sous-critères lorsque, eu égard à leur nature et à l’importance de cette pondération ou hiérarchisation, ils sont susceptibles d’exercer une influence sur la présentation des offres par les candidats ainsi que sur leur sélection, et doivent en conséquence être eux-mêmes regardés comme des critères de sélection. »

 En l’espèce, le juge des référés a considéré que l’acheteur avait pu utiliser des sous-critères annoncés dans les documents de consultation. Aucun manquement aux règles de concurrence n’a pu être identifié. 

 Ainsi, les acheteurs devront être attentifs à publier dans les documents de consultation l’ensemble des sous-critères susceptibles d’exercer une influence sur la sélection des offres.

 

Sous-critère / analyse des offres / transparence

TA de Dijon, 10 octobre 2024, Commune de Villeneuve-la-Guyard, n°2301347

ll est ADMYS que la seule requalification d’un marché public en concession n’emporte pas nécessairement son annulation (TA Pau, 20 novembre 2020, Commune de Mont, req. n°2001872). Mais, celle-ci peut conduire à l’annulation du contrat en cas de violation des règles de publicité et de mise en concurrence (CE, 25 mai 2018, Société Philippe Védiaud Publicité, req n°416825), notamment si la procédure suivie est moins contraignante que celle qui aurait dû être mise en oeuvre (TA Rennes, 14 mai 2018, req n°1701037 confirmée par CAA de Nantes, 30 mars 2020, req n°18NT202671)

En l’espèce, la Commune de Villeneuve-la-Guyard (ci-après « La Commune ») avait confié à la Société X un contrat de mise à disposition d’un journal électronique d’information qu’elle n’a pas souhaité renouveler. A l’approche de l’échéance de ce contrat, elle a lancé une consultation en vue d’attribuer un contrat portant sur la fourniture, l’implantation et l’entretien de mobiliers urbains à vocation publicitaire et non publicitaire. Le contrat a été attribué à la Société Y. Mécontente de cette décision qu’elle estime irrégulière, la Société X sollicite la résiliation du contrat ainsi que le versement d’une somme de 104.938€ en réparation des préjudices subis.

Le premier moyen relatif à la tardiveté de la requête est écarté par le tribunal en raison de l’inopposabilité du délai de recours contentieux à l’encontre de la décision, dès lors que ledit contrat n’avait pas fait l’objet des mesures de publicité appropriées.

C’est le second moyen relatif à l’erreur sur la nature du contrat – et surtout à ses conséquences procédurales – qui attirera l’attention du juge. La Société X soutenait en effet que le contrat conclu n’était pas un marché public mais une concession en raison du mode de rémunération de l’attributaire. Le juge administratif se range à cette appréciation en relevant que la rémunération de la Société Y était exclusivement fixée en fonction des « recettes perçues par l’exploitation à des fins publicitaires des mobiliers urbains ». Ainsi, la part de risque a ainsi été intégralement transférée à l’attributaire du contrat en litige. Dans ces conditions, le contrat en litige doit être regardé non comme un marché public mais comme une concession de services. » 

Or, la conclusion d’un contrat de concession se révèle exigeante en termes procéduraux : elle implique par exemple une obligation d’instaurer une commission d’analyse des dossiers et candidatures en vue de proposer au conseil municipal l’attributaire du contrat (article L. 1411-5 du CGCT) et une obligation de délibération sur les éléments essentiels du contrat par le conseil municipal (article L. 2122-22 du CGCT). Au cas présent, ces exigences procédurales n’ont pas été respectées alors qu’elles auraient dû l’être, ce qui constitue, selon le juge administratif, un vice d’une particulière gravité qui n’est pas régularisable : 

« 13. Comme il a été dit au point 9, le contrat en litige ne constitue pas un marché public mais un contrat de concession de services. Or le conseil municipal de Villeneuve-La-Guyard ne s’est pas prononcé sur le choix de l’attributaire de ce contrat au vu de l’avis d’une commission spécialement instituée à cet effet et n’a pas davantage expressément autorisé le maire de la commune à le signer. Dans ces conditions, le contrat en litige est entaché d’un vice d’une particulière gravité. La circonstance que, postérieurement à la signature de ce contrat, le maire a procédé à une information du conseil municipal reste à cet égard sans incidence et n’a pas été de nature à régulariser ce vice ».

Ces vices ont gravement porté atteinte à la procédure de passation du contrat, car celle-ci a été moins contraignante que celle qui aurait dû être suivie par la Commune. Le juge annule ainsi le contrat, mais avec un effet différé au 31 mars 2025 au plus tard, afin de laisser le temps à la Commune de relancer une nouvelle procédure.

En conclusion, si le risque d’annulation qui peut peser sur un marché public requalifié en concession est réel, il doit tout de même être relativisé dans l’hypothèse où l’acheteur se serait soumis à une procédure plus contraignante, car le juge examine très concrètement la nature du vice de la procédure au regard du droit des concessions.

Recours en contestation de validité / Béziers I / mobilier urbain / vice d’une particulière gravité / nature du contrat / requalification / contraintes procédurales  

AMO et conflits d'intérêts: le juge distingue une "situation regrettable" d'une "situation de conflit d'intérêts" !

TA Montpellier, 11 octobre 2024, Communauté d’agglomération Le Grand Narbonne, req. n°2405430 

ll est ADMYS que la participation à 100% par la société attributaire du contrat de délégation de service public au capital d’une société membre du groupement d’assistance à maîtrise d’ouvrage (ci-après « AMO »)  ne constitue pas un conflit d’intérêts. 

 

Par une délibération en date du 19 septembre 2024, la communauté d’agglomération Le Grand Narbonne a approuvé le choix de la société R en tant que nouveau délégataire de la délégation de service public pour l’exploitation du service public de transport. 

 

Dans le cadre du renouvellement de ce service public, la communauté d’agglomération a été accompagnée par un groupement d’AMO pour un audit du service public (mission 1), l’étude éventuelle de la mise en place de la gratuité sur le réseau de transport en commun (mission 2), l’élaboration de scénarios de restructuration du réseau (mission 3) et enfin l’accompagnement pour la clôture du contrat en cours et la procédure de renouvellement du contrat de délégation de service public (mission 4). 

 

A la suite du rejet de son offre, la société K a saisi le juge des référés précontractuel d’une demande tendant à l’annulation de la procédure de passation en raison d’un conflit d’intérêts entre plusieurs membres du groupement et la société attributaire. 

 

En l’occurrence, la société C, membre du groupement d’AMO, était détenue à 100% par la société R attributaire. Au surplus, l’employé chargé de la revue financière des offres avait travaillé préalablement au sein de la société CC, aussi membre du groupement d’AMO, durant la période d’élaboration du DCE pour la communauté d’agglomération. 

 

Toutefois, par une appréciation toujours plus minutieuse et concrète, le juge des référés ne retient pas la qualification de conflits d’intérêts pour ces deux sociétés. 

 

Particulièrement, s’agissant de la société C du groupement, cette dernière n’était intervenue que durant la mission 1,  elle avait notamment conclu avec la communauté d’agglomération un accord de confidentialité. De plus, la société n’était plus représentée dans le cadre du comité de pilotage, ainsi elle n’avait concouru que très indirectement à la réalisation du dossier de consultation et surtout n’avait pas participé à l’analyse des candidatures et des offres. 

 

Toutefois, la juridiction reconnait la singularité de la situation et juge regrettable que la candidature de la société C ait été retenue dans le groupement d’AMO malgré la violation de l’obligation d’indépendance imposée dans le cadre du marché d’AMO : «  il est regrettable que la candidature de la société C, filiale détenue à 100% par la société R avec laquelle elle partage les mêmes locaux et dont les dirigeants avaient fait, comme Mme A sa directrice générale, ou faisaient aussi partie des effectifs de la société attributaire, comme M. M., son président en exercice lors de l’exécution du marché d’assistance à maîtrise d’ouvrage, et qui était concomitamment membre du directoire de R durant la procédure d’attribution de la concession, ait été retenue dans le groupement attributaire dudit marché, (…), cette circonstance ne permet pas d’établir l’existence d’une situation de conflit d’intérêts au cours de la procédure d’attribution de la concession. » 

 

S’agissant de la société CC, rien n’indique que l’employé de la société R était intervenu aux côtés du membre du groupement dans le cadre de l’élaboration du DCE, avant de rejoindre la société attributaire, qu’ainsi une telle situation n’était pas de nature à constituer un conflit d’intérêts. 

 

Ainsi, le juge démontre à nouveau que c’est finalement l’influence de la personne en cause sur la procédure de passation et sa participation directe ou indirecte qui sont déterminantes pour admettre la qualification de conflit d’intérêts, en dépit des autres indices susceptibles de créer un doute sur l’impartialité de la procédure, tels que la durée, la nature, l’intensité ou la date des liens entretenus. 

Conflit d’intérêts / influence / Assistance à maitrise d’ouvrage / Concession

 

Requalification d’un marché public en concession : la sanction n’est pas une fiction ! 

TA de Dijon, 10 octobre 2024, Commune de Villeneuve-la-Guyard, n°2301347

ll est ADMYS que la seule requalification d’un marché public en concession n’emporte pas nécessairement son annulation (TA Pau, 20 novembre 2020, Commune de Mont, req. n°2001872). Mais, celle-ci peut conduire à l’annulation du contrat en cas de violation des règles de publicité et de mise en concurrence (CE, 25 mai 2018, Société Philippe Védiaud Publicité, req n°416825), notamment si la procédure suivie est moins contraignante que celle qui aurait dû être mise en oeuvre (TA Rennes, 14 mai 2018, req n°1701037 confirmée par CAA de Nantes, 30 mars 2020, req n°18NT202671)

 

En l’espèce, la Commune de Villeneuve-la-Guyard (ci-après « La Commune ») avait confié à la Société X un contrat de mise à disposition d’un journal électronique d’information qu’elle n’a pas souhaité renouveler. A l’approche de l’échéance de ce contrat, elle a lancé une consultation en vue d’attribuer un contrat portant sur la fourniture, l’implantation et l’entretien de mobiliers urbains à vocation publicitaire et non publicitaire. Le contrat a été attribué à la Société Y. Mécontente de cette décision qu’elle estime irrégulière, la Société X sollicite la résiliation du contrat ainsi que le versement d’une somme de 104.938€ en réparation des préjudices subis.

 

Le premier moyen relatif à la tardiveté de la requête est écarté par le tribunal en raison de l’inopposabilité du délai de recours contentieux à l’encontre de la décision, dès lors que ledit contrat n’avait pas fait l’objet des mesures de publicité appropriées.

 

C’est le second moyen relatif à l’erreur sur la nature du contrat – et surtout à ses conséquences procédurales – qui attirera l’attention du juge. La Société X soutenait en effet que le contrat conclu n’était pas un marché public mais une concession en raison du mode de rémunération de l’attributaire. Le juge administratif se range à cette appréciation en relevant que la rémunération de la Société Y était exclusivement fixée en fonction des « recettes perçues par l’exploitation à des fins publicitaires des mobiliers urbains ». Ainsi, la part de risque a ainsi été intégralement transférée à l’attributaire du contrat en litige. Dans ces conditions, le contrat en litige doit être regardé non comme un marché public mais comme une concession de services. » 

 

Or, la conclusion d’un contrat de concession se révèle exigeante en termes procéduraux : elle implique par exemple une obligation d’instaurer une commission d’analyse des dossiers et candidatures en vue de proposer au conseil municipal l’attributaire du contrat (article L. 1411-5 du CGCT) et une obligation de délibération sur les éléments essentiels du contrat par le conseil municipal (article L. 2122-22 du CGCT). Au cas présent, ces exigences procédurales n’ont pas été respectées alors qu’elles auraient dû l’être, ce qui constitue, selon le juge administratif, un vice d’une particulière gravité qui n’est pas régularisable : 

 

« 13. Comme il a été dit au point 9, le contrat en litige ne constitue pas un marché public mais un contrat de concession de services. Or le conseil municipal de Villeneuve-La-Guyard ne s’est pas prononcé sur le choix de l’attributaire de ce contrat au vu de l’avis d’une commission spécialement instituée à cet effet et n’a pas davantage expressément autorisé le maire de la commune à le signer. Dans ces conditions, le contrat en litige est entaché d’un vice d’une particulière gravité. La circonstance que, postérieurement à la signature de ce contrat, le maire a procédé à une information du conseil municipal reste à cet égard sans incidence et n’a pas été de nature à régulariser ce vice ».

 

Ces vices ont gravement porté atteinte à la procédure de passation du contrat, car celle-ci a été moins contraignante que celle qui aurait dû être suivie par la Commune. Le juge annule ainsi le contrat, mais avec un effet différé au 31 mars 2025 au plus tard, afin de laisser le temps à la Commune de relancer une nouvelle procédure.

 

En conclusion, si le risque d’annulation qui peut peser sur un marché public requalifié en concession est réel, il doit tout de même être relativisé dans l’hypothèse où l’acheteur se serait soumis à une procédure plus contraignante, car le juge examine très concrètement la nature du vice de la procédure au regard du droit des concessions.

 

Recours en contestation de validité / Béziers I / mobilier urbain / vice d’une particulière gravité / nature du contrat / requalification / contraintes procédurales  

 

Déféré préfectoral Tarn et Garonne : une efficacité en question 

TA Marseille, 9 oct. 2024, Commune d’Orcières, n° 2403494.

ll est ADMYS que si le contrat a été signé avant le dépôt du déféré préfectoral en contestation de validité du contrat, ce-dernier perd son objet. Cependant, aucune règle n’oblige la commune à attendre un retour du Préfet pour exécuter sa délibération autorisant le maire à signer le contrat. Le pouvoir de contrôle du préfet en est donc profondément amoindri.

En l’espèce, la Commune d’Orcières avait approuvé par délibération du 8 novembre 2023 le principe de la signature de conventions d’occupation du domaine public skiable avec les sociétés X et Y pendant 2 ans. La délibération avait été transmise au contrôle de légalité le 13 novembre 2024.

Après analyse, le Préfet des Hautes-Alpes a formé un recours gracieux à l’encontre de cette délibération le 2 janvier 2024. Ce recours gracieux a été rejeté par le maire de la commune par une décision du 8 mars 2024.

Le Préfet a donc formé un recours en contestation de validité du contrat devant le Tribunal administratif de Marseille. Il sollicite l’annulation de la délibération du conseil municipal d’Orcières du 8 novembre 2023 autorisant la conclusion d’une convention d’occupation du domaine public pour l’activité motoneige et de la décision du 8 mars 2024 portant rejet de son recours gracieux.

Le juge rappelle la jurisprudence Tarn et Garonne du Conseil d’Etat (CE, 4 avril 2014, Département de Tarn-et-Garonne, n°358994) : 

«  Si le représentant de l’Etat dans le département et les membres de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, peuvent invoquer tout moyen à l’appui du recours ainsi défini, les autres tiers ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l’intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d’une gravité telle que le juge devrait les relever d’office. La légalité du choix du cocontractant, de la délibération autorisant la conclusion du contrat et de la décision de le signer, ne peut être contestée qu’à l’occasion du recours ainsi défini. Toutefois, dans le cadre du contrôle de légalité, le représentant de l’Etat dans le département est recevable à contester la légalité de ces actes devant le juge de l’excès de pouvoir jusqu’à la conclusion du contrat, date à laquelle les recours déjà engagés et non encore jugés perdent leur objet. » 

Le juge relève qu’en l’espèce, les conventions d’occupation temporaire du domaine public ont été signées respectivement les 30 novembre 2023 et 1er décembre 2023 par le maire d’Orcières et les sociétés X et Y. Les conventions étaient donc signées avant même que le Préfet ne forme un recours gracieux à l’encontre de la délibération. La requête du Préfet est donc sans objet.

 Cette décision est similaire à celle du même Tribunal en date 17 septembre 2024 et commentée sur ce blog (TA Marseille, 17 septembre 2024, Préfet des Hautes-Alpes, n° 2405135). Dans les deux cas, les conventions avaient été signées par les maires avant même que le contrôle de légalité n’ait pu être exercé et que le Préfet n’ait envoyé aux communes un recours gracieux. 

Les communes, n’ayant pas d’obligation d’attendre la validation du Préfet, disqualifient ainsi le déféré préfectoral en procédant rapidement à la signature de leurs contrats.

Le déféré préfectoral mis en oeuvre par la jurisprudence Tarn et Garonne permet au Préfet de relever un grand nombre de moyens à l’encontre des contrats des communes. Cependant, il présente une efficacité opérationnelle relative dans la mesure où il nécessite, pour aboutir, une réaction immédiate des services préfectoraux.

déféré préfectoral / recours Tarn-et-Garonne / efficacité  

 

Septembre 2024

Quand la demande de communication d’un document administratif conditionne la recevabilité d’un recours plein contentieux

TA Limoges, 24 septembre 2024, Communauté urbaine Limoges Métropole, n° 2101337

ll est ADMYS qu’un recours de plein contentieux contre un contrat de la commande publique est recevable si le requérant justifie de l’impossibilité d’en obtenir communication par la personne publique concernée.

Par un avis publié le 5 mars 2021, la Communauté urbaine Limoges Métropole a lancé une consultation sous la forme d’une procédure adaptée en vue de la conclusion d’un accord-cadre ayant pour objet l’acquisition et la maintenance d’une solution logicielle de gestion.

Par un recours de plein contentieux enregistré le 18 août 2021, la société X a notamment sollicité l’annulation :

– de la décision du 22 juin 2021 par laquelle la Communauté urbaine Limoges Métropole l’a informée du rejet de son offre au motif qu’elle était irrégulière, 

–  du contrat conclu le 25 juin 2021 avec la société attributaire du marché.

Elle demande également que la Communauté urbaine Limoges Métropole soit condamnée à lui verser une somme de 36 587 euros HT au titre de son manque à gagner et de ses frais de présentation d’offre et une somme de 10 000 euros au titre de son préjudice moral ;

Dans le cadre de sa défense, la Communauté concluait notamment à l’irrecevabilité du recours dès lors que la requérante ne produit pas le contrat dont elle sollicite l’annulation et ne justifie d’aucune demande indemnitaire préalable .

En examinant la recevabilité de la requête, le juge administratif a dans un premier temps rappelé les dispositions de l’article R. 421-1 du code de justice administrative, suivant lesquelles :

« La requête doit, à peine d’irrecevabilité, être accompagnée, sauf impossibilité justifiée, de l’acte attaqué ».

Puis, le juge a estimé que « ces dispositions sont applicables au recours intenté par un tiers pour contester la validité d’un contrat administratif et imposent au demandeur de produire le contrat qu’il conteste ou de justifier de l’impossibilité d’en obtenir communication par la personne publique ».

En l’occurrence, la société X n’a pas produit l’acte d’engagement signé par la Communauté urbaine Limoges Métropole et ne justifie pas avoir procédé aux diligences nécessaires pour obtenir et produire une copie de cet acte. Le juge en déduit que la Communauté urbaine Limoges Métropole est fondée à soutenir que les conclusions à fin d’annulation sont irrecevables.

A contrario, cette décision signifie que le recours de la Société évincé aurait été recevable dans l’hypothèse où cette dernière aurait sollicité, de la part de la Communauté, la communication d’un document administratif.

Recours de plein contentieux / Irrecevabilité de la requête / Droit d’accès aux documents administratifs


Déféré préfectoral “Tarn et Garonne” : contre une COT : oui ; contre une COT signée : non!

TA Marseille, 17 septembre 2024, Préfet des Hautes-Alpes, n° 2405135

ll est ADMYS que le déféré préfectoral, contestant la validité d’une convention d’occupation du domaine, dans le cadre d’un recours “Tarn et Garonne”, ne peut être déposé par le Préfet qu’avant la signature du contrat litigieux par la personne publique.

Par une délibération en date du 24 novembre 2023, le conseil municipal de Vars a approuvé le renouvellement d’une convention d’occupation du domaine skiable pour l’activité motoneige, octroyée à M. D et M. C.

Après télétransmission de cette délibération au contrôle de légalité le 4 décembre 2023, le préfet des Hautes-Alpes a formé un recours gracieux contre cette délibération, le 31 janvier 2024, reçu par la commune le 2 février suivant.

En l’absence de réponse de la commune, une décision implicite de rejet est née le 2 avril 2024.

Le préfet des Hautes-Alpes a ainsi saisi le Tribunal administratif d’un recours.

Dans son ordonnance, le juge rappelle tout d’abord la jurisprudence du Conseil d’Etat dite «  Tarn et Garonne » selon laquelle tout tiers à un contrat administratif susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles.

Cette action est notamment ouverte au représentant de l’Etat dans le département qui, compte tenu des intérêts dont il a la charge, peut invoquer tout moyen à l’appui du recours ainsi défini.

Toutefois, le juge rappelle que « dans le cadre du contrôle de légalité, le représentant de l’Etat dans le département est recevable à contester la légalité de ces actes devant le juge de l’excès de pouvoir jusqu’à la conclusion du contrat, date à laquelle les recours déjà engagés et non encore jugés perdent leur objet. »

En l’espèce, le juge constate que la COT litigieuse avait été signée le 4 décembre 2023 par le maire de la Commune et les deux occupants concernés, avant l’introduction du recours par le Préfet.

Il rejette donc le déféré du Préfet, estimant que celui-ci est devenu sans objet.

A contrario, cela signifie que le contrat, une fois signé, ne peut plus faire l’objet d’un déféré préfectoral en contestation de la validité du contrat.

Recours Tarn et Garonne / Déféré / COT 

Candidature de sociétés “liées” : indépendance juridique ne veut pas dire autonomie commerciale !  

TA de Rouen, 13 septembre 2024, Centre Hospitalier Universitaire de Rouen, n°2403392 et 2403394

ll est ADMYS que deux sociétés peuvent être regardées comme un seul et même candidat lorsque le pouvoir adjudicateur constate leur absence d’autonomie commerciale.

En l’espèce, le Centre hospitalier universitaire de Rouen avait lancé une procédure de passation portant sur la conclusion d’un accord-cadre ayant pour objet les travaux d’entretien et de réhabilitation du patrimoine hospitalier du GHT Rouen Coeur de seine pour les années 2024-2028. 

La consultation avait été engagée sous forme d‘appel d’offres ouvert. La société A avait présenté une candidature pour l’un des lots. Sa candidature avait néanmoins été déclarée irrecevable au motif qu’une offre avait été déposée préalablement par une seconde société B, dénuée – selon le CHU de Rouen – de toute autonomie commerciale vis-à-vis de la société A.

Dans sa décision, le Juge des référés rappelle que « si deux personnes morales constituent en principe des opérateurs économiques distincts, elles doivent néanmoins être regardées comme un seul et même candidat lorsque le pouvoir adjudicateur constate leur absence d’autonomie commerciale, résultant notamment des liens étroits entre leurs actionnaires ou leurs dirigeants (…) ». 

Il relève ensuite que les deux sociétés présentaient « en partie des mêmes moyens humains, des mêmes moyens matériels » et des moyens logistiques identiques. Il poursuit en relevant que les deux sociétés travaillent avec les « mêmes fournisseurs » et « présentent une méthodologie d’étude du besoin de l’établissement similaire et proposent des prix identiques ». Les deux sociétés étant en outre « présidées par la même société », le juge des Référés déduit en définitive de l’ensemble de ces éléments qu’elles ne peuvent être regardées comme ayant formulé des offres « de manière indépendante » en absence de toute autonomie commerciale. 

Le juge des référés rejette en conséquence la requête, considèrant au demeurant que les deux offres des sociétés ont exercé une influence l’une sur l’autre et étaient par suite irrégulières. 


Référé précontractuel / autonomie commerciale / analyse des offres / offre irrégulière / offre irrécevable.  

L’expérience insuffisante ne peut justifier, à elle seule, le rejet d’un candidat ! 

TA de Rouen, 11 septembre 2024, Office public de l’habitat de Rouen, n°2403355 

ll est ADMYS qu’un acheteur ne peut écarter de la procédure de passation un candidat sans apprécier, de manière circonstanciée, sa candidature.

Dans cette affaire, l’Office Public de l’Habitat de Rouen a engagé une procédure pour la passation d’un marché public de travaux.  

En fin de procédure, la Commission d’appel d’offres a rejeté la candidature de la Société X, au motif que cette dernière ne possédait pas les capacités pour exécuter le futur marché. Pour justifier cette appréciation, la CAO va alors se fonder sur un incident qui s’est produit durant l’exécution d’un marché similaire, entre les mêmes parties, et toujours en cours au moment de ladite décision. 

La Société X a demandé, au juge des référés précontractuels, d’annuler la décision de l’acheteur par laquelle il a rejeté son offre, et a attribué le contrat à une société concurrente. 

A l’appui de ses prétentions, elle a estimé que l’acheteur a manifestement commis une erreur dans l’appréciation de son offre, de ses garanties et capacités techniques.

En premier lieu, cette ordonnance permet de revenir sur la possibilité, pour l’acheteur, de limiter au stade de la candidature le nombre de candidats à participer par deux mécanismes distincts :

– Mécanisme n°1 : par l’imposition de conditions de participation, notamment en fixant des niveaux minimaux de capacité (article R. 2142-1 et suivants du Code de la commande publique) ;

– Mécanisme n°2 : par une réduction du nombre de candidats (article R. 2142-15 et suivants du Code de la commande publique). 

En l’espèce, l’affaire se focalise sur le premier mécanisme.  

En effet, l’article R.2142-2 du Code de la commande publique (« CCP ») admet qu’un acheteur fixe discrétionnairement des niveaux minimaux de capacité, dès lors que ces derniers sont liés et proportionnés à l’objet du contrat ou à ses conditions d’exécution.

Il en résulte, notamment, que l’acheteur peut imposer des conditions relatives aux capacités techniques et professionnelles (confer article R.2142-13 à R.2142-14 du CCP) pour sélectionner les candidats, possibilité dont a eu recours l’Office Public de l’Habitat de Rouen dans l’affaire.

Si en l’espèce le recours à ces conditions de participation n’ont pas fait l’objet d’une contestation, il en est autrement de l’appréciation des capacités minimales exigées. 

En second lieu, le juge vient préciser la méthode d’appréciation du dossier de candidature, dans le cas spécifique où l’acheteur a imposé des conditions de participation minimales tenant aux références. 

Ainsi, il est rappelé qu’en vertu de l’article R.2142-14 du CCP, l’acheteur peut exiger des candidats qu’ils disposent d’un niveau d’expérience suffisant, démontré par des références adéquates provenant de marchés exécutés antérieurement.

Cependant, ce même article précise expressément que « l’absence de références relatives à l’exécution de marchés de même nature ne peut justifier, à elle seule, l’élimination d’un candidat ».

En l’espèce, le juge en déduit de ces dispositions que l’acheteur ne peut apprécier la capacité technique d’un candidat, en se fondant uniquement sur une expérience ayant induit un incident en cours d’exécution, pour rejeter le candidat sur ce seul motif. En conséquence l’acheteur est dans l’obligation, au préalable, de chercher d’autres éléments justifiant les capacités dudit candidat. C’est seulement à défaut de garanties suffisantes que le candidat pourrait être écarté de la consultation :

« 5. La commission d’appel d’offres ne peut se fonder uniquement sur les seuls manquements allégués d’une entreprise dans l’exécution de précédents marchés, sans rechercher si d’autres éléments du dossier de candidature de la société permettent à celle-ci de justifier de telles garanties ».

Les acheteurs se doivent donc d’éviter toute précipitation à l’occasion de l’analyse des candidatures en prétextant que le candidat n’aurait pas apporté satisfaction auprès d’un autre acheteur par exemple. En effet, il lui appartient de rechercher d’autres éléments permettant de justifier les insatisfactions constatées. 

Justice administrative/pouvoir adjudicateur/candidature/référé précontractuel/marchés public de travaux/juge des référés

 

La conformité au CCTP d’une offre ne se présume pas !

TA de Paris, 11 septembre 2024, Ministre de la Justice, n°2421817 

ll est ADMYS que si le juge du référé précontractuel n’est pas compétent pour apprécier le mérite respectif des offres, il lui revient de vérifier la conformité de l’offre retenue aux prescriptions du CCTP. Quitte à entrer dans les détails techniques.

 Le Ministère de la Justice a lancé une consultation en vue de l’attribution d’un accord-cadre mono-attributaire pour la fourniture et la livraison de couvertures pour les besoins, entre autres, de l’administration pénitentiaire. La Société X, dont l’offre est classée en 4ème position, saisit le juge du référé précontractuel en vue d’obtenir l’annulation de la procédure. 

La Société X se prévalait tout d’abord de la mauvaise définition de son besoin par l’acheteur, mais ce grief est écarté par le juge, qui considère que « ni l’absence de référence par le CCTP à un niveau d’acceptation minimum pour la résistance à la vapeur d’eau, ni la circonstance que, dans le cadre des réponses aux questions posées par les candidats, le ministère de la justice a indiqué que le CCTP ” précis[ait] les normes exigées « et que » les produits proposés () [pouvaient] satisfaire une norme équivalente “, sans préciser ce que peuvent être les normes équivalentes admises, ne sont de nature à caractériser une insuffisance dans la définition des besoins ».

 En outre, la Société indiquait que l’offre retenue comprenait la livraison de couvertures non conformes aux prescriptions du CCTP, dès lors que l’attributaire échouait à fournir les rapports d’essais en laboratoire permettant de garantir la sécurité et le caractère ignifuge des produits proposées. Après un examen attentif des détails techniques de l’offre retenue, le juge a confirmé cette analyse en indiquant notamment que :

« il ne résulte pas davantage de l’instruction que la société ITS DIGIT aurait fourni à l’appui de son offre un autre rapport d’essais justifiant de cette conformité, ni que le pouvoir adjudicateur aurait lui-même conduit ou fait conduire, sur les échantillons fournis par la société ITS DIGIT, des tests selon cette méthodologie pour s’assurer du respect des exigences fixées par le guide GPEM/CP. Enfin, le respect de ces exigences n’est pas davantage établi par les autres pièces versées aux débats. Il s’ensuit que la société requérante est fondée à soutenir que le modèle de couverture proposé dans l’offre de la société ITS DIGIT ne peut être regardé comme respectant la condition, fixée par l’article 6 du CCTP, de conformité au guide GPEM/CP, selon la classe C. Dès lors, l’offre de cette société, qui, pour ce motif, n’était pas conforme au CCTP, était irrégulière et ne pouvait être retenue. » 

Ce manquement justifie l’annulation de la procédure au stade de la sélection des offres.

L’acheteur ne peut donc pas simplement relever les non-conformités flagrantes des propositions techniques aux prescriptions du CCTP, il doit encore vérifier que le candidat dans son offre produit cette garantie ou, à défaut, conduire des essais de nature à procéder à cette vérification. 

 Référé précontractuel / analyse des offres / CCTP / conformité / garantie

La signature du contrat sonne la fin de l’exercice des pouvoirs du juge du référé précontractuel

 TA d’Amiens, 10 septembre 2024, Communauté d’agglomération Amiens métropole, n°2403486

ll est ADMYS qu’une requête en référé précontractuel présentée après la signature du contrat est manifestement irrecevable.

 Par une requête en référé précontractuel enregistrée le 2 septembre 2024, la société X a sollicité l’annulation de la décision du 5 juillet 2024 par laquelle la Communauté d’agglomération Amiens métropole (ci-après « CAAM ») a classé son offre en seconde position à l’issue de la procédure de passation d’un marché public de travaux d’entretien. La Société a ainsi mis près d’un mois à former son recours.

Le juge a, dans un premier temps, rappelé les dispositions de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, relatives aux conditions de recevabilité d’une requête en référé précontractuel ; en insistant sur le fait qu’il doit être « saisi avant la conclusion du contrat ».

Il en a conclu, dans un second temps, qu’il « résulte de ces dispositions que les pouvoirs conférés au juge du référé précontractuel ne peuvent plus être exercés après la conclusion du contrat. Par suite, une requête en référé précontractuel présentée après la signature de celui-ci est irrecevable ».

En l’espèce, l’acte d’engagement du contrat, dont la procédure de passation était contestée, a été signé le 26 août 2024, soit avant l’introduction de la requête en référé précontractuel de la société X (le 2 septembre 2024).

Le juge a alors déclaré la présente requête manifestement irrecevable et l’a rejetée par ordonnance, en application de l’article R. 222-1 du code de justice administrative.

Dans la mesure où l’acheteur semble avoir respecté, en l’espèce, le délai de stand still, la Société ne sera pas plus fondée à déposer de référé contractuel, lequel n’est pas une voie de rattrapage du référé précontractuel introduit tardivement.

Référé précontractuel / pouvoirs du juge / irrecevabilité de la requête

Août 2024

Ne pas confondre éléments d’appréciation de l’offre et sous-critères de sélection

TA de Guadeloupe, 29 août 2024, Communauté d’agglomération Cap Excellence, n°2401075 

ll est ADMYS que  les « éléments d’appréciation » qui exercent une influence sur la présentation des offres par les candidats ainsi que sur leur sélection doivent être regardés comme des sous-critères de sélection. Par conséquent, ils doivent faire l’objet d’une pondération ou d’une hiérarchisation.

La Communauté d’agglomération Cap Excellence (ci-après « CACE ») a lancé une procédure d’appel d’offres ouvert en vue de conclure un accord-cadre relatif à la location et la maintenance de véhicules neufs.

La société X a présenté une offre pour l’attribution des cinq lots de l’accord-cadre, mais seule son offre pour l’attribution du lot n°5 a été retenue par la CACE.

La société a alors sollicité l’annulation de la procédure de passation, en soulevant notamment comme moyen l’absence de précision des modalités de mise en œuvre des critères et sous-critères de sélection des offres. La société soutenait que les précisions apportées dans le règlement de consultation sur chacun des critères de sélection correspondaient à des sous-critères de sélection des offres. La CACA s’opposait à cette analyse et défendait qu’elle n’avait pas mis en oeuvre des sous-critères de sélection mais qu’il s’agissait en réalité d’éléments d’appréciation des offres lui permettant d’affiner son analyse. 

Dans un premier temps, le juge a rappelé que l’information appropriée des candidats sur les critères d’attribution d’un marché public est nécessaire, dès l’engagement de la procédure d’attribution du marché, dans l’avis d’appel public à concurrence ou le cahier des charges tenu à la disposition des candidats.

Dans un second temps, il est venu préciser que l’acheteur « doit également porter à la connaissance des candidats la pondération ou la hiérarchisation des sous-critères dès lors que, eu égard à leur nature et à l’importance de cette pondération ou hiérarchisation, ils sont susceptibles d’exercer une influence sur la présentation des offres par les candidats ainsi que sur leur sélection et doivent, en conséquence, être eux-mêmes regardés comme des critères de sélection ».

En l’espèce, le juge a conclu à l’annulation partielle de la procédure de passation en estimant que les « éléments d’appréciation » de la CACE étaient en réalité des sous-critères qui devaient être pondérés ou hiérarchisés. En effet, ces éléments ont exercé une réelle influence sur la présentation des offres des candidats en raison de leur nature et de leur importance.

L’acheteur doit ainsi pondérer ou hiérarchiser les sous-critères de sélection pour l’attribution d’un marché public, dès l’engagement de la procédure d’attribution du marché, dans l’avis d’appel public à concurrence ou le cahier des charges tenu à la disposition des candidats. Il doit bien différencier les simples éléments d’appréciation des offres des véritables sous-critères de sélection. Cette distinction repose essentiellement sur leur nature et leur importance. Si l’élément d’appréciation exerce une influence sur la présentation des offres, l’acheteur doit alors en faire un sous-critère de sélection avec pondération ou hiérarchisation.

Référé précontractuel / sous-critères de sélection / annulation / marché public

Télétravail et aides au démarrage d’activité : des justifications recevables en matière d’OAB!

TA de Melun, 14 août 2024, SMITOM du Nord Seine-et-Marne, n°2409137 

ll est ADMYS que l’offre d’une société qui propose un taux journalier plus faible que ses concurrents en raison de légers coûts de fonctionnement (télétravail, aides au démarrage de l’activité, etc) n’est pas anormalement basse pour cette seule raison.

Par un avis d’appel à concurrence du 2 avril 2024 au BOAMP, le Syndicat mixte de traitement des ordures ménagères du nord Seine-et-Marne (SMITOM) a lancé une procédure adaptée ouverte en vue de l’attribution d’un marché de maîtrise d’œuvre pour l’extension de la déchèterie de Meaux et la modernisation de la déchèterie de Bailly-Romainvilliers.

La société X s’est portée candidate pour deux lots. Elle a été informée du rejet de son offre par courrier en date du 15 juillet 2024.

La société X a ainsi formé un référé précontractuel, arguant que l’offre du groupement attributaire (groupement A) était « anormalement basse ».

En effet, l’offre du groupement A, fixée à 113 725 euros était sensiblement plus faible que l’offre de la société requérante (182 825 euros) et du troisième candidat (177 868 euros).

De plus, le groupement attributaire avait prévu un nombre de jours d’exécution du marché moins important que ses concurrents.

Selon la société requérante, ces différences de prix et de temps d’exécution étaient suffisants pour démontrer l’existence d’une offre anormalement basse (OAB). 

Le juge des référés rappelle toutefois, aux termes de son ordonnance, que la seule circonstance qu’une offre soit substantiellement moins moins élevée que ses concurrents ou que l’estimation de l’acheteur, ne suffit pas à caractériser l’OAB.

Il procède ensuite à un véritable contrôle in concreto des justifications apportées par l’attributaire.

Le juge constate que le taux journalier du groupement attributaire est légitimement plus faible que ses concurrents dans la mesure où les sociétés qui le composent ont des «  coûts de fonctionnement légers » . Il relève que la société B, mandataire du groupement A, est composée de 3 salariées en télétravail total et bénéficie de dispositifs d’aides relatifs à un démarrage d’activité professionnelle en janvier 2021.

Le juge explique ensuite la différence de « nombre de jours travaillés » par le fait que le groupement mandataire se soit basé, pour rédiger son offre, sur une étude géotechnique communiquée aux candidats dans le dossier de consultation. Selon lui, la société requérante ne démontre pas les raisons pour lesquelles l’estimation de temps qu’elle a réalisé serait l’unique manière de répondre au besoin de l’acheteur. Elle ne démontre pas non plus en quoi le groupement attributaire n’aurait pas les capacités techniques pour répondre aux exigences du marché.

Dans ses conditions, le juge a conclu que le montant de l’offre de la société attributaire ne présentait pas un écart tel que le SMITOM aurait dû faire usage de la procédure contradictoire prévue à l’article L. 2152-6 du code de la commande publique ou aurait retenu une offre anormalement basse.

Il rejette ainsi le référé.

Le juge des référés procède à un véritable contrôle des charges et modalités de travail d’une société afin de vérifier l’existence d’une offre anormalement basse. Il a validé le raisonnement de l’acheteur qui n’a pas jugé utile, en l’espèce, de déclencher la procédure contradictoire.

Référé précontractuel / OAB / télétravail

Juillet 2024

Propos d’un élu sur un réseau social : attention au principe d’impartialité dans l’attribution d’un contrat public

CE, 24 juillet 2024, Commune de Sevran, n°491268

ll est ADMYS que le principe d’impartialité s’impose au pouvoir adjudicateur comme à toute autorité administrative, en tant que principe général du droit. Sa méconnaissance est ainsi constitutive d’un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence.

En l’espèce, la Commune de Sevran avait lancé une procédure ouverte tendant à la conclusion d’un contrat de délégation de service public pour la gestion du marché forain de la ville, pour une durée de soixante mois. Deux candidatures avaient été déposées, dont l’une par le délégataire sortant.

Cette dernière fut finalement évincée. Elle saisit ensuite le Juge des référés du Tribunal administratif de Montreuil. Ce dernier annula finalement la procédure d’attribution du contrat en raison d’un manquement au principe d’impartialité.

En effet, le Juge des référés releva que le message d’un internaute, publié sur le réseau social « Facebook » le 7 août 2023, relatif au marché de Sevran, avait suscité la réaction du conseiller municipal président délégué de la commission d’appels d’offre, lequel avait alors déclaré en commentaire que « le marché est mal géré. C’est domage car il est très fréquenté (…). Le bail de concessionnaire du marché doit être renouvél en janvier prochain, c’est l’occasion de le réformer pour qu’il soit plus diversifié et qu’on y trouve plus de commerces de qualité ».

Considérant ce motif d’annulation comme infondé, la Commune de Sevran se pourvut alors en cassation auprès du Conseil d’Etat contre l’ordonnance en cause.

Après avoir rappelé qu’« au nombre des principes généraux du droit qui s’imposent au pouvoir adjudicateur comme à toute autorité administrative figure le principe d’impartialité, dont la méconnaissance est constitutive d’un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence », le Conseil d’Etat souligne la modération du propos et relève que « le contexte de cette publication ne [révélait] ni parti pris ni animosité personnelle à l’encontre de la Société » attributaire.

Partant, le principe d’impartialité n’a pas été méconnu si bien que le Conseil d’Etat en déduit que le Juge des référés du Tribunal administratif de Montreuil a commis une inexacte qualification des faits. Réglant ensuite l’affaire au fond, le Conseil d’Etat rejette a demande de la société évincée.

Référé précontractuel / impartialité / publication / Facebook / réseaux sociaux

Annulation partielle d’une procédure de passation : ça marche aussi en DSP!

CE, 18 juillet 2024, Commune de Menton, n° 492880 

ll est ADMYS que le juge des référés précontractuel ne doit annuler que partiellement la procédure de passation pour l’attribution d’un contrat si le manquement invoqué ne se rapporte qu’à un stade précis de la procédure.

En l’espèce, la commune de Menton a lancé une procédure pour l’attribution de plusieurs lots d’une délégation de service public pour l’exploitation d’une plage.

Deux candidats évincés ont obtenu l’annulation de l’ensemble des procédures de passation des contrats pour irrégularité de la méthode d’évaluation en ce qu’elle faussait l’égalité de traitement des candidats.

Partant, la commune s’est pourvue en cassation.

Le Conseil d’état confirme l’irrégularité de cette méthode d’évaluation dépourvu de hiérarchisation des critères :

« 6. Il ressort des énonciations de l’ordonnance attaquée que le juge des référés a constaté que des documents non-conformes ou insuffisants ont été notés « rouge » s’agissant des offres de MM.B et D alors que des documents présentés par des candidats admis à négocier et affectés de ces mêmes manquements ont été notés « jaune » ou « vert ». Le juges des référés en a conclu, au terme d’une appréciation souveraine des faits et sans ses prononcer sur l’appréciation portée sur la valeur d’une offre ou les mérites respectifs des différentes offres, que l’autorité concédante avait méconnu le principe d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures ».

Cependant, et contrairement à ce qu’a jugé le juge de première instance, il précise que cet élément n’entache d’illégalité qu’une partie de la procédure de passation :

« 7. Toutefois, compte tenu du manquement relevé qui se rapportait à la phase d’admission des candidats à la négociation, le juge des référés a commis une erreur de droit en annulant l’ensemble de la procédure. Par suite, la commune de Menton est fondée à demander l’annulation de l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nice en tant seulement qu’elle a annulé la procédure d’attribution des concessions pour les lots n°1 et 9 à un stade antérieur à la phase d’admission des candidats à négocier. »

Le Conseil d’Etat indique que cette circonstance lui impose de régler lui-même l’affaire au fond.

Ne constatant aucun autre manquement se rapportant à la phase antérieure à la phase de négociation, il décide de ne pas faire droit aux conclusions des premiers requérants qui tendaient à voir annuler l’entièreté de la procédure.

Il conclut ainsi à l’annulation partielle de l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nice et rejette le surplus des conclusions de la société évincé.

#référé précontractuel #annulation de la procédure de passation #stade de la procédure #moyen invoqué

Pas de confusion entre appréciation de la capacité des candidats et examen de la qualité des offres

TA Rennes, 18 juillet 2024, Etablissement public territorial du Bassin de la Vilaine “Eaux et Vilaine”, n° 2403434 

ll est ADMYS que, si les capacités des candidats doivent être appréciées au seul stade de l’examen des candidatures, les informations relatives aux moyens en personnel et matériel des candidats peuvent constituer des éléments d’appréciation de la qualité technique de l’offre, si elles sont non discriminatoires et liées à l’objet du marché (articles L. 2152-7, L. 2152-8 et R. 2152-7 du Code de la commande publique).

L’Etablissement public territorial du Bassin de la Vilaine “Eaux et Vilaine” (ci-après “EPT EV”) a passé un appel d’offres ouvert en vue de désigner l’attributaire d’un marché sous forme d’accord-cadre à bons de commande pour réaliser des travaux de restauration des milieux aquatiques. 

A la suite du rejet de ses offres pour les lots n°4 et n°5, la Société X saisit le juge du référé précontractuel, au motif unique de la “confusion opérée par le pouvoir adjudicateur entre l’appréciation des capacités des candidats, pouvant être vérifiées au stade de l’examen des candidatures, et les critères d’attribution permettant d’apprécier la valeur technique intrinsèque des offres”. Dans les documents de la consultation, il était en effet sollicité des entreprises qu’elles précisent, dans leurs offres, leurs expériences passées et les travaux exécutés sur des chantiers similaires.

Le juge relève toutefois que l’expérience dont les sociétés étaient amenées à faire part dans le cadre de leur mémoire technique était précisément circonscrite aux seuls chantiers similaires en milieux aquatiques et en ouvrages d’arts, alors que l’expérience requise pour l’analyse de leurs candidatures était formulée de manière plus générale. Il ajoute que les références attachées au mémoire technique ne constituaient pas un sous-critère technique autonome mais un élément d’appréciation de la méthodologie générale envisagée dans les offres. D’ailleurs, il n’était pas demandé aux candidats d’illustrer leur méthodologie au regard de leurs références antérieures. Partant, le juge conclut que : 

“il résulte de l’instruction que l’EPTB EV n’a pas, en demandant la production d’éléments d’information sur les expériences antérieures des sociétés candidates sur des chantiers similaires en milieux aquatiques et d’ouvrages d’arts, à l’appui du mémoire technique et dans le cadre de l’appréciation du sous-critère technique “méthodologie”, porté de nouveau une appréciation sur les capacités générales des sociétés candidates et par suite procédé à une confusion des critères d’examen des candidatures et des offres. En procédant à l’examen et à la valorisation de ces éléments d’informations, il a ainsi seulement porté une appréciation, qui ne peut être utilement contestée devant le juge des référés précontractuels, sur la valeur technique intrinsèque des offres”.

Ainsi, l’expérience des candidats peut constituer un élément, mais pas un critère autonome, d’appréciation des offres. Les acheteurs sont toutefois appelés à la vigilance afin de ne pas confondre examen des candidatures et examen des offres à l’appui de ces informations.

référé précontractuel / critère d’examen des candidatures et des offres / confusion des critères 

 Attention danger : pas d’attribution de marché sur un motif politique 

TA Saint-Martin, 17 juillet 2024, Etablissement des eaux et de l’assainissement de Saint-Martin, n°2400077

ll est ADMYS que l’attribution d’un marché doit s’appuyer sur la mise en œuvre objective des critères annoncés dans les documents de consultation. Toute décision motivée par des considérations politiques encourt nécessairement la censure du juge administratif.

L’Etablissement des eaux et de l’assainissement de Saint-Martin a lancé une procédure d’appel d’offres ouvert portant sur des prestations d’assistant à maître d’ouvrage pour l’extension de l’usine de production d’eau potable. 

Une première analyse a été effectuée par les services de l’EEASM avec l’assistance d’une société d’ingénierie. A l’issue de cette première analyse, la société X (société requérante) avait été classée première avec les notes de 38 sur le critère prix et de 50 sur le critère technique. La société Y avait été classée 2ème avec la note de 40 pour le critère prix et 40 sur le critère technique.

La commission d’appel d’offres (CAO) a finalement décidé de ne pas suivre cette notation … et a ainsi procédé à une nouvelle notation des offres. La société requérante est ainsi passée de la première à la deuxième place. 

Or, comme le souligne le juge du référé précontractuel, ” il ressort du rapport d’analyse des offres que la modification du classement opérée par la CAO s’est appuyée sur un motif « politique » tel que cela apparait sur ce rapport avec la mention « La CAO par choix politique a décidé d’attribuer à chaque candidat la note suivante (…) ».” 

La rétrogradation de la société requérante de la première à la deuxième place était ainsi uniquement motivée par des considérations politiques. Et visiblement, l’acheteur n’a pas démontré à la barre les raisons objectives ayant conduit à modifier le classement opéré initialement. 

L’acheteur doit rester vigilant quant à la mise en oeuvre des critères d’attribution. Aucune considération politique ne doit dicter l’attribution d’un marché. 

référé précontractuel / motif politique / annulation / marché public 

Le conflit d’intérêts ne se présume pas 

TA Marseille, 15 juillet 2024, Société SNCF Réseau, n°2406477

ll est ADMYS que le principe d’impartialité implique l’absence de situation de conflit d’intérêts au cours de la procédure de sélection du titulaire du contrat. Seule la participation directe ou indirecte à la procédure de passation peut caractériser un conflit d’intérêts.

La société SNCF Réseau, en qualité d’entité adjudicatrice, a lancé une consultation en vue de conclure sous la forme d’un accord-cadre à bons de commande un marché portant sur une mission de diagnostic des constructions avoisinantes en lien avec les aménagements du projet Ligne Nouvelle Provence Côte d’Azur. 

La société X, attributaire du marché, avait été sous-traitante dans le cadre de l’accord cadre portant sur des études de conception technique, environnementale et d’exploitation pour la réalisation des études de la traversée souterraine de Marseille (T.S.M.) du projet LNPCA. Elle avait réalisé une mission de diagnostic des bâtis et étude de leur sensibilité et vulnérabilité aux travaux prévus.

La société évincée du marché, dans le cadre d’un référé précontractuel, soutenait l’existence d’un conflit d’intérêts au motif que la société attributaire aurait nécessairement eu connaissance d’informations dans le cadre de ses missions précédentes de sous-traitance.

Le juge administratif a rejeté chacun des éléments évoqués par la société.

D’abord, la société attributaire n’avait pas été engagée en qualité de contrôleur technique dans le cadre de ses missions de sous-traitance. Par suite, le moyen tiré de l’incompatibilité de la société attributaire aux missions de conception du marché en cause avec les missions de contrôleur technique qu’elle aurait exercé sur un marché précédent ne peut qu’être écarté.

Ensuite, le juge relève que la société  n’a participé ni directement ni indirectement à la préparation de la procédure du marché. 

Enfin, le juge écarte le moyen selon lequel la société aurait bénéficié d’informations sur le marché dans la mesure où la note technique obtenue par l’attributaire est inférieure à celle obtenue par la société évincée. 

Pour toutes ces raisons, le Tribunal administratif considère qu’il n’y a pas eu impartialité de l’acheteur. 

Le conflit d’intérêts est donc apprécié strictement par le juge administratif. Seule la participation directe ou indirecte à la préparation de la procédure serait ainsi susceptible de caractériser une situation de conflit d’intérêts. 

référé précontractuel / conflit d’intérêts / impartialité

Quand le juge des référés annule une procédure d’attribution en raison de l’absence de détection d’une offre anormalement basse !

 

 

TA Montreuil, 11 juillet 2024, FranceAgriMer, n°2407500

ll est ADMYS qu’il incombe au pouvoir adjudicateur qui constate qu’une offre paraît anormalement basse de solliciter auprès de son auteur toutes précisions et justifications de nature à expliquer le prix proposé. Si les précisions et justifications apportées ne sont pas suffisantes pour que le prix proposé ne soit pas regardé comme manifestement sous-évalué et de nature à compromettre la bonne exécution du marché, il appartient au pouvoir adjudicateur de rejeter l’offre.

En l’espèce, l’établissement national des produits de l’agriculture et de la mer (ci-après « FranceAgriMer ») avait lancé une procédure d’appel d’offres tendant à la conclusion d’un accord-cadre mono-attributaire à bons de commande de prestations de service d’assistance aux utilisateurs de ses téléservices. Une société avait présenté une offre recevable puis, classée deuxième, avait contesté la procédure d’attribution à l’une de ses concurrentes.

La société requérante soutenait que le montant du prix de l’offre de l’attributaire était inférieur de 75 % au montant de sa propre offre, que l’attributaire pressenti publiait des résultats significativement déficitaires depuis plusieurs années et que l’application du mécanisme de la «double moyenne» aboutissait également à mettre en évidence une anomalie de prix.

Le Juge des Référés rappelle à cet effet qu’aux termes de l’article L. 2152-6 du Code de la commande publique, « l’acheteur met en œuvre tous moyens lui permettant de détecter les offres anormalement basses. / Lorsqu’une offre semble anormalement basse, l’acheteur exige que l’opérateur économique fournisse des précisions et justifications sur le montant de son offre (…) ».

Pour annuler la procédure d’attribution, il relève que l’offre financière de l’attributaire pressentie était plus basse de 75 % par rapport à celle de la requérante et d’une valeur au moins inférieure d’un même ordre de grandeur à celle de l’offre présentée par un troisième candidat. Par ailleurs, les difficultés d’exploitation de la société attributaires révélées par des éléments publics et susceptibles d’entraîner la cessation de paiement de cette entreprise en cours d’exécution du marché n’avaient pas été contestées en défense, renforçant l’idée que l’offre présentée par la société attributaire n’était pas viable.

De plus, le juge admet la pertinence de la méthode dite de la «double moyenne» en tant qu’indice d’anomalie du prix de la société attributaire. 

Le juge en déduit alors « qu’en s’abstenant de mettre en œuvre la procédure de vérification de l’article L. 2152-6 du code de la commande publique, l’établissement public FranceAgriMer a méconnu ses obligations en matière de publicité et de mise en concurrence et que ce manquement est susceptible d’avoir lésé la société requérante, dont l’offre classée deuxième n’était ni irrégulière ni irrecevable, et qui peut, par suite, utilement se prévaloir de ce manquement ».

Référé précontractuel / OAB / Offre anormalement basse / annulation / manquement /

 

La négociation des offres peut permettre de couvrir tout vice relatif à l’évolution du cahier des charges

TA Rennes, 10 juillet 2024, Communauté d’agglomération Morlaix communauté, n° 2403300. 

ll est ADMYS que la négociation des offres, non obligatoire dans le cadre d’un MAPA, ne peut ni conduire à méconnaître les principes essentiels de la commande publique, ni conduire à modifier les caractéristiques du marché. 

La Communauté d’agglomération Morlaix communauté (ci-après “La CA Morlaix communauté”) a lancé une procédure de passation d’un marché alloti portant sur la réhabilitation de la déchetterie de la commune de Taulé. L’offre de la Société X n’a pas été retenue pour le lot n°1 consacré à la “voirie et réseaux humides”. Mécontente, elle saisit le juge du référé précontractuel en vue de suspendre la signature du contrat, d’annuler la procédure d’attribution et d’enjoindre sa reprise au stade de la rédaction des documents techniques. 

Le juge rappelle d’emblée qu’il ne lui appartient pas d’enjoindre la suspension de la signature du contrat dès lors que sa saisine suspend cette dernière jusqu’à la notification de l’ordonnance de référé précontractuel (article L. 551-4 du Code de justice adminsitrative). 

Sur le fond, la Société X soutenait entre autres que la CA Morlaix communauté aurait méconnu l’exigence de garantir l’égalité de traitement entre les candidats en permettant à la Société retenue de baisser son offre à un montant presque identique à sa propre offre.

Dans le cadre de son contrôle concret sur ce moyen, le juge a vérifié que la négociation s’était déroulée dans des conditions insusceptibles de fausser la concurrence, en divulgant par exemple des informations sensibles ou couvertes par le secret des affaires (dont, de toute évidence, le prix de l’offre concurrente). En l’occurrence, la baisse du prix de l’offre de la société déclarée attributaire trouvait une explication purement mathématique, à savoir la modification du coefficient de marge sur tous les prix du BPU. De ce point de vue, la négociation ne présente aucune irrégularité.

Par ailleurs, le juge relève que l’offre de la Société X a été déclarée acceptable au stade de la négociation, en raison de la décision du pouvoir adjudicateur de ne finalement pas exiger de matériau spécifique pour les granulats de remblaiement, alors même que l’offre initiale de ladite société ne comportait aucune précision sur le matériau envisagé. A supposer même que cette évolution mineure du cahier des charges ait méconnu les principes essentiels de la commande publique, le juge estime qu’elle n’a pas lésé la Société X dès lors qu’elle a été admise à négocier et que son offre a été étudiée en bonne et due forme :

” 8. […] A supposer que ce faisant, le pouvoir adjudicateur aurait méconnu ses obligations de publicité et de mise en concurrence, dès lors que la négociation ne peut avoir pour objet de modifier les caractéristiques principales d’un marché, ce manquement n’a pas été en tout état de cause de nature à léser la société requérante, qui a été admise à négocier et dont l’offre a pu être analysée et classée et n’a pas été jugée irrégulière. Par suite, le moyen ne peut qu’être écarté”. 

Même si elle n’est pas obligatoire dans le cadre d’un MAPA, la négociation peut s’avérer salvatrice de toute irrégularité en permettant aux candidats d’adapter leur offre en présence de la moindre évolution du cahier des charges. 

référé précontractuel / négociation des offres / offre irrégulière / évolution du cahier des charges 

Une offre considérée comme régulière au stade de l’analyse des offres peut devenir irrégulière devant le juge !

TA Lyon, 9 juill. 2024, Communauté de communes Bugey Sud, n° 2406058. 

ll est ADMYS qu’un acheteur peut se prévaloir du caractère irrégulier de l’offre présentée par l’auteur du référé pour soutenir que celui-ci n’est pas susceptible d’être lésé par les manquements qu’il invoque. 

La communauté de communes Bugey Sud a engagé une procédure d’appel d’offres ouvert en vue de la passation d’un accord-cadre ayant pour objet l’exploitation d’un service de transport urbain constitué d’une ligne régulière desservant la commune de Belley.  

La société XX a été informée que son offre a été classée en deuxième position par un courrier du 11 juin 2024. Elle a ainsi saisi le juge des référés précontractuels.

La Communauté de communes arguait en défense que la société XX n’avait pas d’intérêt à agir dans la mesure où son offre était irrégulière. 

Elle soutenait premièrement que le règlement de consultation imposait la fourniture d’une note spécifique détaillée et illustrée de photos indiquant les éventuelles difficultés à traiter pendant la période de préparation.

 Le juge a toutefois rejeté cette analyse, estimant que « les prescriptions des documents de la consultation précitées ne peuvent être interprétées comme exigeant de produire, outre une attestation de réalisation de la visite de terrain, une note spécifique détaillée et illustrée de photos lorsque cette visite n’a pas révélé, selon le soumissionnaire, d’éventuelles difficultés susceptibles de donner lieu à des propositions d’ajustement de parcours ou d’horaire notamment. »

La Communauté de communes relevait ensuite que l’offre de la société requérante n’était pas conforme au règlement de consultation. La société XX avait proposé un véhicule de réserve ne correspondant pas aux stipulations du CCTP. 

Le juge a estimé que la Communauté de Communes était alors fondée à soutenir que l’offre de la société XX était irrégulière, et que cette dernière n’était donc pas susceptible d’être lésée par un éventuel manquement invoqué au soutien de sa requête :  

« Dans ces conditions, la communauté de communes de Bugey Sud est fondée à soutenir que l’offre de la société XX, qui ne produit pas la carte grise en question, était irrégulière quand bien même elle a été analysée et classée avec la mention « moyennement satisfaisant » sur ce point. Par suite, elle est fondée à soutenir que la société requérante n’est pas susceptible d’être lésée par les manquements invoqués qui se rapportent à la légalité de certains sous-critères et sous-sous-critères permettant d’apprécier la valeur technique de son offre ou plus globalement les effets du critère de la valeur technique sur la liberté de choix de l’acheteur. »

Ainsi, même qu’il aurait procédé à son examen et à son classement, l’acheteur peut se prévaloir du caractère irrégulier de l’offre présentée par l’auteur du référé pour soutenir que celui-ci n’est pas susceptible d’être lésé par les manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence qu’il invoque. Le juge administratif offre ainsi un champ de défense assez large aux acheteurs.

Offre irrégulière / moyen de défense 

Aider un candidat ou être candidat : il faut choisir 

TA Pau, 9 juillet 2024, Parc national des Pyrénées, n°2401526

 ll est ADMYS qu’une société qui a eu connaissance de l’offre d’un autre candidat ne peut pas participer à la procédure de passation d’un marché public … et encore moins être attributaire du marché !

Par un avis d’appel public à la concurrence en date du 12 octobre 2023, le parc national des Pyrénées a lancé une consultation en vue de l’attribution d’un marché public ayant pour objet la location longue durée de véhicules. 

La société X avait conclu un contrat de prestations de services avec Madame B. pour la gestion d’affaires avec certains clients dont le Parc national des Pyrénées. Madame B. avait donc rédigé l’offre de la société X et notamment son BPU. 

En cours de procédure, Madame B. a créé la société Y. Cette société a déposé une offre dans le cadre de la procédure lancée par le Parc national des Pyrénées. Et cette même société s’est vue attribuer le marché.

En droit, l’article L. 2141-8 du Code de la commande publique précise que l’acheteur peut exclure de la procédure de passation d’un marché les personnes qui ont entrepris d’obtenir des informations confidentielles susceptibles de leur donner un avantage indu lors de la procédure de passation. 

En l’espèce, le Tribunal administratif de Pau a considéré qu’en rédigeant l’offre financière de la société X, Madame B. avait eu accès à une information confidentielle susceptible de rompre l’égalité entre les candidats à l’attribution du marché. Pour le juge, ” la société Y et le Parc national des Pyrénées n’établissent pas que la gérante de la société attributaire n’avait pas obtenu des informations confidentielles susceptibles de lui conférer un avantage indu lors de la procédure de passation“.

En conséquence, la société Y dont Madame B est la gérante “doit être regardée comme ayant, dans le cadre de la procédure de passation en cause, entrepris d’influencer la prise de décision de l’acheteur. ” Il en résulte que le Parc national des Pyrénées aurait du légalement exclure la société Y de la procédure de passation de son marché public.

Il appartient ainsi aux acheteurs d’être vigilants quant aux différentes sociétés qui soumissionnent. Ils ont l’obligation d’exclure les candidats qui auraient obtenu des informations confidentielles leur conférant un avantage indu. 

référé précontractuel / marché public / avantage indu / exclusion

Quand l’irrégularité de la négociation entraîne l’annulation de la procédure de passation

TA Nancy, 8 juillet 2024, SOLOREM, n°2401789

ll est ADMYS que si le pouvoir adjudicateur est libre de recourir ou pas à la négociation dans le cadre d’une procédure adaptée, les conditions de mise en oeuvre de cette faculté sont strictement contrôlées par le juge au regard des principes fondamentaux de la commande publique (articles L. 2123-1 et R. 2123-5 du Code de la commande publique).

La Société SOLOREM est concessionnaire d’aménagement pour le compte de la Métropole du Grand Nancy. Dans ce cadre, elle a lancé une consultation en vue de désigner l’attributaire d’un marché de conception-réalisation, d’exploitation et de maintenance pour la construction d’un parking silo. Ayant vu son offre classée en deuxième position, la Société X sollicite du juge qu’il annule la procédure en raison de l’irrégularité de la négociation. 

En l’espèce, l’acheteur avait prévu au sein du règlement de la consultation que la commission d’attribution des offres se prononcerait notamment sur l’analyse du comité technique, qu’une audition était prévue par candidat par cette commission, avant que le pouvoir adjudicateur désigne le ou les lauréat(s) avec le(s)quel(s) il négociera grâce à une éventuelle nouvelle commission. Cependant, l’acheteur a choisi d’auditionner la société X dans un premier temps, puis avec la société Y, attributaire, dans un second temps mais seulement après que la société X ait déposé son offre négociée, “sans que la commissions d’attribution des offres n’ait auditionné les candidats puis transmis son avis en vue de la désignation du ou des lauréats admis à négocier”.

Saisi sur ce point, le juge rappelle que “la décision du pouvoir adjudicateur de recourir à la négociation dans le cadre d’une procédure adaptée ne saurait être utilement critiquée devant le juge. En revanche, s’il choisit, comme il lui est loisible de le faire, de ne négocier qu’avec certains candidats qui ont présenté une offre, il appartient au juge, saisi d’un moyen sur ce point, de s’assurer qu’il n’a méconnu aucune des règles qui s’imposent à lui, notamment le principe d’égalité de traitement entre les candidats”

Or, au cas présent, en négociant avec la Société Y après la remise de l’offre négociée de la Société X, la SOLOREM s’est écartée des exigences prévues au règlement de la consultation et a “manqué à son obligation de loyauté et de transparence envers la société requérante”. De ce fait, la lésion de la Société X est établie et la procédure est annulée au stade de l’audition des candidats et de l’examen des offres par la commission d’attribution des offres.

Ainsi, si l’acheteur se fixe des contraintes en matière de négociation, il doit strictement s’y conformer.


référé précontractuel / négociation / transparence / loyauté 




Un élément noté est un critère à part entière!

TA Rouen, 5 juillet 2024, CHU de Rouen, n°2402322

ll est ADMYS que si un élément d’appréciation d’une offre devient un élément important de l’analyse, cet élément aurait dû constituer un sous-critère à part entière et, partant, être communiqué à tous les candidats en amont de la procédure . 

Le Centre Hospitalier Universitaire de Rouen (CHU) a lancé une procédure de passation d’un marché public alloti portant sur la fourniture de dispositifs médicaux stériles d’usage courant regroupant des dispositifs d’abord parentéral et osseux, d’abord chirurgicaux, d’exploration, gants et compresses. Les offres de la Société X n’ont pas été retenues pour les lots 100, 101, 102, 103, et 107, le lot 100 ayant été requalifié au moment de l’attribution. La Société X saisit le juge du référé précontractuel en vue de suspendre la signature des contrats, d’annuler les procédures d’attribution, et d’enjoindre la reprise totale des procédures de passation des lots 101, 102, 103 et 107.  

En droit, l’article R. 2152-11 du Code de la commande publique prévoit que les critères d’attribution et modalités de mise en œuvre sont indiqués dès les documents de la consultation. 

Sur le fond, la Société X soutenait que le CHU de Rouen aurait méconnu les obligations de publicité et de mise en concurrence pour l’attribution des marchés publics en ne communiquant pas le sous-critère lié à « l’étendue de la gamme », aux candidats. 

Je juge donne raison à cette argumentation aux termes de son 11ème considérant :

“Il résulte de l’instruction que la société X s’est vu rejeter ses offres présentées pour les lots nos 101, 102, 103, et 107 par le CHU de Rouen, pour le même motif selon lequel l’« étendue de gammes » n’était pas suffisant, la plaçant en 2ème position pour les lots nos 101, 102 et 103 et en 3ème position pour le lot n° 107. Si, en défense, le CHU de Rouen fait valoir que l’étendue de gamme était un élément d’appréciation pour l’analyse des offres et que celui-ci ne se rapportait pas à un sous-critère qui aurait dû être inscrit dans le règlement de consultation, il ressort des mêmes déclarations du CHU de Rouen, dans ses écrits ainsi que dans ses observations orales à l’audience, que cette étendue de gamme était d’une importance telle dans l’appréciation des offres que les sociétés candidates devaient présenter des tailles de produits adaptées à chaque service pour se voir attribuer la meilleure note, et que la société présentant le plus grand nombre de taille obtenait une meilleure note au sous-critère technique du critère de la qualité. Dès lors, le CHU de Rouen doit être regardé, en ayant pris en compte dans son niveau d’évaluation cette «étendue de gamme», comme ayant fait usage d’un sous-critère à part entière, dont au demeurant il ne précise pas le poids relatif dans la notation du critère de la qualité. Ce sous-critère n’ayant pas été préalablement porté à la connaissance des candidats à la consultation, et la société X n’ayant obtenue, pour les lots nos 101, 102, 103 et 107, respectivement et seulement les notes de 5,30 sur 6,50, 4,10 sur 6,50, 2,90 sur 6,50 et 2,90 sur 6,50, contre 6,50 sur 6,50, 6, 50 sur 6,50, 4,10 sur 6,50 et 4,10 sur 6,50 pour les sociétés attributaires, et alors qu’elle devançait sur tous les lots les sociétés attributaires sur le critère du prix, elle est fondée à soutenir que le CHU de Rouen a méconnu ses obligations de publicité et de mise en concurrence.”

Les acheteurs doivent ainsi être vigilants, lors de l’analyse des offres, à ne pas donner trop d’importance à un élément qui n’apparaîtrait pas au titre des critères et sous-critères. 

Référé précontractuel / Notation / Sous-critères / Élément d’appréciation 

Rejet de l’offre mal déposée, pas de pitié pour les étourdis ! 

TA Bordeaux, 4 juillet 2024, Ministère des armées – Etablissement du Service d’Infrastructure de la Défense (ESID) de Bordeaux, n°2403635

 ll est ADMYS qu’une offre déposée dans le mauvais tiroir numérique sur la plateforme de dépôt est nécessairement inappropriée. 

L’Etablissement du Service d’Infrastructure de la Défense de Bordeaux (ESID), relevant du ministère des Armées, a lancé une procédure avec négociation en vue de la conclusion d’un accord-cadre à bons de commande n° DAF 2023000052 intitulé « Nouvelle Aquitaine 33 – DGA/EM Gironde – ACBC pour l’exécution des travaux d’entretien et d’améliorations diverses dans les immeubles des sites Gironde de la DGA/EM – Marché de gros œuvre, maçonnerie, métallurgie, couverture, clôture, VRD et génie civil ». La Société X a déposé son offre dans le « tiroir numérique » correspondant au marché n° DAF 2023001448 « 40-43 Base de défense de Mont-de-Marsan – Accord cadre à bons de commande SOS Dépannage et multi corps d’état ». L’ESID a donc rejeté son offre en raison de son caractère inapproprié.

Dans le cadre d’un référé précontractuel engagé par la société, le Tribunal administratif de Bordeaux a eu l’occasion de préciser les conséquences de l’erreur dans le dépôt d’une offre. 

Le juge souligne d’abord qu’après avoir déposé son offre, la société requérante a reçu de façon immédiate un accusé-réception automatique indiquant sans la moindre équivoque les références/intitulé, l’objet, la date de mise en ligne ainsi que la date limite de dépôt du marché correspondant au « tiroir numérique » utilisé. La société ne pouvait donc ignorer, à l’issue du dépôt de son offre, la nature et l’objet de la consultation à laquelle elle venait de répondre.

La société a par ailleurs reçu un accusé réception indiquant très exactement le marché pour lequel elle a déposé une offre.

Elle disposait en outre de plusieurs chemins d’accès à la salle de consultation, notamment un lien d’accès direct à la fiche du marché auquel elle candidatait muni du code d’accès correspondant.

Ensuite, les deux autres offres reçues par l’ESID ont été déposée dans le bon “tiroir numérique”. 

Enfin, la société requérante était titulaire du précédent marché identique. Et le Tribunal relève à ce titre qu’elle maîtrisait parfaitement l’outil PLACE pour le dépôt numérique des offres. 

Tout accable donc la société requérante .. et c’est sans surprise que le juge administratif considère que l’acheteur ” ne pouvait que regarder comme « inappropriée » l’offre de la société X“. 

erreur de dépôt / référé précontractuel / offre inappropriée 

Illustration d’une offre inappropriée

TA Bastia, 5 juillet 2024, Communauté de communes de la Costa Verde, n° 2400754

 

ll est ADMYS que le juge des référés réalise un contrôle in concreto de l’offre écartée comme étant inappropriée, afin de vérifier que l’acheteur ne l’a pas dénaturée.

La communauté de communes de la Costa Verde (CCCV) a lancé une procédure de passation du marché de fourniture d’une drague aspiratrice de sédiment et milieu marin ouvert et de ses équipements annexes, le 15 décembre 2023.

Par un courrier en date du 27 mai 2024, la société A a été informée du rejet de son offre comme inappropriée.

La société a formé un référé précontractuel.

Elle soutenait notamment que son offre avait été dénaturée et ne pourrait pas être qualifiée d’ « offre inappropriée ».

Dans le jugement, le juge des référés rappelé dans un premier temps que son office n’était pas de se prononcer sur l’appréciation portée sur la valeur d’une offre ou les mérites respectifs des différentes offres.

Il doit seulement se prononcer sur le respect, par le pouvoir adjudicateur, des obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation d’un contrat.

Il peut cependant, lorsqu’il est saisi d’un moyen en ce sens, de vérifier que le pouvoir adjudicateur n’a pas dénaturé le contenu d’une offre en en méconnaissant ou en en altérant manifestement les termes.

En l’espèce, le juge relève de l’instruction que l’offre de la société A a été écartée comme inappropriée au triple motif suivant : 

– la puissance trop faible du désagrégateur

– l’insuffisance de la vitesse en auto-propulsion

– l’absence de pieux articulés.

Or, l’article 1.3 du CCCT imposait spécifiquement une puissance du désagrégateur de plus ou moins 10 % par rapport à 35 kW. L’offre de la société A comportait une puissance maximale de 22,3 kW.

Par ailleurs, l’article 1.4 du CCAP exigeait que la vitesse de déplacement soit de 4-5 nœuds. Or, l’offre de la société A propose une vitesse de 2-3 nœuds.

Enfin, l’article 1.3 imposait que le nombre de pylône devrait être de 4, dont deux articulés. L’offre de la société A comporte 4 pieds fixes.

Le juge a donc confirmé le caractère inapproprié de l’offre : 

« 13. Il résulte de l’instruction que les trois défauts soulignés aux points 10 à 12, dont la matérialité est au demeurant non contestée, ne permettaient pas à l’offre de la société A., sans modification substantielle, répondre au besoin et aux exigences de l’acheteur formulés dans les documents de la consultation. Il résulte notamment de l’instruction que la vitesse d’auto-propulsion de 2-3 nœuds posait des problèmes de sécurité. C’est donc à tort, sans qu’il soit besoin de statuer sur la conformité de son offre au regard de l’exigence selon laquelle le tuyau d’effluent doit être compris entre 200 et 250 mm contestée par la société B que la société A soutient que son offre n’est pas inappropriée ou aurait été dénaturée. »

Le juge des référés réalise un contrôle in concreto de l’offre écartée comme étant inappropriée, afin de vérifier que l’acheteur n’ait pas commis de dénaturation.

Offre inappropriée / contrôle du juge / dénaturation

Prise en compte du délai de suspension initial, et rien que ce délai !

TA Rennes, 04 juillet 2024, Groupement hospitalier territorial d’armoriales c/ Société X, n°2403245

 ll est ADMYS qu’un candidat évincé ne peut introduire un référé contractuel pour contester l’attribution d’un marché public lorsque l’acheteur a respecté le délai de suspension qu’il s’est lui-même fixé, et qui est supérieur au délai de standstill de onze jours (en cas de voie électronique) prévu par le Code de la commande publique. 

Dans cette affaire, le Groupement hospitalier territorial d’Armor a engagé une procédure formalisée pour la passation d’un accord-cadre de fournitures décomposé en quatre lots. 

Dans les courriers de rejet, l’acheteur a pris le soin d’informer le candidat du délai de suspension, de la date à partir de laquelle la signature des contrats pourrait intervenir, et des motifs de rejet des offres. 

Par ailleurs, à la suite de la sollicitation de précisions tenant au rejet des offres de la Société requérante, le pouvoir adjudicateur a pris la décision de prolonger le délai de suspension. 

Cependant, la Société X a demandé, au juge des référés contractuels, d’annuler les décisions relatives au rejet de ses offres (i), à l’attribution (ii), ainsi que les contrats conclus (iii). 

Or, pour rejeter ses prétentions, le juge administratif a procédé en deux temps.

En premier lieu, il vient rappeler quelles sont les personnes habilitées à agir sur le fondement du référé contractuel. 

Ainsi, en se fondant sur le Code de justice administrative, il retient que seuls sont recevables le préfet et les candidats privés de la possibilité de présenter utilement un recours précontractuel, lorsque le pouvoir adjudicateur :

  • n’a pas communiqué la décision d’attribution aux candidats non retenus ;
  • n’a pas observé le délai de suspension avant la signature du contrat. 

En l’espèce, le pouvoir adjudicateur ayant envoyé sa décision d’attribution à la Société requérante, il n’y avait aucun sujet sur cette exigence. 

En revanche, le second point a fait l’objet d’une analyse plus poussée du juge. 

En conséquence, en second lieu, le juge vérifie que l’acheteur a respecté toutes les étapes avant la signature des marchés publics :

  • étape n°1 : préciser dans le courrier de rejet le délai de suspension avant la signature (i), la date à partir de laquelle la signature pourrait intervenir (ii) et les motifs du rejet (iii) ;
  • étape n°2 : respecter a minima le délai de onze jours. 

Enfin, le juge des référés apporte une précision intéressante puisqu’il considère que le délai de suspension supplémentaire, et volontairement appliqué par l’acheteur, ne pouvait avoir pour effet de modifier le délai de suspension initial, seul ce dernier devant être pris en compte pour vérifier que l’acheteur ait respecté les exigences légales et réglementaires :

“Si, à la suite de plusieurs échanges, le pouvoir adjudicateur lui a indiqué, par un courriel du 16 mai 2024 que la procédure d’attribution avait été suspendue à la suite de son courrier du 23 avril 2024 sollicitant des précisions sur les motifs de rejet de ses offres et que la notification des contrats interviendrait à compter du 22 mai 2024, ce courriel, largement postérieur au terme du délai de onze jours conforme au délai réglementaire notifié dès le rejet des offres, ne pouvait avoir pour effet de modifier le délai de suspension initialement annoncé”.

Justice administrative/pouvoir adjudicateur/délai de suspension/standstill/référé contractuel/marché public de fournitures/juge des référés

Juin 2024

Justification d’OAB le matin de l’audience : trop tard pour le juge des référés!

 

TA Grenoble, 26 juin 2024, Centre hospitalier universitaire de Grenoble, n°2403993

ll est ADMYS que le fait de justifier d’une offre anormalement basse (OAB) le matin de l’audience dépasse le cadre de la procédure contradictoire déclenchée par l’acheteur. 

Le centre hospitalier universitaire de Grenoble a lancé une procédure de consultation pour l’attribution d’un accord-cadre pour le transport terrestre de personnel hospitalier, de prélèvements biologiques et de matériel de greffe.

La société X, candidate évincée, conteste la procédure au motif que le CHU aurait commis une erreur manifeste d’appréciation et aurait méconnu l’égalité de traitement des candidats en rejetant ses offres comme étant anormalement basses.

Le prix que proposait la société X était 50% inférieur à la fois aux offres des autres candidats, mais également à la valeur estimée du marché.

Le juge rejette le moyen en considérant que des éléments non conformes aux demandes de précisions de l’acheteur doivent être considérées comme insuffisantes :

« 5. Le pouvoir adjudicateur a demandé à la requérante, sur le fondement des dispositions précitées de l’article R. 2151-3, de détailler les prix proposés au bordereau des prix unitaires. En réponse et pour justifier que le montant de ses offres n’était pas sous-évalué, la société X s’est bornée à indiquer en deux paragraphes qu’elle a une « équipe en place aux abords de Grenoble » et qu’elle peut faire profiter de « synergies » liées à une « gestion précise et flexible » de ses ressources. Cette brève réponse, dépourvue d’éléments chiffrés, ne justifie pas du niveau des prix proposés au sens des dispositions précitées de l’article R. 2152-4. »

Par ailleurs, il rappelle que la régularisation des éléments de justification n’est pas susceptible d’être opérante si elle est produite en dehors du délai de réponse imposé par l’acheteur et si elle ne reprend pas, au minimum, les exigences du marché :

« 6. Dans ses dernières écritures, communiquées le matin de l’audience, la société X a produit plusieurs tableaux présentant une décomposition des prix de transport proposés pour six trajets. Toutefois, il est constant que ces précisions n’ont pas été apportées dans le cadre de la procédure de détection des offres anormalement basses. Au surplus, ces éléments nouveaux, non repris à l’audience, ne renvoient pas au CCTP, qui prévoit notamment en son article 3.1 une capacité de réponse en 45 minutes après appel pris en charge « 24h/24 et 7j/7 ». Dès lors, ces éléments tardifs ne paraissent, en tout état de cause, pas suffisants pour compenser les lacunes de la réponse apportée par la société X et pour que le pouvoir adjudicateur puisse retenir que les prix proposés permettront d’assurer la bonne exécution de ce marché à fort enjeu. »

Cette fermeté du juge est souhaitée afin d’éviter l’ouverture d’une brèche qui permettrait aux candidats de régulariser leur offre à n’importe quel stade de la procédure de passation. 

Offre anormalement basse / R. 2152-3 / R. 2152-4 CCP / référé précontractuel

Le critère d’analyse des offres ne doit pas s’apparenter à une appréciation de la capacité générale de l’entreprise

 TA Lyon, 26 juin 2024, Communauté de communes de la Côtièren° 2405321

Il est ADMYS que l’acheteur peut choisir d’évaluer au stade de l’analyse des offres la qualité du service, sans que cela ne s’apparente une appréciation globale sur la capacité du candidat.

La Communauté de communes de la Côtière à Montluel a engagé une procédure d’appel d’offre ouverte en vue de l’attribution d’un marché ayant pour objet l’exploitation sur son territoire d’une ligne urbaine et d’un transport à la demande zonal.

La société XX qui a été informée par un courrier du 24 mai 2024 que son offre, classée en deuxième position, n’avait pas été retenue. Elle a ainsi formé un référé précontractuel.

La société reproche premièrement au pouvoir adjudicateur de ne pas avoir allotis le marché. 

La Communauté de communes justifiait le recours à une dérogation à l’allotissement dans la mesure où « compte tenu de de la petite taille du territoire communautaire, de son caractère rural et de la faible densité de sa population, [un allotissement] aurait rendu techniquement plus difficile et plus onéreuse l’exécution des prestations prévues au contrat. » 

Le juge a donc estimé que l’acheteur avait correctement justifié son recours à la dérogation à l’allotissement.

Deuxièmement, le juge relève que, contrairement à ce que soutient la société requérante, une erreur matérielle dans le courrier de rejet de son offre ne suffit pas à établir que l’acheteur n’aurait pas respecté le règlement de la consultation pour évaluer les offres au titre du critère du prix.

Troisièmement, le juge rappelait qu’il est loisible à l’acheteur au stade de l’examen de la valeur des offres de choisir un critère permettant de garantir la valeur intrinsèque des offres. 

En l’espèce, le règlement de consultation prévoyait que la valeur technique des offres était appréciée au regard des moyens matériels affectés aux services, de la qualité de services et du développement durable. 

Le juge a admis ce critère dans la mesure où l’acheteur ne s’est pas bordé à examiner si les candidats répondaient aux exigences liées à la candidature de l’entreprise, mais a jugé la qualité du service. 

L’acheteur n’a donc par entendu porter une appréciation générale des candidats : 

« 9. S’il est loisible au pouvoir adjudicateur de retenir au stade de l’examen de la valeur intrinsèque des offres, à la condition qu’ils soient non discriminatoires et liés à l’objet du marché, des critères relatifs aux moyens en personnel et en matériel affectés par le candidat à l’exécution des prestations mêmes qui font l’objet du marché, afin d’en garantir la qualité technique, il ne peut, en revanche, se fonder sur des critères portant sur les capacités générales de l’entreprise qu’au stade de l’examen des candidatures.

10. Le règlement de la consultation du marché prévoit que la valeur technique des offres est appréciée au regard des moyens matériels affectés aux services, de la qualité de service et du développement durable et que le sous-critère relatif à la qualité de service est apprécié en fonction de deux items, notés chacun sur 10 points, portant sur la continuité du service et le suivi et le contrôle des services, dont la prise en compte n’est pas étrangère à l’appréciation de la valeur des offres. Il résulte du règlement de la consultation et du courrier du 10 juin 2024 que la communauté de communes de la Côtière à Montluel ne s’est pas bornée, pour juger la valeur des offres sur le sous-critère de la qualité du service, à examiner si les candidats répondaient uniquement aux exigences liées à la candidature de l’entreprise. L’acheteur n’a donc pas entendu porter une appréciation sur les capacités générales des candidats. »

L’acheteur peut donc choisir, au stade de l’analyse des offres, d’évaluer la qualité du service, sans que cela ne soit qualité par le juge d’appréciation globale sur la capacité du candidat.

Offre / critère / analyse des offres 

La précision de la définition des besoins s’apprécie à l’aune de l’ensemble des documents de consultation

TA Guadeloupe, 25 juin 2024, Conseil départemental de la Guadeloupe, n° 2400733

Il est ADMYS qu’il incombe au pouvoir adjudicateur de définir ses besoins avec suffisamment de précision pour permettre aux candidats de présenter une offre adaptée aux prestations attendues, compte tenu des moyens nécessaires pour les réaliser.

En l’espèce, par un appel public à la concurrence, le Conseil départemental de la Guadeloupe avait lancé une procédure adaptée pour la passation d’un accord-cadre multi-attributaires exécuté par bon de commande pour des prestations concourant à l’organisation de manifestations évènementielles. Une société avait présenté une offre pour l’un des lots et s’était vue refuser son offre.

La société requérante soutenait que les documents de consultation présentaient un caractère imprécis dès lors que le pouvoir adjudicateur n’aurait pas apporté d’élément permettant de chiffrer une proposition financière sur la base d’éléments tangibles.

Le Juge des référés rappelle dans un premier temps qu’il « incombe au pouvoir adjudicateur de définir ses besoins avec suffisamment de précision pour permettre aux candidats de présenter une offre adaptée aux prestations attendues, compte tenu des moyens nécessaires pour les réaliser ».

Pour écarter le moyen de la requête, le Juge des Référés relève que le bordereau des prix unitaires-DQE impliquait que les candidats présentent des prix moyens pour la réalisation des prestations demandées, commandées cinq fois sur une année et non des prix adossés à des évènements particuliers. Il relève également que l’article 6.2 du cahier des clauses particulières apportait des précisions supplémentaires aux candidats sur les prestations attendues, lesquelles concernaient l’évènement dans sa globalité.

Ainsi, le juge des référés considère qu’un DQE impliquant un nombre de commandes déconnecté d’évènements particuliers n’est pas pour autant imprécis dès lors que les candidats pouvaient prendre connaissance des prestations spécifiquement attendues dans le cahier des clauses particulières.

Référé précontractuel / précision des documents /  MAPA / procédure adaptée / R 2132-1


Office du juge des référés précontractuel : comparaison n’est pas dénaturation !

TA Marseille, 20 juin 2024, OPH Marseille Provence, n°2405243

Il est ADMYS que le juge des référés précontractuel ne peut se prononcer sur la valeur d’une offre retenue par le pouvoir adjudicateur et doit se limiter à vérifier l’absence de toute dénaturation du contenu de cette offre des candidats, laquelle aurait méconnu ou altéré manifestement les termes de ladite offre.

En l’espèce, l’OPH Marseille Provence avait soumis à la concurrence un marché de prestations d’entretien et de petits travaux de voirie et réseaux divers, divisé en trois lots. Par un courrier du 16 mai 2024, l’office a informé la société A du rejet de ses offres en ce qui concerne les trois lots.

La société requérante soutenait que son offre avait été dénaturée dès lors qu’elle avait obtenu une note de 40,86 sur 50 lors d’une précédente procédure d’appel d’offres ayant eu lieu en 2022, concernant un marché similaire passé par l’OPH Marseille Provence, alors qu’elle avait obtenu au cas présent la note de 16,55 lors de l’examen de son offre technique, reprenant selon elle la base, améliorée, de son mémoire technique de 2022.

Le Juge des référés rappelle dans un premier temps qu’il « n’appartient pas au juge du référé précontractuel, qui doit seulement se prononcer sur le respect, par l’autorité concédante, des obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation d’un contrat, de se prononcer sur l’appréciation portée sur la valeur d’une offre ou les mérites respectifs des différentes offres ».

Pour écarter le moyen de la requête, le Juge des Référés considère ainsi implicitement que le moyen dirigé contre la procédure de passation ne relève pas de son office de juge des référés précontractuel, dès lors que la critique opérée se rapporte à l’appréciation de l’offre de la société candidate par OPH Marseille Provence, et non sur sa dénaturation éventuelle.

Par suite, la comparaison de deux notes obtenues dans deux procédures différentes constitue une critique de l’appréciation portée par le pouvoir adjudicateur sur une offre et relève davantage de l’office du juge du contrat que du juge des référés.

Référé précontractuel / dénaturation / marché public / contrats publics / habitat / construction / voirie

Limite au principe général de transparence et consécration du “cherry picking” en matière de dialogue compétitif

TA Lyon, 20 juin 2024, Office public de l’habitat de la Communauté d’agglomération du bassin de Bourg-en-Bresse (Grand Bourg Habitat), n°2405082

Il est ADMYS que de manière générale, l’obligation de transparence qui s’impose à l’acheteur est raisonnablement limitée aux informations de nature à lui permettre de comprendre les motifs du rejet de son offre, et que la pratique du cherry picking est admise dans le cadre plus précis du dialogue compétitif (article R. 2161-26 et suivants du code de la commande publique, « CCP »).

 

Grand Bourg Habitat a lancé une procédure de dialogue compétitif en vue de désigner l’attributaire d’un marché de conception-réalisation pour la recomposition d’un quartier de Bourg-en-Bresse. La Société X a été déclarée attributaire et la Société Y, requérante, a été placée en deuxième position. Mécontente de ce classement, elle saisit le juge du référé précontractuel pour contester la procédure sur divers fondements.

 

Deux d’entre eux retiendront l’attention.

 

En premier lieu, la Société Y contestait le refus de Grand Bourg Habitat de lui communiquer certains documents. Sur ce point, le juge considère que l’obligation de transparence à laquelle est soumis l’acheteur en vertu de l’article R. 2181-3 du Code de la commande publique n’impose pas à ce dernier « d’indiquer la composition exacte du groupement attributaire et de lui communiquer l’acte d’engagement horodaté de l’offre finale de ce groupement et le règlement intérieur relatif au fonctionnement de la commission d’appel d’offres ».

 

Si l’exigence de transparence est due au candidat évincé, celle-ci est limitée aux seules informations lui permettant de comprendre les motifs de son éviction.

 

En second lieu et dans le cadre plus spécifique du dialogue compétitif, la Société faisait grief à Grand Bourg Habitat de n’avoir pas respecté le principe de confidentialité des solutions proposées par les candidats puis d’avoir « organis[é] le cherry picking des[dites] préconisations », c’est-à-dire de ne sélectionner que certaines d’entre elles pour affiner son cahier des charges.

 

Sur ce sujet le juge se montre particulièrement strict en rappelant que cette technique intègre l’essence même du dialogue compétitif :

 

« 8. Il résulte de l’instruction que Grand Bourg Habitat a fait porter le débat sur le cahier des prescriptions techniques et le programme de travaux à réaliser qui figurent dans les éléments modifiables dans le règlement de la consultation. La société Limoge Révillon n’établit pas que le dialogue n’a pas permis à son groupement de faire évoluer son projet architectural, alors que, par ailleurs, elle fait grief à Grand Bourg Habitat de ne pas avoir respecté la confidentialité des solutions préconisées par les candidats, en méconnaissance de l’article L. 2132-1 du code de la commande publique et de l’article 2-2-2 du règlement de la consultation, auquel elle reproche en outre d’organiser le cherry picking des préconisations des candidats. Par suite, le moyen tiré de ce que Grand Bourg Habitat aurait méconnu l’article R. 2161-27 du code de la commande publique doit être écarté. Il ne peut davantage lui être sérieusement reproché d’avoir méconnu l’obligation de confidentialité et d’avoir organisé un cherry picking dès lors que le principe même du dialogue compétitif est de permettre à l’acheteur de réutiliser les idées ou solutions d’un soumissionnaire pour faire évoluer ses exigences ».

 

Outils de marketing ou principes juridiques essentiels, les piliers de la commande publique revêtent un caractère universel.

 

Dialogue compétitif / transparence / cherry picking

Offre anormalement basse : seule la méthode du faisceau d’indices compte

TA Melun, 19 juin 2024, n°2404293, UAP

Il est ADMYS que l’existence d’un écart de prix entre l’offre de l’attributaire du marché et les autres offres ne saurait être constitutive d’une offre anormalement basse de manière systémique.

L’Union des groupements d’achats publics (UAP) avait lancé une procédure d’appel d’offre pour la conclusion d’un marché de fourniture relatif aux « équipements et mobiliers urbains ». Ce marché était constitué de quatre lots parmi lesquels l’un d’entre eux portait sur des solutions de collecte et de traitement de mégots de cigarettes. 

La société requérante dont l’offre a été rejetée a saisi le juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Melun et sollicite l’annulation de la décision de rejet au motif que l’UAP aurait fait une erreur manifeste d’appréciation en attribuant le lot à une offre susceptible d’être anormalement basse. 

Aux termes de l’article L. 2152-5 du Code de la commande publique, une offre anormalement basse est une offre dont le prix est manifestement sous-évalué et de nature à compromettre la bonne exécution du marché. L’acheteur doit tout mettre en oeuvre pour détecter les offres anormalement basses. L’objectif est d’éviter de fausser le jeu de la concurrence et de ne pas compromettre l’exécution du contrat. 

L’analyse de l’offre anormalement basse relève de l’acheteur. Il n’existe pas de seuil permettant de détecter de manière automatique une telle offre. Lorsqu’il est saisi, le juge recherche si le prix en cause est manifestement sous-évalué et, de ce fait, s’il est susceptible de compromettre la bonne exécution du marché. 

En l’espèce, le Tribunal administratif a fait application d’une jurisprudence désormais bien établie et a considéré que le simple fait qu’il existe un écart de prix important entre une offre et les autres ne saurait qualifier systématiquement l’existence d’une offre anormalement basse (voir en ce sens CE 29 mai 2013, Ministre de l’Intérieur, n° 366606) :

Toutefois, et d’une part, ainsi qu’il l’a été dit plus haut, le simple fait qu’une offre soit substantiellement moins élevée que celle de ses concurrents, ou que les estimations du pouvoir adjudicateur, ne suffit pas, à lui seul, à caractériser une offre anormalement basse. En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que l’écart des prix entre les deux sociétés était réduit, la société requérante ayant obtenu une note de 9,54 avant pondération, contre 10 à la société « Keenat ». D’autre part, la circonstance que cette dernière ait choisi un matériau plus onéreux, à la supposer établie, ne saurait non plus caractériser une offre anormalement basse, eu égard à l’objet même du marché, puisque celui-ci prévoyait la possibilité pour les clients de conclure avec elle des contrats de collecte avec différentes périodicités, incluant une dégressivité des prix en fonction de celles-ci, calculées en fonction de la « production » attendue de mégots sur le site d’implantation et de la contenance estimée des bacs de collecte.”

La qualification d’une offre anormalement basse continue donc de reposer exclusivement sur la méthode du faisceau d’indices. 

référé / marché public / OAB / méthode


L’OAB : il ne faut pas seulement la suspecter, il faut aussi l’écarter ! 

TA Caen, 19 juin 2024, Commune de Lisieux, n° 2401400,

Il est ADMYS que l’acheteur ne doit pas se contenter de mettre en oeuvre la procédure contradictoire en cas de suspicion d’OAB, mais bien écarter l’offre si les justifications apportées sont purement formelles. 

La Commune de Lisieux a lancé un marché public de travaux à procédure adaptée portant sur le conformément du bâtiment de l’école Saint-Exupéry.  La Société X a contesté son éviction de ce marché public et son attribution à la Société Z au motif de l’offre anormalement basse. 

En effet, dans cette affaire, la Commune avait adressé un courrier à la Société Z dans le cadre de la suspicion d’une offre anormalement basse (OAB), conformément à l’article R.2152-3 en vertu duquel l’acheteur doit exiger que le soumissionnaire justifie le prix ou les coûts proposés dans son offre lorsque celle-ci semble anormalement basse eu égard aux travaux, fournitures ou services. 

Cette jurisprudence vient assis éclairé l’analyse du juge des référés précontractuels sur l’appréciation portée par l’acheteur sur les justifications apportées par l’entreprise en cas de procédure d’OAB. 

Au cas présent, la Société Z avait effectivement répondu formellement au courrier de la Commune en confirmant le montant global de son offre et en précisant simplement que les deux postes “résine” et “travaux d’injection” avaient été intervertis, tout en indiquant que l’estimation de la Ville sur le montant du marché était disproportionnée et anormalement haute. La Commune, estimant ces observations satisfaisantes à analyser l’offre de la Société Z pour finalement la déclarer attributaire. 

Or, le juge administratif censure cette appréciation de la Commune, considérant que les travaux proposés par la Société Z ne portaient que sur une partie de l’assise de la construction, contrairement à l’offre de la Société requérante qui s’avérait conforme aux documents techniques du marché. Cette différence expliquait donc l’écart important entre les montants des deux offres. 

 Le juge en déduit que si la Commune a mis en oeuvre –  à juste titre – la procédure de l’article R.2152-3 du CCP, elle était tenue, en vertu de l’article R.2152-4 du CCP de rejeter l’offre de la Société Z comme anormalement basse, dès lors que les éléments du courrier ne justifient pas de manière satisfaisante le niveau anormalement bas de l’offre: 

“Il résume de ce qui précède que le prix proposé par la Société Z en lui-même, s’avérait manifestement sous-évalué et qu’il serait susceptible de compromettre la bonne exécution du marché public. Par suite, en n’écartant pas comme anormalement basse l’offre de cette Société, la Commune de Lisieux a entaché sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation”

La procédure de l’OAB n’implique donc pas qu’un contrôle formel de l’engagement du candidat sur son prix, mais bien une appréciation du contenu matériel de l’offre et des justificatifs tangibles pouvant être apportées par le candidat suspecté d’OAB pour justifier de son offre particulièrement basse. 

Application stricte des critères d’identification d’une offre anormalement basse

CAA Marseille, 17 juin 2024, n°23MA01475, Commune de La Ciotat 

Il est ADMYS que la seule circonstance que l’offre retenue soit trois fois inférieure à l’offre des autres candidats n’est pas suffisante pour en déduire que cette offre doit être regardée de ce seul fait comme anormalement basse.

La Commune de La Ciotat a lancé une procédure de mise en concurrence pour l’attribution d’un marché  portant sur la construction d’un préau dans le groupe scolaire Maria-Fabry. La société classée 2ème a introduit en recours en contestation de validité du contrat. Le Tribunal administratif de Marseille a rejeté la requête. 

La société requérante soutenait que l’offre du candidat retenu était anormalement basse. En effet, l’offre retenue par la commune de La Ciotat pour l’attribution du marché  s’est élevée à 25 450 euros hors taxes tandis que l’offre de la société requérante était de 73 208 euros hors taxes (soit 3 fois moins). 

Aux termes de l’article L. 2152-6 du Code de la commande publique, « une offre anormalement basse est une offre dont le prix est manifestement sous-évalué et de nature à compromettre la bonne exécution du marché ». 

La Cour administrative d’appel de Marseille rappelle le cadre juridique de l’offre anormalement basse et confirme que le montant de l’offre ne peut en lui-même permettre de qualifier une offre d’anormalement basse : “la seule circonstance que l’offre retenue était près de trois fois inférieure à la sienne n’est pas suffisante pour en déduire que cette offre devait être regardée de ce seul fait comme anormalement basse“.

En effet, une offre est anormalement basse si elle est sous-évaluée et risque de compromettre la bonne exécution du marché. 

Il appartient aux acheteurs d’appliquer strictement ces critères.

marché public / offre anormalement basse

 

Qui peut le moins en délai mérite le plus en notation!

TA Orléans, 14 juin 2024, Commune de Montrichard Val de Chern°2201734

Il est ADMYS qu’un candidat peut présenter un délai inférieur à celui qui est indiqué dans les documents de la consultation dans la mesure où le délai prévu par l’acheteur ne présente pas de caractère impératif et que la prescription n’est assortie d’aucune interdiction quant à la faculté pour les candidats de proposer un délai moindre. 

Une commune a lancé un avis d’appel à la concurrence pour un marché de travaux portant sur la restauration d’un château situé sur son territoire. Le règlement de consultation imposait un délai de 20 mois pour l’exécution des travaux.

 Le candidat évincé estimait alors que la société attributaire ayant proposé un délai inférieur à celui exigé, son offre devait être déclarée irrégulière.

Mais le juge des référés estime que dès lors que le document de consultation n’interdit pas à un candidat de proposer des modifications aux prescriptions, ce dernier peut établir des propositions sans que cela ait pour effet de violer les exigences de l’acheteur :

« 8. Si la société requérante soutient que l’offre retenue est irrégulière dès lors qu’elle prévoit un délai d’exécution de 18 mois au lieu de 20 mois, il résulte de l’instruction que le délai d’exécution fixé à 20 mois par les documents de la consultation ne présente pas de caractère impératif, et en tout état de cause, que ce délai constitue une prescription qui n’est assortie d’aucune interdiction quant à la faculté pour les candidats de proposer un délai moindre. »

Pour établir l’absence d’une telle interdiction, le juge prend en compte les autres éléments du règlement de consultation pour cerner l’intention de l’acheteur :

« La circonstance que le règlement de consultation prévoit que le projet de marché comprend « le planning signé dans les conditions prévues à l’acte d’engagement (à accepter sans aucune modification) » alors que ce même document indique que les délais d’exécution sont proposés conjointement par le maître de l’ouvrage et le maître d’œuvre n’est pas de nature à établir l’irrégularité de l’offre de la société attributaire. »

Le juge choisi d’interpréter le règlement de consultation en rejetant l’irrecevabilité de l’offre :

« Dans ces conditions, quand bien même le délai d’exécution de l’attributaire est inférieur au délai d’exécution des travaux fixé lors de la consultation, et alors qu’au surplus ce délai constituait un élément d’appréciation susceptible de négociation avec le pouvoir adjudicateur, la société attributaire a respecté le délai maximal prévu par les documents de la consultation. Ainsi, le délai de 18 mois proposé par la société attributaire n’est pas de nature à vicier l’offre retenue et n’a pas non plus affecté les chances de la société requérante d’obtenir le marché, alors notamment qu’il ne résulte pas de l’instruction que cette offre, classée deuxième, aurait été irrégulière, incomplète ou inacceptable. »

Le juge fait preuve de bon sens dans cette décision puisqu’il permet une souplesse dans l’appréciation des offres qui ne doit pas être entravée par une application littérale du règlement de consultation qui rendrait systématique les offres irrégulières. 

La connivence entre l’un des membres du groupement de maîtrise d’oeuvre et l’attributaire du marché de travaux n’entraîne pas automatiquement l’irrégularité de la procédure. 

TA Orléans, 14 juin 2024, Commune de Montrichard Val de Chern° 2201734

Il est ADMYS que la connivence entre l’un des membres du groupement de maîtrise d’oeuvre et l’attributaire du contrat de travaux n’est pas de nature à entacher la procédure d’irrégularité dans la mesure où le membre du groupement concerné n’est pas intervenu au stade de l’analyse des offres.

Une commune a lancé un avis d’appel à la concurrence pour un marché de travaux portant sur la restauration d’un château situé sur son territoire.

Le candidat évincé invoquait la méconnaissance du principe d’impartialité au motif que des liens forts personnels et économiques liaient l’attributaire et l’un des membres du groupement de maîtrise d’oeuvre.  

Le juge rejette le moyen :

« 21. Il est constant que M. A, bénéficiaire majoritaire de la société X, économiste du groupement de maîtrise d’œuvre, est le père du bénéficiaire majoritaire de la société attributaire. Toutefois, il ne résulte pas de l’instruction que M. A ait été impliqué dans la phase d’attribution du marché, alors que la société X en tant qu’économiste n’a pas vocation à intervenir au stade de l’analyse des offres, ni qu’il ait ainsi été susceptible d’influencer le choix de l’attributaire dans le cadre de la procédure litigieuse. La circonstance, d’une part, qu’il existe un lien de filiation directe entre le bénéficiaire effectif de la société X, économiste du groupement de maîtrise d’œuvre à hauteur de 73,68 %, et le bénéficiaire effectif de la société attributaire à hauteur de 53,3 %, et d’autre part, que le bénéficiaire majoritaire de la société X est également le président du conseil de surveillance de la société Z, société dirigeante de la société attributaire Y, et le bénéficiaire de la société Y à hauteur de 75,81 % en détention indirecte, ne permet pas, par elle-même, d’établir une méconnaissance du principe d’impartialité lors de la procédure de passation du marché litigieux. » 

Cette décision rappelle à quel point il est important pour la maîtrise d’oeuvre d’informer l’acheteur, en amont de la procédure de passation, des connivences éventuelles entre l’équipe de maîtrise d’oeuvre et les candidats éventuels en vue d’anticiper toute difficulté, notamment par le retrait du membre concerné du process de sélection de l’entreprise de travaux .

Référé précontractuel / impartialité / connivence

Méthode de notation des offres : le juge maintient son refus d’intervenir sur le terrain

TA Paris, 14 juin 2024, France Travail, n° 2413254

Il est ADMYS que le juge des référés ne contrôle pas directement les méthodes de notation choisies par les acheteurs. Il se limite à un contrôle de la dénaturation de l’offre.

L’établissement public France Travail a lancé un appel public à concurrence pour la passation d’un accord-cadre portant sur un service d’accompagnement à distance pour des agents.

  Le candidat évincé, la société X, a formé un recours précontractuel invoquant notamment deux moyens : 

– l’un contestant la régularité de la méthode de notation ;

– l’autre, la dénaturation de son offre. 

Le juge des référés vient rappeler que l’acheteur définit sa méthode de notation selon des éléments d’appréciation qu’il choisit librement. 

Il rejette donc le moyen tenant à la régularité de la méthode de notation :

« Si la société requérante soutient que la méthode de notation neutralise la pondération des critères de sélection pour la valeur technique en ne permettant pas de prendre en compte les écarts réels entre les offres, il est constant qu’elle a obtenu la note maximum sur chacun des critères et sous-critère de la valeur technique et de développement durable et n’a donc pas été lésée par le manquement qu’elle invoque, au demeurant non établi dès lors que deux autres candidats n’ont pas obtenu la note maximum à l’issue d’une méthode de notation régulière par gradation de niveaux de satisfaction, ainsi qu’il a été indiqué à la barre. Par ailleurs, il n’entre pas dans l’office du juge des référés de faire une appréciation des mérites respectifs des offres. » 

Le juge rappelle toutefois qu’il est de son office de vérifier que l’acheteur n’a pas dénaturé le contenu d’une offre en en méconnaissant ou en en altérant manifestement son contenu.

Le juge procède ainsi à une analyse de l’appréciation des offres réalisée par l’acheteur.

En l’espèce, le juge estime que l’acheteur n’a pas dénaturé l’offre dans la mesure où il évoque les chiffres qui lui ont été communiqués à la suite d’une demande de précision. La circonstance que le candidat ait commis une erreur matérielle dans son BPU/DQE actualisé est, selon le juge, sans incidence sur le classement des offres : 

« 7. Pour établir que France Travail aurait dénaturé son offre, la société requérante soutient que son offre financière aurait dû être notée sur la base du bordereau des prix (BPU)/détail quantitatif et estimatif (DQE) initial d’un montant total de 1 578 793,20 euros TTC au lieu du BPU/DQE actualisé et partiellement erronée (erreur sur la ligne 14 du BPU/DQE) d’un montant de 1 993 993,20 euros TTC. Il résulte toutefois de l’instruction qu’établissement public s’est borné à se référer aux chiffres mentionnés par la société X dans son BPU/DQE actualisé qu’elle lui a communiqué à la suite de la demande de précision du 15 mars 2024. De plus, la circonstance que la société X a commis une erreur matérielle sur la ligne 14 du BPU/DQE actualisé, aussi regrettable soit elle, est sans incidence sur le classement des offres dès lors que l’offre de la société attributaire s’élevait à 1 462 800 euros TTC.” 

Le juge des référés maintient sa jurisprudence constante concernant son office et la critique des méthodes de notation des acheteurs.

Accord cadre / référéprécontractuel / critères d’attribution  / offre  / notation

Marchés publics et holding : les sociétés filles d’une même holding peuvent se voir attribuer l’ensemble des lots (sous certaines conditions…) !

TA Cergy-Pontoise, 13 juin 2024, Grand Paris Seine Ouest, req. n° 2407363

Il est ADMYS  que le pouvoir adjudicateur, lorsqu’il limite le nombre de lots attribuables à un seul et même candidat, peut néanmoins attribuer les lots d’un marché public aux filiales d’une société de holding, à condition que ces dernières bénéficient d’une véritable autonomie commerciale.

En l’espèce, l’établissement public territorial du Grand Paris Seine Ouest avait lancé une procédure d’attribution d’un marché public de travaux de rénovation de la voirie et des espaces publics sur le territoire de Grand Paris Seine Ouest.

La société requérante avait contesté la procédure d’attribution du contrat de concession au motif, notamment, que l’attribution d’un lot à une société A et de deux lots à une société B aurait été illicite au regard du règlement de consultation, dans la mesure où ces deux sociétés auraient constitué un seul et même opérateur économique.

Le Juge des référés rappelle dans un premier temps que « si deux personnes morales différentes constituent en principe des opérateurs économiques distincts, elles doivent néanmoins être regardées comme un seul et même candidat lorsque le pouvoir adjudicateur constate leur absence d’autonomie commerciale, résultant notamment des liens étroits entre leurs actionnaires ou leurs dirigeants, qui peut se manifester par l’absence totale ou partielle de moyens distincts ou la similarité de leurs offres pour un même lot.».

Or, la Société requérante faisait valoir que les sociétés attributaires constituaient des filiales d’une seule et même holding, laquelle les détenait en totalité. D’autres arguments étaient soulevés, notamment le fait que ces deux sociétés partageaient des dirigeants communs et dépendaient hiérarchiquement du même directeur délégué.

Pour autant, si le Juge des Référés reconnaît que les sociétés attributaires sont détenues par une holding, il écarte les arguments de la société requérante en relevant que ces sociétés attributaires ne sont pas dépourvues d’autonomie commerciale. En ce sens, il relève que les sociétés ne sont pas dépourvues de « moyens techniques ou de matériels propres » leur permettant de répondre à l’appel d’offres, tout comme l’absence de dépendance hiérarchique entre les deux sociétés et leur société mère.

Le juge relève enfin que « la circonstance que les sociétés [A] et [B] aient pu constituer des groupements d’entreprises n’est pas un élément probant d’une absence d’autonomie commerciale, alors qu’elles interviennent dans des secteurs géographiques différents et que les offres qu’elles ont présentées dans l’appel d’offre litigieux ne sont pas similaires ».

En définitive, lorsque l’acheteur fait le choix de n’attribuer qu’un nombre limité de lots à un candidat, plusieurs filiales d’une seule et même société de holding peuvent se voir attribuer des lots en nombre supérieur à la limite fixée par le pouvoir adjudicateur.  

Référé précontractuel / Holding / filiale / marché public

Intéressante précision du Conseil d’État sur le choix de la méthode d’évaluation des offres en contrat de concession 

CE, 07juin 2024, Communauté d’agglomération Quimper Bretagne Occidentale, n°489404

Il est ADMYS qu’une méthode d’analyse des offres, dès lors qu’elle est considérée comme irrégulière, entâche de nullité l’intégralité de la procédure de passation.

Par avis d’appel public à la concurrence, la communauté d’agglomération de Quimper Bretagne Occidentale a lancé une procédure de consultation en vue du renouvellement de la délégation de service public portant sur la gestion des services de mobilités. Les sociétés requérantes demande au juge des référés d’annuler les décisions de la communauté rejetant leurs offres. 

Tout d’abord, le juge administratif rappelle le rôle que doit jouer l’autorité concédante dans la sélection du candidat, : 

«Elle définit librement la méthode d’évaluation des offres au regard de chacun des critères d’attribution qu’elle a définis et rendus publics. Elle peut ainsi déterminer tant les éléments d’appréciation pris en compte pour son évaluation des offres que les modalités de leur combinaison. Une méthode d’évaluation est toutefois entachée d’irrégularité si, en méconnaissance des principes fondamentaux d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, les éléments d’appréciation pris en compte pour évaluer les offres au titre de chaque critère d’attribution sont dépourvus de tout lien avec les critères dont ils permettent l’évaluation ou si les modalités d’évaluation des critères d’attribution par combinaison de ces éléments sont, par elles-mêmes, de nature à priver de leur portée ces critères ou à neutraliser leur hiérarchisation et sont, de ce fait, susceptibles de conduire, pour la mise en œuvre de chaque critère, à ce que la meilleure offre ne soit pas la mieux classée, ou, au regard de l’ensemble des critères, à ce que l’offre présentant le meilleur avantage économique global ne soit pas choisie. Il en va ainsi alors même que l’autorité concédante, qui n’y est pas tenue, aurait rendu publique, dans l’avis d’appel à concurrence ou les documents de la consultation, une telle méthode d’évaluation. »

Puis, il juge en l’espèce que : 

« La méthode d’évaluation mise en œuvre en l’espèce par l’autorité concédante a consisté, conformément aux dispositions du règlement de la consultation, à classer les offres au regard de chacun des critères d’appréciation puis à attribuer à chaque offre une note correspondant à la moyenne des rangs de classement obtenus sur chaque critère, pondérée par le coefficient associé à chaque critère. L’offre retenue est celle ayant obtenu, en application de cette méthode, la note la plus basse. En faisant ainsi le choix, alors même qu’elle n’était en rien tenue de traduire en notes chiffrées l’appréciation qu’elle portait sur la valeur respective des offres, d’un mode d’attribution de la concession litigieuse fondé sur la moyenne pondérée des rangs de classement des offres au regard de chacun des critères d’attribution, alors que le classement ne reflète que très imparfaitement les écarts de valeur entre les offres, l’autorité concédante a retenu une méthode d’évaluation susceptible de conduire à ce que, au regard de l’ensemble des critères, l’offre présentant le meilleur avantage économique global ne soit pas choisie ». 

Il en résulte que les deux sociétés sont fondées à soutenir que la méthode d’évaluation mise en œuvre par l’autorité concédante est entachée d’irrégularité.

Les acheteurs publics devront ainsi veiller à toujours choisir une méthode d’évaluation permettant de sélectionner l’offre présentant le meilleur avantage économique global. 

#contrat de concession #L.551-1CJA #référé précontractuel #méthode de notation #critères d’attribution 

Marchés publics et candidat placé en situation de redressement judiciaire : mode d’emploi

TA Guadeloupe, 7 juin 2024, n°2400588, Syndicat Mixte des Transports du Petit Cul-de-Sac Marin

Il est ADMYS que la candidature d’une entreprise placée en situation de redressement judiciaire est recevable, si et seulement si, la durée d’habilitation déterminée par le Tribunal de commerce est égale (ou supérieure) à la durée d’exécution du marché public dont il est question. 

Par un avis public d’appel à la concurrence publié le 7 janvier 2024, le syndicat mixte des transports du Petit Cul de Sac Marin (PCSM) avait lancé une procédure d’appel d’offres portant sur des prestations de services de transports publics de voyageurs à vocation scolaire. Ce contrat était divisé en 24 lots sous la forme d’accord mono-attributaire à bons de commande. 

La société X avait présenté une offre pour les lots n°1, 2, 6, 7, 8, 12, 13, 14, 18 et 19. Son offre a été rejetée.

Elle a alors demandé au juge des référés l’annulation de la procédure d’attribution des marchés n°12 et n°14. 

Elle faisait valoir devant le juge administratif qu’il existait une incompatibilité entre la période d’observation octroyée à la société attributaire par le tribunal de commerce et la durée d’exécution du marché.

Le juge des référés reprend alors rigoureusement le régime juridique applicable aux entreprises soumissionnaires placées en situation de redressement judiciaire : 

« Les entreprises placées en redressement judiciaire sont tenues de justifier, lors du dépôt de leur offre, qu’elles sont habilitées, par le jugement prononçant leur placement dans cette situation, à poursuivre leurs activités pendant la durée d’exécution du marché, telle qu’elle ressort des documents de la consultation.” 

Dans l’hypothèse où l’entreprise candidate à l’attribution d’un marché public a été placée en redressement judiciaire après la date limite fixée pour le dépôt des offres, elle doit en informer sans délai le pouvoir adjudicateur, lequel doit alors vérifier si l’entreprise est autorisée à poursuivre son activité au-delà de la durée d’exécution du marché et apprécier si sa candidature reste recevable.

Dans la négative, le pouvoir adjudicateur ne peut poursuivre la procédure avec cette société.

Lorsqu’il est soutenu devant lui que le placement en redressement judiciaire de l’entreprise, y compris lorsqu’il est intervenu après le dépôt de son offre, affecte la recevabilité de sa candidature, il appartient au juge du référé précontractuel d’apprécier si cette candidature est recevable et d’annuler, le cas échéant, la procédure au terme de laquelle l’offre de l’entreprise aurait été retenue par le pouvoir adjudicateur. »

Puis, le juge administratif continue en affirmant : 

« Il appartient au juge des référés précontractuels de tenir compte de l’ensemble des données résultant de l’instruction, notamment de l’avancement de la procédure collective dont cette entreprise fait l’objet à la date à laquelle il statue. »

 En d’autres termes, et conformément à une jurisprudence constante quand le juge statue en matière de recours plein contentieux, le juge doit apprécier la situation à la date à laquelle il statue. 

Il tire donc les conséquences de ce principe et l’applique au cas d’espèce, à savoir la détermination de la recevabilité de la candidature de l’attributaire : 

« Ainsi, si dans son jugement initial, le tribunal de commerce a autorisé la société attributaire à poursuivre ses activités pendant une période d’observation de 6 mois renouvelable pour une nouvelle période de 6 mois, dans son jugement du 17 mai 2024 et sur avis favorable du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre, le tribunal a prolongé la période d’observation jusqu’à son terme soit 18 mois à compter du jugement d’ouverture soit jusqu’au 14 septembre 2025 (…) la durée d’exécution du marché en tranche ferme est d’une année scolaire, 2 mois et 3 semaines soit du 15 avril 2024 au 6 juillet 2024 et du 2 septembre 2024 au 5 juillet 2025. »

La société requérante ne pouvait ainsi  pas reprocher au pouvoir adjudicateur un manquement à ses obligations de publicité et de mise en concurrence.

Les acheteurs publics devront être vigilants à l’avenir. En effet, même si un candidat est impliqué dans une procédure collective, sa candidature pourra être considérée comme recevable dès lors que la durée d’exécution du marché est compatible avec les obligations déterminées par le Tribunal de Commerce. 

candidature / redressement judiciaire / procédure collective / marché public

 

Régularité de la candidature qui présente une qualification équivalente à celle demandée 

TA Toulouse, 4 juin 2024, n°2402925, Région Occitanie

Il est ADMYS que la candidature n’est pas irrégulière si elle contient des pièces équivalentes à celles demandées dans le règlement de consultation. 

La Région Occitanie, agissant en tant qu’entité adjudicatrice, a lancé une consultation en vue de la passation d’un marché de travaux système, dans le cadre de la réouverture de la ligne Montréjeau-Luchon. L’offre du groupement X a été rejetée. Ce dernier a donc introduit un référé précontractuel devant le Tribunal administratif de Toulouse et sollicité la suspension de la procédure de passation. Il considérait que la candidature et l’offre du groupement retenu étaient irrégulières.

La Région exigeait des candidats qu’ils justifient de la détention de la qualification « prestations de vérifications techniques avant intégration (10100) » délivrée par la SNCF. Le juge administratif s’appuie sur des conditions contenues dans le règlement de consultation qui exige des candidats « de justifier de la détention de la qualification, prestations de vérification techniques avant intégration, et que chacun des certificats demandés pouvait faire l’objet d’équivalence ». 

Pour le juge administratif, le groupement “dont il est constant qu’il ne possède pas cette qualification, dispose en revanche de la qualification 2911 se rapportant aux missions de sécurité technique et de contrôle des travaux des installations de signalisation et a justifié, par la transmission de curriculum-vitae, de compétences en matière de vérifications techniques et d’essais dans le domaine concerné par le marché en cause. Il apparaît par ailleurs qu’en réponse à la demande de l’entité adjudicatrice formulée sur le fondement de l’article R. 2144-2 du code de la commande publique, le groupement attributaire a également indiqué que la société Y a réalisé avec la société X, entre 2021 et 2023, le déploiement de plus de 30 passages à niveaux nouvelle génération, sur lignes exploitées, en tant que maîtrise d’œuvre intégrée, le groupement affirmant que le rôle de cette société a été également d’assurer la montée en compétence des personnels en charge des vérifications techniques” .

Dans ces conditions, le tribunal a considéré que le groupement attributaire disposait des éléments équivalents à la certification 10100 et que sa candidature était régulière.

candidature / contrôle / référé précontractuel

Mai 2024

Attribution de la note de zéro : le juge opère un véritable contrôle de la dénaturation de l’offre

TA Rouen, 30 mai 2024, n°2401667, Département de l’Eure 

Il est ADMYS qu’un acheteur a dénaturé l’offre d’un candidat en notant un sous-critère à zéro alors que que le règlement de consultation ne prévoyait pas que l’absence de la notice explicative mènerait à l’attribution d’une note nulle, ou que cette absence rendrait l’offre incomplète. 

Par un avis d’appel public à la concurrence du 25 janvier 2024, le département de l’Eure, avait lancé un avis d’appel public à la concurrence concernant dix lots différents pour les besoins en équipement, mobiliers et matériels des services de ses collèges.

L’article 15 du règlement de consultation du lot n°9 disposait que la sélection des offres dépendait de trois critères. Le dernier critère, relatif au «  délai d’exécution »  était apprécié au travers de deux sous-critères : un sous-critère sur le délai porté à l’acte d’engagement et un sous critère sur la notice explicative et justificative ainsi que sur la logistique mis en œuvre pour respecter les délais. Ces sous-critères étaient chacun notés sur 5 points.

La société requérante, évincée au stade des offres, demande au juge du référé précontractuel d’annuler la procédure de passation du lot n°9. 

Elle estime que son offre a été dénaturée dans la mesure où elle a reçu la note 1/10 au critère 3 «  délai d’exécution »  (0/5 et 1/5) avec pour commentaire « absence de réponse ou inadaptée ».

En effet, le département reprochait à la société requérante de ne pas avoir transmis une « notice justificative et explicative sur l’organisation et la logistique mise en œuvre par le candidat pour respecter le délai sur lequel il s’engage ». 

Le juge rappelle dans un premier temps, les limites du pouvoir d’appréciation de l’acheteur dans l’octroi d’une note de 0 : 

« S’il est loisible au pouvoir adjudicateur d’attribuer une note de zéro à un critère ou sous-critère, dès lors que le soumissionnaire n’a pas fourni les informations lui permettant d’apprécier la valeur de l’offre au regard du sous-critère, il doit préciser dans le règlement de consultation qu’en l’absence de ces informations, l’offre sera notée de zéro au regard du sous-critère en cause. »

Or, comme le relève par la suite le juge des référés, il n’était pas préciser en l’espèce dans le règlement de consultation qu’en l’absence de notice, l’offre serait notée à zéro au titre du sous-critère. De la même manière, la notice n’était pas citée parmi les documents à présenter au soutien du dossier d’offre, sous peine d’incomplétude de celui ci, à l’article 13 du règlement de consultation.

Enfin, le juge estime que le département aurait pu tenir compte, afin d’apprécier ce critère, des informations relatives à l’organisation et la logistique de livraison des fournitures du marché inscrites dans le mémoire technique de l’offre de la société, ainsi que dans le cahier des charges logistiques qu’elle avait joint à son offre.

Pour l’ensemble de ces raisons, le juge estime que l’acheteur a dénaturé l’offre du candidat évincé, et annule la procédure : 

«  Ainsi, en attribuant la note de zéro au second sous-critère du critère 3 (délai d’exécution), en motivant la notation par l’« absence de réponse ou inadaptée », le département de l’Eure a procédé à une dénaturation de l’offre de la société XX. Par suite, la société requérante est fondée, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres manquements invoqués, à demander l’annulation de la procédure de passation du marché en litige à compter de l’examen des candidatures. » 

Cette jurisprudence rappelle aux acheteurs publics qu’une notation à zéro doit être justifiée au regard des documents de la consultation.

Dénaturation de l’offre / notation à zéro

Obligation de publicité, de mise en concurrence, et… de réponse ! 

TA Poitiers, 21 mai 2024, Centre hospitalier d’Angoulême, n°2401010

Il est ADMYS que l’acheteur doit communiquer aux candidats les réponses adaptées aux renseignements complémentaires que ce dernier a fixé dans le règlement de consultation. 

Le Centre Hospitalier d’Angoulême a lancé une procédure de passation d’un marché public de fourniture concernant la prise en charge des transports médicalisés afférent à l’activité SMUR. Le marché est composé de deux lots. 

La société titulaire du précédent marché a finalement renoncé à déposer une offre pour chacun des deux lots alors même qu’elle avait retiré le dossier de consultation. Elle a considéré qu’elle ne pouvait pas déposer une offre pertinente en l’absence de précisions apportées par le centre hospitalier. La société a alors saisi le juge des référés précontractuels d’une demande tendant à suspendre la procédure d’appel d’offres, annuler toutes les décisions qui s’y rapportent et à relancer une nouvelle procédure. 

La société avait adressé au centre hospitalier d’Angoulême, via la plateforme de dématérialisation, plus de 10 jours avant la date butoir de remise des offres, une liste comprenant au total 24 questions. Aucune réponse ne lui a été apportée.

 Pour le tribunal administratif, cette absence de réponse constitue un manquement aux règles de publicité et de mise en concurrence :
 
Si le centre hospitalier fait valoir que le dossier de consultation contenait toutes les caractéristiques du marché et que les questions posées par leur nombre et leur nature n’avaient pas été posées en temps utiles ou ne méritaient pas de réponse par l’évidence de la solution, par l’expérience de la société Kéolis qui disposait déjà de ces informations ou en ce qu’il suffisait de reprendre le document de consultation pour y trouver les informations attendues, et que la finalité de la démarche de la société requérante était de mettre en difficulté le centre hospitalier, il ne résulte pas de la lecture des dispositions de l’article 8.1 précité que la réponse du centre hospitalier devait dépendre de l’objet ou était conditionné par l’utilité de la question telle qu’évaluée par le centre hospitalier. Ainsi, le centre hospitalier n’a pas respecté l’obligation de réponse aux demandes de renseignements complémentaires qu’il s’est fixé lui-même alors qu’il pouvait faire le choix s’il estimait n’avoir pas suffisamment de temps pour y répondre de reporter la date de remise des offres. Ainsi, en ne respectant pas les termes du règlement de consultation, le centre hospitalier a manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence.”
 
Enfin, le juge affirme que le contrat qui va être attribué diffère du précédent sur plusieurs points : «Il apparaît que la durée d’exécution en est différente et plus longue pour le nouveau marché et que la structure des prix n’est pas la même, passant pour le marché actuel d’un forfait mensuel à différents forfaits ou à des prix unitaires pour le nouveau marché ». 
 
Cela démontre, de facto, « le caractère utile des questions posées au regard des incertitudes et ambiguïtés contenues dans le dossier de consultation de nature à influencer la manière dont la société requérante pouvaient comprendre les besoins de l’acheteur et donc construire et présenter une offre réellement concurrentielle. »
 
Les acheteurs publics devront être attentifs à la manière de rédiger leurs règlements de consultation et surtout de bien répondre aux interrogations des candidats, pour leur permettre de présenter des offres régulières, au risque de voir la procédure de passation annulée !

référé précontractuel / marché / réponse aux candidats 
 
 

L’acheteur est tenu de se plier aux règles auxquelles il se soumet … mais la méconnaissance de la règle peut demeurer sans conséquence si elle n’est pas d’une gravité suffisante. 

TA Strasbourg, 16 mai 2024, Commune de Petit-Rederching, n°2108389

Il est ADMYS qu’un acheteur doit respecter les règles auxquelles il annonce se soumettre volontairement, alors même qu’il n’est – en principe – pas tenu de respecter lesdites règles. Le Tribunal administratif de Strasbourg a eu l’occasion de faire application de ce principe et, surtout, d’en apprécier les conséquences sur la demande en annulation du contrat.

Dans cette affaire, pour conclure un marché public d’un très faible montant (en-dessous de 4 000 € HT), la Commune n’était pas tenue de respecter des formalités de publicité et de mise en concurrence. Pourtant, elle a fait le choix de mettre en oeuvre une publicité et une mise en concurrence préalable à la passation de ce contrat en se soumettant aux règles de jugement des offres prévues par le Code de la Commande Publique. Elle était ainsi tenue de se plier à ces règles: 

“4. Il résulte de l’instruction que la commune, qui n’y était pas tenue au regard du montant du marché en litige, a fait le choix de procéder à une publicité et une mise en concurrence préalable en vue de sa passation, et en particulier, ainsi qu’il ressort des dispositions précitées, en se soumettant aux règles de jugement des offres prévues par le code de la commande publique. Il lui incombait donc de se plier à ces règles.”

Enseignement n°1: L’acheteur doit faire attention aux règles du jeu pour ne pas se prendre les pieds dans le tapis. 

Le juge administratif en déduit que l’acheteur devait respecter les dispositions du CCP et notamment l’article R.2152-7 en vertu duquel le critère unique du prix est réservé à l’hypothèse d’un marché ayant pour seul objet l’achat de services ou de fournitures standardisés dont la qualité est insusceptible de variation d’un opérateur économique à l’autre.  La Commune a donc méconnu les règles qu’elle s’est fixée en décidant de mettre en oeuvre le critère unique du prix puisque le marché en cause ne présentait pas un tel objet.

Enseignement n°2: Le critère unique du prix demeure un cas exceptionnel, la pluralité des critères étant la règle. 

Mais plus encore, le Tribunal est amené à apprécier les conséquences à tirer du vice constaté. Le juge considère que la méconnaissance de la pluralité des critères n’affecte pas le consentement de la Commune et ne présente pas une gravité particulière de nature à justifier l’annulation du contrat litigieux. On relèvera le pragmatisme du juge qui en déduit que le contrat pouvait se poursuivre, notamment au regard du faible montant en cause qui aurait de toute manière permis à la Commune de contracter directement avec le titulaire actuel.

Enseignement n°3: La méconnaissance de la pluralité des critères ne constitue pas forcément un vice d’une gravité suffisante. 

référé précontractuel / soumission volontaire au Code / critère unique du prix/ pluralité des critères / vice d’une particulière gravité

 

Errare humanum est : une simple erreur de plume ne rend pas incomplète l’information délivrée aux candidats évincés 

TA Bordeaux, 15 mai 2024, SIVU Bordeaux-Mérignac, n°2402684

Il est ADMYS que l’acheteur doit communiquer aux candidats évincés les motifs de rejet. Une simple erreur de plume dans la communication des motifs ne constitue pas une atteinte aux obligations de publicité et de mise en concurrence. 

Le SIVU Bordeaux-Mérignac, établissement public de coopération intercommunale chargé de confectionner et de livrer des repas pour la restauration collective dans les villes de Bordeaux et de Mérignac, a engagé une  procédure de mise en concurrence pour l’attribution d’un marché de prestation de services, ayant pour objet le lavage des contenants en acier inoxydable et de leurs couvercles servant au conditionnement de denrées alimentaires réfrigérées. 

L’offre de la société X a été rejetée. Elle a alors saisi le Tribunal administratif d’un référé contractuel au motif que le SIVU Bordeaux-Mérignac aurait manqué à son obligation de communication prévue aux articles R. 2181-1 et suivants du Code de la commande publique. Notamment, le SIVU n’avait pas communiqué le bon moment de l’offre de l’attributaire. 

Le Tribunal a rejeté la requête de la société X au motif que la communication apportée par le SIVU était complète et que la simple erreur de plume dans la transcription du moment de l’offre n’était pas de nature à porter atteinte à l’obligation de communication :

Il résulte de l’instruction que par un courrier du 11 avril 2024, le SIVU Bordeaux-Mérignac a communiqué à la société Uzaje un tableau détaillant la notation de son offre, le nom de la société candidate classée en première position, le montant de son offre et les notes attribuées à la candidate retenue. Par un second courrier du 18 avril 2024, le SIVU Bordeaux-Mérignac a précisé les éléments de comparaison pour chacun des critères. S’il est vrai qu’une erreur de plume a affecté le montant de l’offre du candidat retenu dans le courrier du 18 avril 204, celle-ci n’a pas été de nature à nuire à la bonne information de la société requérante compte tenu des renseignements qui lui ont été par ailleurs divulgués. Enfin, le SIVU Bordeaux-Mérignac a soumis au débat contradictoire le rapport d’analyse des offres et la grille d’analyse technique. Au regard de l’ensemble des éléments ainsi communiqués, le moyen tiré de la violation des obligations imposées par les dispositions précitées doit être écarté.”

Le juge administratif applique finalement la locution latine bien connue “errare humanum est“. Mais l’acheteur ne doit pas oublier que la locution précise ensuite “perseverare diabolicum“. L’acheteur doit donc veiller à ne pas réitérer la même erreur deux fois au risque de se voir sanctionner!

référé précontractuel / information des candidats évincés / communication des motifs de rejet

 

Un redressement judiciaire n’empêche pas l’attribution d’un marché public, mais il la conditionne

TA Guadeloupe, 10 mai 2024, Syndicat mixte des transports du Petit Cul de Sac Marin c/ Société X, n°2400482

Il est ADMYS que l’acheteur doit obligatoirement vérifier, lorsqu’un candidat est placé en redressement judiciaire, qu’il est habilité à poursuivre ses activités pendant la durée d’exécution du marché public.

Dans cette affaire, le Syndicat mixte des transports du Petit Cul de Sac Marin a engagé une procédure pour la passation d’un marché public de services décomposé en 24 lots. 

La Société requérante a vu, après application des critères de jugement des offres, 6 de ses 9 propositions rejetées au motif qu’elles n’ont pu être classées en première position. 

Par ailleurs, elle a également vu une de ses offres être écartée, après avoir été déclarée inacceptable par le pouvoir adjudicateur. 

La Société X a demandé, au juge des référés précontractuels, d’annuler la procédure de passation relative à une partie des lots pour lesquels ses offres ont été rejetées. 

A l’appui de ses prétentions, elle a notamment estimé que l’acheteur ne pouvait attribuer un marché public à une société placée en redressement judiciaire, sans vérifier au préalable qu’elle a la capacité financière pour assumer le contrat en cours d’exécution, et les autorisations pour poursuivre ses activités. 

En premier lieu, le juge administratif vient rappeler l’article L.2141-3 du Code de la commande publique par lequel il est précisé qu’un candidat est exclu de la procédure de passation lorsqu’il est admis à la procédure de redressement judiciaire, sauf s’il :

  • bénéficie d’un plan de redressement ;
  • ou justifie avoir été habilité à poursuivre ses activités pendant la durée prévisible du contrat. 

En second lieu, il vient préciser deux règles essentielles en la matière :

  • d’une part, l’acheteur a l’obligation, au stade de l’analyse de la candidature, de vérifier que le candidat placé en redressement judiciaire entre dans une des deux hypothèses mentionnées, lui permettant de rester dans la course à l’attribution ;
  • d’autre part, lorsque ce placement intervient après la remise de l’offre, il est du devoir du candidat de prévenir, sans délai, l’acheteur pour que ce dernier puisse en être informé et procéder au contrôle précité. 

Ainsi, le juge des référés a censuré la procédure de passation et a enjoint à l’acheteur de reprendre au stade de l’analyse de la candidature, dans le cas où il compte poursuivre l’attribution du contrat :

“Par suite, la période durant laquelle la société [placée en redressement judiciaire] a été autorisée à poursuivre son activité, durant la période d’observation, soit 6 mois à compter du 14 mars 2024 renouvelable 6 mois, ne couvre pas la totalité de la durée d’exécution du marché. Par suite, la société X est fondée à soutenir que le syndicat mixte des transports du PCSM a manqué à ses obligations de mise en concurrence en déclarant recevable la candidature de la société [placée en redressement judiciaire]”

Justice administrative/pouvoir adjudicateur/redressement judiciaire/référé précontractuel/marché public de services/juge des référés

 

La mise en œuvre de la pratique de l’échantillonnage : un exercice qui peut s’avérer risqué !

TA Clermont-Ferrand, 6 mai 2024, Communauté de communes des Sucs,  n°2400677

Il est ADMYS que si la qualité et la valeur technique peuvent être jugées via la technique de l’échantillonnage, il doit en aller ainsi pour l’ensemble des offres présentées.

Dans cette affaire, la communauté de communes des Sucs a engagé une procédure d’appel d’offres ouverts en vue de la passation d’un accord-cadre à bons de commandes ayant pour objet l’acquisition et la livraison de colonnes pour la collecte de déchets. 

La société XXX, candidate évincée du lot n°1, demande au juge du référé précontractuel d’annuler la procédure de passation du marché litigieux. La candidate évincée critique notamment les pratiques relatives aux échantillons. 

Le juge répond à ce moyen de la manière qui suit : 

« Dès lors, en évaluant la qualité et la valeur technique des offres soit sur le seul mémoire technique pour certains candidats soit sur le mémoire technique et sur les échantillons présentés pour d’autres candidats, la communauté de communes de Sucs a porté atteinte au principe d’égalité de traitement des candidats et a opéré un système de pré-sélection des offres qui a nécessairement eu pour effet d’accorder un avantage aux seules sociétés ayant été invitées à fournir des échantillons et a été de nature à léser l’entreprise requérante auquel la fourniture d’échantillons n’a pas été demandée ». 

Les acheteurs qui décident d’avoir recours à la pratique de l’échantillonnage devront donc être vigilants quant à une application égalitaire de cette méthode.

Marché public / échantillon / égalité de traitement

Pas de lésion, pas d’annulation : quand l’absence d’intérêts lésés sauve l’acheteur

TA Paris, 6 mai 2024, Caisse nationale d’assurance maladie, n°2407771

 Il est ADMYS que l’opérateur économique qui saisit le juge administratif d’un référé précontractuel doit avoir été lésé ou risque d’être lésé par les manquements invoqués. En l’absence de lésion, le juge ne pourra pas annuler la procédure de passation. Même si les vices soulevés sont réels et nombreux. 

La Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) a lancé une consultation pour la conclusion d’un accord-cadre mono-attributaire ayant pour objet le système informatique « Mon Espace Santé – Dossier Médical Partagé (MESDMP) ». Elle a mis en oeuvre la procédure concurrentielle avec négociation prévue par l’article L. 2124-3 du Code de la commande publique. La procédure de passation de l’accord cadre a été organisée en deux phases, une phase « candidature », et une phase « offres », comportant trois tours de négociations, au cours de laquelle neuf ateliers de négociation ont été organisés.

La société requérante invoquait plusieurs manquements aux règles de publicité et de mise en concurrence. Le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté les deux premiers moyens tirés de l’insuffisance des informations communiquées aux candidats et du non-respect des délais fixés par les documents de consultation.

Ensuite, le Tribunal considère que les modifications apportées par la CNAM en cours de consultation ont été substantielles. En effet, la CNAM a notamment procédé à la transformation de prestations fermes en prestations optionnelles. Pour le juge administratif, cette modification n’a pas lésé la requérante : 

Compte-tenu de la pondération de ce sous-critère dans l’appréciation du critère « Valeur technique de l’offre » (10%) et de l’écart entre les notes des requérantes et de l’attributaire sur le critère technique (4, 28), l’obtention par les requérantes de la note maximale de 4 sur l’item 1.6.2 « MCO/MCS » n’aurait pas pu modifier le classement des offres“.

De même, la CNAM a modifié en cours de consultation le bordereau de prix unitaires. Toutefois, pour le juge des référés, ces modifications n’ont pas pu léser la requérante qui a obtenu la note maximale sur ce critère :

Toutefois, la modification du bordereau de prix unitaires, onze jours avant la remise des offres finales, n’est pas susceptible d’avoir lésé les requérantes, qui ont obtenu la note maximale sur le critère « Coût du projet sur quatre ans » et dont l’offre a été classée en seconde position en raison de l’écart de note avec l’offre de l’attributaire sur le critère « Valeur technique de l’offre ».”

Ainsi, la lésion prime sur le reste. Quelque soit le vice invoqué, l’absence d’intérêt lésé empêche le juge des référés précontractuels d’annuler une procédure de passation. 

référé précontractuel / contrôle du juge / intérêt lésé / modification

Bouleversement manifeste et bon de commande : attention à la requalification en nouveau marché

TA Rouen, 4 ème ch., 3 mai 2024, Commune de Rouen, n° 2200408

 Il est ADMYS que l’émission d’un bon de commande bouleversant de manière manifeste l’équilibre d’un l’accord-cadre constitue un nouveau contrat qui aurait du être soumis à une nouvelle procédure de publicité et de concurrence.

Par un avis d’appel public à la concurrence publié le 31 décembre 2018, la commune de Rouen a lancé une procédure d’appel d’offres ouvert en vue de l’attribution d’un accord-cadre portant sur les travaux d’entretien des bâtiments communaux et des bâtiments du CCAS comprenant notamment un lot n°10 relatif à la « rénovation en taille de pierre ». L’accord-cadre devait être conclu pour une période d’un an, reconductible trois fois.

La société X a été informée par un courrier du 17 mars 202 du rejet de son offre, et son classement en 3 ème position. Le lot a été attribué à la société Y dont l’offre retenue s’élevait à un montant de 365 878,30 euros. La commune a ensuite émis, le 29 janvier 2021, un bon de commande d’un montant de 4 919 567,25 euros, 

La société X a ainsi formé un recours en contestation de validité du contrat devant le juge administratif, sollicitant la condamnation de la commune à réparer le préjudice subi du fait de sa perte de chance sérieuse d’obteni l’accord-cadre, et le bon de commande.

Le juge administratif a apprécié le moyen soulevé selon lequel le bon de commande serait irrégulier dans la mesure où il ne respectait pas les dispositions de l’article 139 du décret du 25 mars 2016 applicable au moment des faits et relatif aux motifs de modifications des marchés publics.

Le juge a estimé, au regard de l’objet et du montant du bon de commande litigieux, qu’il constituait un bouleversement manifeste  du marché : 

«  la commune de Rouen, en émettant le 29 janvier 2021 le bon de commande litigieux auprès du titulaire de l’accord-cadre, doit être regardée comme ayant nécessairement contracté avec cette société. Alors que l’accord-cadre portait sur des travaux pour l’amélioration, la réfection et l’entretien courant des édifices, établissements et bâtiments des différents services municipaux et des bâtiments et installations divers que la ville et le CCAS possèdent à quelque titre que ce soit, le bon de commande litigieux, tel qu’il résulte du devis du 5 janvier 2021 établi par le titulaire de l’accord-cadre, a trait à la restauration du portail des marmousets et du bras sud du transept de l’abbatiale, comprenant notamment la restauration de sculptures et des sculptures neuves. Il n’y a donc pas d’identité d’objet et de nature entre les prestations prévues par le contrat initial et les prestations confiées par le bon de commande. Par ailleurs, le bon de commande litigieux, d’un montant de 4 919 567,25 euros, constitue un bouleversement manifeste en faveur du titulaire du marché de l’économie de l’accord-cadre, pour lequel l’offre retenue s’élevait à un montant de 365 878, 30 euros HT. »

La société X était donc fondée à soutenir que la commune avait apporté une modification substantielle à l’économie de l’accord cadre, constituant ainsi un nouveau marché à part entière.

Le juge a écarté la défense présentée par la commune, portant sur l’existence d’une « urgence impérieuse résultant de circonstances extérieure » dans la mesure où le constat d’état de péril produit à l’instance datait de 2 ans avant le bon de commande litigieux. La commune ne pouvait donc pas se prévaloir de la possibilité offerte d’attribuer un marché en urgence sans procédure de publicité ou mise à concurrence.

Enfin, le juge a étudié les chances qu’avait la requérante d’emporter le contrat révélé par le bon de commande litigieux. 

Il a estimé que la société ne pouvait pas se prévaloir de sa participation à la procédure de l’accord cadre, à laquelle elle avait par ailleurs été classée 3 ème, pour démontrer ses chances sérieuses d’emporter le contrat : 

«  3. La société requérante fait tout d’abord valoir qu’elle avait une chance sérieuse d’emporter le marché dès lors qu’elle avait candidaté lors de la procédure de consultation de l’accord-cadre, avec une offre techniquement et financièrement similaire à celle retenue. Néanmoins, il résulte de l’instruction qu’elle a été classée en troisième position, avec une note de 80,36 points contre 92 points pour l’attributaire. La requérante se prévaut également de son offre présentée lors de la procédure de passation de la seconde phase des travaux de l’abbatiale Saint-Ouen, à laquelle elle a également candidaté et pour laquelle son offre a été classée deuxième sur quatre, avec une note de 89,76 points contre 100 points pour l’attributaire. Toutefois, outre le fait que ces marchés auxquelles elle a candidaté portent sur des prestations d’une nature différente de ceux faisant l’objet du bon de commande en litige, s’apparentant à un nouveau contrat de par son objet et sa portée, elle n’établit ni même n’allègue être la seule à même de répondre aux besoins de la collectivité, ni ne se prévaut du manque de concurrence dans un tel secteur, alors qu’il résulte de l’instruction que plusieurs offres ont été présentées dans le cadre des deux procédures.

La requête de la société X a donc donc finalement été rejetée.

Les acheteurs devront être vigilants, lors de l’émission de bon de commande, à ne pas modifier substantiellement l’équilibre de l’accord cadre, au risque que celui-ci soit requalifié en nouveau contrat. Ce nouveau contrat ayant été passé sans procédure de publicité ou de concurrence pourrait engager la responsabilité de l’acheteur.

bon de commande / recours en contestation de validité / change de succès / boulversement manifeste

 

Pas de compétence du juge administratif pour contester la passation d’un marché public de droit privé.

TA de Châlons-en-Champagne, 2 mai 2024, SA SEMCHA, n°2401019

Il est ADMYS qu’un marché public de droit privé relève de la compétence du juge judiciaire, y compris en matière de référé pré-contractuel.

Dans cette affaire, un candidat évincé demande la suspension de la procédure de passation du marché de curage et de dépollution d’un ensemble d’immeubles situé place du maréchal Foch à Châlons-en-Champagne, passé par la SA SEMCHA.

Le juge des référés rejette cette requête comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître :

 “3. Aux termes de l’article L. 6 du code de la commande publique : “

S’ils sont conclus par des personnes morales de droit public, les contrats relevant du présent code sont des contrats administratifs « . Aux termes de l’article 2 de l’ordonnance du 7 mai 2009 : » En cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par des pouvoirs adjudicateurs des contrats de droit privé ayant pour objet l’exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d’exploitation, les personnes ayant intérêt à conclure l’un de ces contrats et susceptibles d’être lésées par ce manquement peuvent saisir le juge avant la conclusion du contrat. La demande est portée devant la juridiction judiciaire “.

4. D’une part, il résulte de l’instruction que la procédure de dévolution du contrat en litige a été lancée par la SEMCHA, société d’économie mixte, personne morale de droit privé, agissant en qualité de coordinateur d’un groupement de commande constitué avec la SA XXXXX, elle-même société de droit privé. D’autre part, si le contrat conclu entre personnes privées est en principe un contrat de droit privé, il en va autrement dans le cas où l’une des parties au contrat agit pour le compte d’une personne publique. Or au cas d’espèce, aucun élément du dossier ne permet d’établir que la SEMCHA agirait dans le cadre d’un mandat qui lui aurait été confié par une personne publique, ou plus généralement pour le compte d’une personne publique. La circonstance que la SEMCHA ait choisi d’appliquer des règles de passation posées par le code de la commande publique est sans incidence sur la nature de ce contrat, seuls les marchés passés en exécution de ce code, c’est-à-dire entrant dans son champ d’application dont sont exclues les personnes morales de droit privé, pouvant être qualifiés de marchés publics. Il suit de là que dès lors que la procédure en cause, comme il a déjà été jugé par une ordonnance n° 2400948 du 23 avril 2024, a pour objet la signature d’un contrat de droit privé, il appartient au seul juge judiciaire de statuer sur le présent litige.”

Une telle position, qui est encore conforme au droit en vigueur, pourrait bientôt relever de l’histoire du droit administratif. En effet, l’article 5 du projet de loi de simplification de la vie économique déposé au Sénat le 24 avril 2024 prévoit de supprimer les marchés publics de droit privé avec, notamment, pour conséquence, une harmonisation du contentieux contractuel.

Marché public de droit privé / compétence juge judiciaire / incompétence juge administratif  / projet de loi de simplification de la vie économique déposé au Sénat le 24 avril 2024

Avril 2024

Une offre commercialement agressive n’est pas forcément anormalement basse

TA Paris, 29 avril 2024, Ministère des Armées c/ Société X, n°2407723

Il est ADMYS qu’une proposition financière de 13,67% plus avantageuse qu’une concurrente ne caractérise pas, de ce seul fait, une offre anormalement basse (“OAB”). 

Dans cette affaire, le Ministère des Armées a engagé une procédure pour la passation d’un marché public de services et de fournitures. 

Après analyse des offres, la proposition de la Société requérante a été rejetée au motif qu’elle a été classée deuxième. 

En réaction, la Société X a demandé, au juge des référés précontractuels, d’annuler la procédure de passation estimant que le pouvoir adjudicateur a attribué le marché public sur la base d’une OAB, et par là même méconnu, notamment, la procédure de détection d’une OAB établie par le Code de la commande publique (“CCP”). 

A l’appui de ses prétentions, elle a estimé que l’offre financière de l’attributaire serait une OAB sur le simple fait que l’écart de prix lui semblait important (13,67%), sans plus de démonstrations. 

En l’espèce, le juge des référés commence d’abord par rappeler le processus à respecter en présence d’une offre suspectée d’être anormalement basse, conformément à l’article R.2152-3 et suivants du CCP :

  • étape n°1 : détection d’une offre anormalement basse par l’acheteur ;
  • étape n°2 : traitement de cette OAB par l’acheteur qui exige du soumissionnaire qu’il fournisse des précisions et justifications sur le montant de son offre ;
  • étape n°3 : maintien de l’offre si les précisions et justifications permettent de légitimer le prix bas. Dans le cas contraire, rejet de l’offre sur le fondement de l’OAB. 

Par ailleurs, il vient également souligner que la caractérisation de l’OAB est soumise à deux conditions cumulatives : (1) être en présence d’un prix anormalement bas devant être traité suivant les développements ci-dessus, mais surtout, (2) ce prix doit être susceptible de compromettre la bonne exécution du marché public. 

Or, en l’espèce, cette seconde condition n’est pas démontrée par la requérante, et l’instruction ne fait ressortir aucun risque tangible. 

Ainsi, il a été jugé qu’une offre commerciale, même agressive, ne caractérise pas à elle seule une OAB dès lors que l’exécution du marché public ne semble pas être compromise :

“Dans ces conditions, la société [X] n’est pas fondée à soutenir que l’offre retenue l’aurait été au vu d’un prix manifestement sous-évalué et de nature à compromettre la bonne exécution du marché ni, par voie de conséquence, que le pouvoir adjudicateur aurait méconnu les dispositions de l’article L.2152-6 du code de la commande publique. “

Justice administrative/pouvoir adjudicateur/offre anormalement basse/référé précontractuel/marché public de services et de fournitures/juge des référés

RSE et contrats publics : le critère d’attribution doit être en lien avec l’objet du contrat ou de ses conditions d’exécution !

TA Poitiers, 25 avril 2024, Communauté d’agglomération de Saintes, n° 2400467

 Il est ADMYS que l’autorité concédante peut, pour sélectionner l’offre économiquement la plus avantageuse, mettre en œuvre des critères comprenant des aspects sociaux, à la condition cependant qu’ils demeurent liés à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution.

En l’espèce, la Communauté d’Agglomération de Saintes avait lancé une procédure d’attribution d’un contrat de concession de service public, incluant l’exploitation de services urbains et périurbains de transports scolaires et à la demande, ainsi que des services à destination des personnes à mobilité réduite et des services de mobilité active et partagé.

La société requérante avait alors contesté la procédure d’attribution du contrat de concession au motif, notamment, que le critère n°4, intitulé «Politique sociale et environnementale» était imprécis, inadéquat et sans lien réel avec l’exécution du contrat.

Après avoir écarté les autres moyens de la requête, le Juge des référés rappelle dans un premier temps que « si l’autorité concédante peut, pour sélectionner l’offre économiquement la plus avantageuse, mettre en œuvre des critères comprenant des aspects sociaux, c’est à la condition, notamment, qu’ils soient liés à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution ». Il rappelle en ce sens que ces critères ne doivent pas être utilisés « à des fins d’appréciation de la politique générale de l’entreprise en matière sociale, (…), indépendamment de l’objet ou des conditions d’exécution propres au marché en cause ».

Or, le Juge des Référés relève qu’il était demandé aux candidats « de décrire leur politique de ressources humaines y compris la reprise du personnel, le recrutement, la formation des agents, l’insertion et l’égalité homme-femme dans le cadre de la délégation de service public ».

Le juge écarte ainsi le moyen en considérant que « ce critère qui ne peut ainsi être regardé comme étranger aux conditions d’exécution de la délégation de service public » dès lors qu’il « ne confère pas à l’autorité concédante une marge de choix indéterminée et ne crée pas de rupture d’égalité entre les candidats ».

En définitive, les acheteurs publics qui ont pour objectif de faire de la RSE un critère d’appréciation dans l’attribution d’un contrat public, doivent préciser leurs attentes au regard de l’objet de ce seul contrat ou de ses conditions d’exécutions.

Référé précontractuel / RSE / Environnement / marché public / critère 

BPU incomplet : irrégularité de l’offre sauf démonstration de l’impossibilité de réaliser la prestation demandée 

TA Lille, 23 avr. 2024, CROUS de Lille , n° 2401856

 Il est ADMYS qu’un BPU incomplet rend l’offre du candidat irrégulière. Sauf si le candidat arrive à démontrer que certaines prestations demandées ne sont pas réalisables. 

Le centre régional des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) de Lille a lancé une consultation pour l’attribution d’un appel d’offres ayant pour objet le contrôle, la fourniture et la maintenance des équipements de lutte contre l’incendie. La Société X a vu son offre rejetée au motif qu’elle était irrégulière.

Le BPU fourni par la société comportait des lignes non renseignées. En effet, pour deux catégories d’extincteurs, la ligne « forfait global unitaire de maintenance quinquennale selon les annexes B et C de la NF S61-919 » comportait la mention « non concerné ». La société X à indiqué qu’elle ne pouvait renseigner cette ligne dès lors que la prestation correspondante n’était pas réalisable.

Saisi dans le cadre d’un référé précontractuel, le Tribunal administratif de Lille a confirmé le caractère irrégulier de l’offre :

 ” En se bornant à faire état de cette impossibilité, qu’elle n’établit pas, la société ne soutient pas sérieusement que le critère du prix, en tant qu’il se rapporte à la prestation en cause, serait discriminatoire ou qu’il ne serait pas lié à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution. Ainsi, le BPU joint à l’offre de la société Sapian étant incomplet, cette offre était, pour ce seul motif, elle-même incomplète. Cette offre a donc régulièrement été écartée comme irrégulière, sur le fondement des dispositions précitées de l’article L. 2152-1 du code de la commande publique“. 

Les soumissionnaires doivent ainsi faire preuve de prudence dans la rédaction de leur offre. Toute incomplétude emporte l’irrégularité de l’offre. Sauf à démontrer qu’impossibilité réelle de réaliser la prestation demandée. 

offre irrégulière / marché public / référé / BPU

 

Le contrôle de l’offre anormalement basse reste limité à l’erreur manifeste d’appréciation

TA Rouen, 19 avril 2024, Communauté urbaine Le Havre Seine Métropole, n°2401015

 Il est ADMYS que le pouvoir adjudicateur est tenu de mettre en place la procédure de détection des offres anormalement basses prévue à l’article L. 2152-6 du CCP, sous le contrôle du juge, y compris celui du référé précontractuel.

En l’espèce, la CU Le Havre Seine Métropole a passé un appel d’offres ouvert dans le cadre d’une procédure formalisée en vue de désigner les attributaires des 5 lots relatifs à ces espaces verts. La société requérante a vu son offre écartée pour le lot n°2 dédié au “Tramway”, au motif de la sélection d’une entreprise concurrence donc l’offre était jugée “économiquement plus avantageuse”.

 

Outre d’autres moyens soulevés devant le juge du référé précontractuel, la Société évincée soutenait que l’offre de l’attributaire était anormalement basse (dite “OAB”), dont il résulterait une atteinte à l’égalité entre les candidats. 

Le juge rappelle tout d’abord le cadre juridique applicable aux acheteurs, à savoir : la détection d’une OAB par l’acheteur, suivie de l’obligation de demander des précisions et des justifications pour expliquer le prix proposé, puis de l’éviction de l’offre si les réponses ne sont pas satisfaisantes. Il précise que : “pour estimer que l’offre de l’attributaire est anormalement basse, le pouvoir adjudicateur ne peut se fonder sur le seul écart de prix avec l’offre concurrence, sans rechercher si le prix en cause est lui-même manifestement sous-évalué et, ainsi, susceptible de compromettre la bonne exécution du marché”

Enfin, sur l’invocabilité du moyen, le juge rappelle que dans le cadre du référé précontractuel, son contrôle se limite à l’erreur manifeste d’appréciation.

En l’occurrence, l’acheteur avait correctement mis en place la procédure de détection des OAB et avait à bon droit considéré la réponse comme satisfaisante, le juge ayant tout de même vérifié 1) que l’offre n’était pas anormalement basse au regard du prix proposé et 2) qu’elle était en mesure de satisfaire les besoins de la CU.

Ainsi, la détection des OAB ne s’arrête pas à une lecture numéraire des offres et le juge du référé précontractuel est là pour s’en assurer.

référé précontractuel / offre anormalement basse / égalité des candidats

 

 

Le critère prix pour la tranche ferme : oui ! Le fait de ne pas en informer les candidats : non !

TA Amiens, 19 avril 2024, GHP du Sud de l’Oise, n°2401015

 Il est ADMYS que le pouvoir adjudicateur peut appliquer le critère relatif au prix des prestations à la seule tranche ferme d’un marché public. En revanche, il manque à ses obligations de publicité et de mise en concurrence en s’abstenant de l’indiquer aux candidats dans les documents de la consultation.

Dans cette affaire, le groupement hospitalier public du Sud de l’Oise a engagé, le 8 décembre 2023, une consultation en vue de l’attribution d’un marché de prestation de service de sécurité des biens et des personnes des hôpitaux de villes alentours. Ce marché contenait une tranche ferme et trois tranches conditionnelles. 

Par courrier du 07 mars 2024 la société XXX a été informée du rejet de son offre classée cinquième. Elle demande l’annulation de la procédure de passation de ce marché. Elle soutient que le courrier de rejet est irrégulier, que l’auteur ayant rejeté son offre est incompétent ou encore qu’il y a eu des manquements à l’obligation de communication des caractéristiques de l’offre retenue. 

Le juge des référés affirme dans un premier temps que, dans le cadre d’un marché à tranches, rien ne s’oppose à ce que le critère relatif au prix des prestations s’applique à la seule tranche ferme (et non à ses tranches conditionnelles), si et seulement si, cette information est indiquée dans les documents de la consultation afin de ne pas manquer aux obligations de publicité et de mise en concurrence incombant au pouvoir adjudicateur :

« Dans le cas d’un marché à tranches, si aucun texte ne s’oppose par principe à ce que ces critères, y compris celui relatif au prix des prestations, puissent n’être appliqués qu’à sa seule tranche ferme lorsque les caractéristiques des tranches conditionnelles au regard de l’ensemble des prestations du marché le justifie, cette circonstance, qui relève des conditions de mise en œuvre des critères de jugement des offres, doit, lorsque telle est l’intention du pouvoir adjudicateur, être indiquée dans les documents de la consultation. »

Dans un second temps, il affirme que ce manquement doit-être regardé comme ayant été susceptible de léser la candidate car le classement aurait pu être différent si ce critère avait été appliqué sur l’intégralité du marché et que ce critère a exercé une influence sur la présentation des offres. 

« S’il résulte de l’instruction que la société requérante a quasiment obtenu la note maximale en ce qui concerne l’application du critère relatif au prix des prestations, soit une note de 39, 46 sur 40, il n’est pas établi qu’en cas d’application de ce critère à l’ensemble des prestations du marché et non à la seule tranche ferme, le classement des offres des autres candidats n’aurait pas été dégradé. Au demeurant, une information erronée des candidats sur les conditions de mise en œuvre des critères de jugement des offres est susceptible d’exercer une influence sur la présentation de ces dernières. Ainsi, la société requérante est fondée à soutenir que le manquement relevé ci-dessus est susceptible de l’avoir lésée. »

La procédure de passation est annulée depuis la publication de l’avis d’appel public à la concurrence. 

Ainsi, appliquer le critère relatif au prix à la seule tranche ferme du marché est possible, informer de manière erronée les candidats sur ce point ne l’est pas.

Critère prix / tranche ferme / marché public

Offre irrégulière : la rémunération des prestations de consultations juridiques doit être conforme à la loi du 31 décembre 1971

TA Strasbourg, 19 avr. 2024, Office public d’habitat Pôle Habitat Colmar – Centre Alsace, n° 2402132

 Il est ADMYS que lorsque l’offre de prix d’un cabinet d’avocat n’est pas conforme à la loi du 31 décembre 1971, l’acheteur est tenu de l’écarter comme irrégulière.

Par un avis de marché du 4 septembre 2023, l’office public d’habitat Pôle Habitat Colmar – Centre Alsace (OPH) a engagé une procédure d’appel d’offres ouvert en vue de la passation d’un marché public de services pour le suivi administratif des dossiers de dégrèvement de taxes foncières sur les propriétés bâties.

Le 15 mars 2024, la société d’avocats A a été informée du rejet de son offre et de l’attribution du marché à un groupement conjoint constitué de la société B et de la SELARL d’avocats C. 

La société d’avocats A a ainsi saisi le juge d’un référé précontractuel.

Elle estimait que l’offre retenue était irrégulière au sens de l’article L. 2152-2 du code de la commande publique.

En effet, le marché litigieux contenait des prestations de consultations juridiques, dévolues au sein du groupement à la SELARL d’avocats C. 

Or, il ressort de l’acte d’engagement du groupement que le prix des prestations juridiques était constitué uniquement par un pourcentage appliqué sur le montant du dégrèvement de taxes foncières sur les propriétés bâties obtenu et payé par la trésorerie.

La société requérante estimait que cette modalité de rémunération était contraire aux termes de l’article 10 de la loi du 31 décembre 1971 : 

« Les honoraires de postulation, de consultation, d’assistance, de conseil, de rédaction d’actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client. () Toute fixation d’honoraires qui ne le serait qu’en fonction du résultat judiciaire est interdite. Est licite la convention qui, outre la rémunération des prestations effectuées, prévoit la fixation d’un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu. () ».

La SARL d’avocats C faisait valoir en défense que la convention de cotraitance prévoyait qu’elle serait rémunérée par une somme forfaitaire et un honoraire complémentaire consistant en un pourcentage du montant du dégrèvement obtenu.

Cependant le juge des référés a rejeté ces arguments, estimant que :

– d’une part, le groupement attributaire étant dépourvu de personnalité juridique : c’est avec chacun des cotraitants que le marché serait signé ; 

– d’autre part, cette convention de cotraitance n’était pas opposable à l’acheteur.

Le juge a ainsi jugé que l’offre étant irrégulière, l’OPH aurait du l’écarter : 

«  6. Il résulte de ce qui précède que l’offre présentée par le groupement conjoint constitué de la société B et de la SELARL d’avocats C méconnaît les dispositions de l’article 10 de la loi du 10 juillet 1971 précité et est, dès lors, irrégulière au sens de l’article L. 2152-2 du code de la commande publique. Par suite, la société A est fondée à soutenir qu’en retenant cette offre, alors qu’en application de de l’article L. 2152-1 de ce code il était tenu de l’écarter, l’OPH a manqué à des obligations de publicité et de la mise en concurrence. Ce manquement n’a pu que léser la société d’avocats A, dont l’offre a été classée en deuxième position. » 

Le Tribunal administratif a annulé donc la procédure au stade de l’examen des offres et la décision du marché au groupement.

Une attention particulière devra ainsi être portée par les cabinet d’avocats à la composition de leur offre de prix. Cette dernière devra toujours être conforme aux modalités de fixation prescrites par l’article 10 de la loi 31 décembre 1971 sous peine d’être écartée comme étant irrégulière.

Offre irrégulière / prestations de consultations juridiques / avocats / marché public / loi du 31 décembre 1971

Seul le requérant lésé peut critiquer la méthode de notation de l’acheteur

TA Caen, 18 avril 2024, Commune de Souleuvre-en-Bocage, n° 2400792

Il est ADMYS que les candidats évincés ne peuvent critiquer la procédure d’attribution que si le vice dont ils se prévalent est susceptible de les avoir lésés.

La Commune de Souleuvre-en-Bocage avait passé un marché public de travaux de réhabilitation et d’extension de la salle des fêtes communale. La société requérante avait alors contesté la procédure d’attribution du marché au motif que l’offre de l’attributaire était irrégulière, qu’elle était anormalement basse et que la méthode de notation proportionnelle du critère technique était erronée. 

Après avoir écarté les deux premiers moyens, le Juge des référés constate dans un premier temps le caractère erroné de la méthode de notation proportionnelle en relevant que cette dernière ne permet pas de « respecter l‘équité de la pondération entre la valeur technique et le prix ». 

Toutefois, dans un second temps, il écarte le moyen en rappelant que cette méthode, aussi critiquable soit-elle, « n’a en l’espèce pas été susceptible de léser la société Couverture JL Leprovost et fils, qui a ainsi bénéficié d’une note technique plus élevée que l’entreprise attributaire. Dans ces conditions, la société requérante n’est pas fondée à soutenir que la commune de Souleuvre-en-Bocage a méconnu ses obligations de mise en concurrence au regard de la méthode de notation du critère technique ».

En somme, il s’agit d’une nouvelle illustration du principe selon lequel la lésion prime : un moyen d’annulation d’une procédure d’attribution de marché public n’est susceptible de prospérer, même fondé, que si le candidat évincé a été effectivement lésé.

Référé précontractuel / intérêt lésé / marché public / pondération

L’analyse des candidatures et des offres au cours d’une phase unique, et pourquoi pas ?

TA Nîmes, 17 avril 2024, Union Vallée de l’Aygues c/ Société X, n°2401268

Il est ADMYS qu’un pouvoir adjudicateur peut, dans le cadre d’une procédure adaptée, examiner la recevabilité des candidatures et la valeur des offres dans une phase unique.

Dans cette affaire, l’association syndicale autorisée Union Vallée de l’Aygues a engagé une procédure adaptée pour la passation d’un marché public de travaux. 

La Société X, mandataire du groupement ayant soumissionné, a demandé au juge des référés précontractuels d’annuler, au stade de l’analyse des offres, la procédure de passation tenant à l’attribution du lot pour lequel elle a vu son offre être rejetée.

A l’appui de ses prétentions, elle a estimé que l’acheteur ne pouvait instaurer un sous-critère de jugement des offres tenant à l’appréciation des capacités professionnelles, soutenant ainsi que cet élément doit être pris en compte au niveau de la recevabilité ou de la sélection des candidatures. 

Or, d’un côté, l’ordonnance commentée rappelle que les modalités de passation d’un marché public, en procédure adaptée, sont librement déterminées par l’acheteur dans le respect des principes de la commande publique, conformément à l’article L.2123-1 du Code de la commande publique. 

D’un autre côté, elle précise que, dans ce cadre, l’acheteur a la double possibilité :

  • d’examiner la recevabilité des candidatures et la valeur des offres dans une phase unique ;
  • d’introduire un sous-critère de jugement des offres appréciant des exigences relatives à la justification des capacités et qualifications professionnelles du soumissionnaire.

Enfin, le juge administratif valide la pratique du pouvoir adjudicateur consistant à appliquer une note de zéro à un sous-critère lorsqu’un élément d’appréciation attendu n’est pas présenté par le soumissionnaire dans son offre. 

Ainsi, a été jugée légale la double pratique tenant à instaurer une phase unique d’analyse des candidatures et des offres, et à l’introduction d’un sous-critère appréciant la capacité professionnelle d’un soumissionnaire dès lors qu’il est assurément en lien avec l’objet du contrat :

” 4. En premier lieu, dans le cadre d’une procédure adaptée, il est loisible au pouvoir adjudicateur d’examiner, au cours d’une phase unique, la recevabilité des candidatures et la valeur des offres. Ainsi, l’ASA Union Vallée de l’algues pouvait, en tout état de cause, pour retenir l’offre économiquement la plus avantageuse, introduire parmi les sous-critères d’appréciation de la valeur technique des offres, des exigences relatives à la justification des capacités et des qualifications professionnelles de l’entreprise et prévoir qu’en l’absence de l’une des treize qualifications FNPT expressément listées par le règlement de consultation des entreprises, la note de zéro serait attribuée à l’offre au titre de ce seul sous-critère qui ne représente, au demeurant, que 20% du total de points attribués au titre de la valeur technique de l’offre, ce dernier critère étant lui-même pondéré à 50%”.

 Justice administrative/procédure adaptée/analyse des candidatures et des offres/référé précontractuel/marché public de travaux/juge des référés

Illustration, en matière de déchets, d’un cas de non allotissement validé par le juge 

TA Nîmes, 17 avril 2024, n°2401218

 Il est ADMYS que l’absence d’allotissement d’un marché relatif au transfert et au transport de déchet est justifiée dès lors que la division en plusieurs lots engendrerait une coordination malaisée et couteuse et risquerait de préjudicier à la bonne exécution du marché. 

Le Syndicat Mixte Sud Rhône Environnement a lancé une consultation en vue de l’attribution d’un marché de service pour la gestion d’une plateforme de transfert et le chargement et le transport de déchets non-dangereux. 

L’acheteur avait fait le choix de déroger à la règle de l’allotissement en indiquant dans le CCTP qu’il ne pouvait pas assurer la coordination entre les différentes prestations et qu’une division des lots aurait engendré des coûts supplémentaires trop élevés.

Estimant que ce motif n’était pas établi et ne correspondait à aucune des hypothèses de l’article L.2113-11 du CCP, la candidate évincée a formé un référé précontractuel (L.551-1 CJA).

Le juge répond à cet argument en précisant que :

« Si les parties reconnaissent que la motivation indiquée est inappropriée, ce manquement, s’il se rapporte aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation d’un marché public, n’est, en tout état de cause, pas susceptible de léser un candidat. »

« Des lots séparés obligeraient le syndicat à procéder à une coordination malaisée et couteuse et risquerait de préjudicier à la bonne exécution du marché. La décision de ne pas allotir le marché en cause n’est donc pas entachée d’une appréciation erronée des inconvénients d’une dévolution en lots séparés. Le syndicat mixte Sud Rhône Environnement a pu faire le choix de privilégier un système totalement intégré, et décider, sans se livrer à une appréciation erronée qui traduirait la violation du principe de libre concurrence de ne pas allotir le marché en litige. »

Il s’agit là d’une illustration intéressante d’un cas de non allottissement en matière de transport de déchets.

Référé précontractuel/ allotissement/ non-allotissement/ coordination/L. 2113-11

Un prix faible ne cache pas nécessairement une offre anormalement basse

TA Bastia, 16 avril 2024, n°2400349

 Il est ADMYS que, conformément à sa définition, l’offre anormalement basse se définit par l’établissement deux éléments (L. 2152-5 du Code de la commande publique) : 

– e prix est manifestement sous-évalué ;

– il est de nature à compromettre la bonne exécution du marché.

La Communauté de communes du Sud Corse a lancé un appel d’offre relatif à la fourniture, l’entretien et la maintenance de dispositifs de vidéo-surveillance.

La Société évincée soutenait que l’offre du titulaire était anormalement basse. A l’appui de ce moyen, elle invoquait l’infériorité du prix de l’offre par rapport aux autres offres présentées et par rapport au prix maximum fixé par le règlement de consultation.

Le juge rejette la requête de la société en rappelant la méthode permettant d’apprécier le caractère anormalement bas d’une offre :

« pour estimer que l’offre de l’attributaire est anormalement basse, le pouvoir adjudicateur ne peut se fonder sur le seul écart de prix avec l’offre concurrente, sans rechercher si le prix en cause est lui-même manifestement sous-évalué et, ainsi, susceptible de compromettre la bonne exécution du marché. »

En effet, en l’absence de démonstration par la candidate des autres conditions, l’offre anormalement basse ne peut être qualifiée :

« Toutefois, il résulte de l’instruction qu’une des quatre offres présentées était à peine plus chère que celle de la Société X. Par suite, il ne résulte pas de l’instruction que ce prix regardé serait manifestement sous-évalué et de nature, ainsi, à compromettre la bonne exécution du marché. ».

Ainsi, un candidat évincé qui soulève l’OAB devra, en amont de la saisine du juge, s’assurer qu’il apporte les preuves suffisantes permettant de démontrer le caractère anormalement bas de l’offre. 

Référé précontractuel / offre anormalement basse / prix

La complétude de la réponse à la demande de précisions au service de l’utilité du référé précontractuel 

TA Versailles, 10 avril 2024, Commune de Saint-Germain-en-Laye, n°2402508

Il est ADMYS que le principe de transparence oblige l’acheteur à notifier aux candidats évincés les raisons du rejet de leurs offres afin de leur permettre de contester utilement leur éviction (article L. 2131-1 et R. 2131-1 et suivants du CCP).

La Commune de Saint-Germain-en-Laye a lancé une procédure d’appel d’offres dans le cadre de la passation d’un marché public de travaux relatifs à l’aménagement des espaces publics et des réseaux situés à proximité de l’hôpital. Le lot n°1 dédié à la voirie et aux réseaux divers (VRD) a conduit à la candidature de la Société X, dont l’offre a finalement été rejetée. Celle-ci a formulé une demande de précisions auprès de la Commune, afin de mieux comprendre les raisons de son éviction. Mécontente, elle saisit le juge d’une demande d’annulation de la procédure de passation du lot n°1.

Entre autres, la Société soutenait n’avoir pas reçu communication de ses notes et de celles de l’attributaire s’agissant des sous-sous critères pondérés au sein du cadre du mémoire technique. En réponse, le juge rappelle que, certes, “l’information sur les motifs du rejet de son offre dont est destinataire l’entreprise en application des dispositions précitées a, notamment, pour objet de permettre à la société non retenue de contester utilement le rejet qui lui est opposé devant le juge du référé précontractuel”, au risque de constituer un “manquement aux obligations de transparence et de mise en concurrence”.  Toutefois, un tel manquement n’est plus constitué si l’ensemble des informations requises par les articles R. 2181-2 et R. 2181-4 du CCP a été transmis au candidat évincé “à la date à laquelle le juge des référés statue et si le délai qui s’est écoulé entre cette communication et la date à laquelle le juge statue a été suffisant pour permettre à ce candidat de contester utilement son éviction”.


En l’occurrence, le premier courrier adressé à la Société l’informant du rejet de son offre comportait déjà le nom de l’attributaire, les notes globales et les notes des trois critères de sélection ainsi que son rang dans le classement et le délai de suspension de la signature du marché. Puis, le second courrier en réponse à la demande de précisions faisait en sus mention du montant de l’offre de l’attributaire, des notes attribuées aux sous-critères, son classement au regard de ces notes, des explications et les notes correspondantes de l’attributaire ainsi que son classement. Ainsi, le juge considère que “la société requérant a obtenu communication des informations de nature à lui permettre de connaître les motifs de rejet de son offre et de contester utilement son éviction”. Le moyen est ainsi écarté, les autres moyens également et la requête est rejetée.


Partant, le juge opère un contrôle sur la complétude des informations données au candidat évincé, dans une démarche de garantie des principes essentiels de la commande publique dont celui de la transparence. Mais, ce contrôle juridictionnel vise aussi à garantir l’accès au prétoire via la vérification des informations “utilement” communiquées. 


référé précontracuel / information des candidats / transparence / communication des motifs / demande de précisions

Recours « Tarn et Garonne » : le statut de concurrent évincé ne dispense pas de la charge de la preuve  

TA Mayotte, 1re ch., 9 avr. 2024, n° 2104310

 Il est ADMYS que le concurrent évincé doit démontrer que les manquements aux règles applicables à la passation du marché sont en rapport direct avec son éviction.

Par un avis d’appel public à la concurrence publié le 19 mats 2021, le Centre hospitalier de Mayotte (CHM) avait publié une consultation pour la passation d’un accord-cadre de prestations de transports aérien liées aux évacuations sanitaires de ses patients hospitalisés. 

La société X s’est portée candidate.

Elle a cependant été informée par un courrier du 28 juin 2021 que son offre, classée deuxième, avait été rejeté. Le marché était attribué à la société B.

La société X a formé un référé précontractuel qui a été rejeté par le Tribunal administratif de Mayotte par une ordonnance du 4 août 2021.

Le marché a ainsi été signé entre le CHM et la société B. L’avis d’attribution a été public le 8 septembre 2021.

La société X a ainsi formé un recours en contestation de validité, sollicitant l’annulation ou à défaut la résiliation du marché, ainsi que le versement de 2 563 886,50 euros en réparation du préjudice du manque à gagner résultant de son éviction irrégulière.

En premier lieu, elle invoquait un manquement au principe de transparence des procédures en raison de l’absence de fixation d’un nombre maximum de prestations. 

Le juge administratif écarte ce moyen en considérant que les mentions du CCTP « qui figuraient dans les documents contractuels dont il n’est pas contesté qu’ils étaient librement accessibles aux candidats intéressés, ont permis d’évaluer de manière suffisante l’étendue de l’accord-cadre […] Par suite, en tout état de cause, il ne résulte pas de l’instruction que le CHM aurait commis un manquement au principe de transparence des procédures, en raison de l’absence de fixation d’un nombre maximum de prestations, […] »

En deuxième lieu, la société affirmait que le CHM avait méconnu les règles de mise en concurrence en fixant la durée de l’accord-cadre à 8 ans. Cette durée, anormalement longue, aurait ainsi eu une incidence considérable sur la préparation de son offre et l’aurait gravement pénalisée. 

Le juge rejette ce moyen en considérant que « dès lors que la société X a été informée de la durée du contrat et qu’elle a présenté une offre en se fondant exclusivement sur une telle durée, elle ne peut utilement soutenir qu’elle aurait été lésée par la durée anormalement longue d’exécution de l’accord-cadre fixée dans les documents du marché, alors au demeurant qu’elle a obtenu la meilleure note sur le critère du prix, qui dépend fortement de la durée d’exécution du contrat »

En troisième lieu, elle soutenait que les critères de sélection étaient imprécis et que son offre avait été dénaturée en raison de l’application d’un sous-critère non prévu dans le cadre de la passation. 

Le juge administratif écarte là encore ces moyens en considérant que la formulation générale du sous-critère contesté ne permettait pas de démontrer que le pouvoir adjudicateur aurait mis en œuvre une modalité d’appréciation non prévue dans les documents de consultation et dont les candidats n’auraient pas été informés.

En quatrième et dernier lieu, le juge écarte purement et simplement le moyen selon lequel le CHM n’aurait pas attribué le marché à l’offre économiquement la plus avantageuse, faute d’élément de preuve permettant d’en apprécier le bien-fondé. 

Par un tel raisonnement, le Tribunal administratif de Mayotte vient ici rappeler l’importance de la charge probatoire qui pèse sur le candidat évincé. 

recours en contestation de validité du contrat / marché public / Tarn-et-Garonne

Tous les moyens ne sont pas invocables devant le juge du référé précontractuel

TA Paris, 8 avril 2024, Institut national des jeunes aveugles, n°2405894 

Il est ADMYS que l’office du juge du référé précontractuel est limité à la sanction des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence (article L. 551-1 du Code de justice adminsitrative, ci-après “CJA”) et que le requérant doit démontrer que ces manquements l’ont lésé.

L’Institut national des jeunes aveugles (“INJA”) a lancé une consultation en vue d’attribuer un marché public relatif à la réhabilitation partielle de ses deux pavillons, alloti en huit lots, pour un montant total de 715 552€ TTC. L’offre de la Société X concernant le lot n°6 a été rejetée, c’est pourquoi elle sollicite du juge du référés qu’il annule la procédure de passation du marché, la décision d’attribution du marché et la décision de rejet de son offre et qu’il soit enjoint à l’INJA de reprendre la procédure au stade de l’analyse des offres.

La Société X a soulevé devant le juge un grand nombre de moyens, qui ont tous été écartés pour des motifs procéduraux ou liés à l’office du juge du référé précontractuel : 

– l’injonction de ne pas signer le contrat est irrecevable dès lors que la saisine du juge du référé précontractuel suspend d’office la signature du marché ;

– le juge du référé précontractuel ne peut ni réexaminer les offres, ni enjoindre à la communication de documents administratifs en vertu de l’article R. 412-1-1 du CJA, ni se prononcer sur l’appréciation de la valeur d’une offre ou des mérites respectifs des candidats, car cela ne dépend pas de son office ;

– tout moyen nouveau soulevé à l’audience doit être consigné par écrit ;

– le requérant doit démontrer la lésion des manquements qu’il conteste ;

– en vertu des articles L. 2181-1, R. 2181-1 à -3 du Code de la commande publique (ci-après “CCP”), l’acheteur doit communiquer les motifs détaillés du rejet de l’offre, dans un délai qui permet au candidat de contester utilement son éviction ;

– les questions adressées par le maître d’oeuvre à chaque candidat en vue de préciser le prix de leurs offres ne sont pas considérées comme l’engagement d’une négociation ni comme une demande formelle de modification de l’offre ;

– sur l’offre anormalement basse (article R. 2152-3 du CCP) : le requérant ne démontrant pas en quoi l’offre de la société attributaire serait sous-évaluée, son moyen ne peut qu’être écarté ;

– le grief tiré de l’offre inacceptable ne peut être retenu si l’acheteur ne publie pas le montant prévisionnel du marché.

Enfin, le juge rappelle que, s’il peut se prononcer sur la potentielle dénaturation de l’offre par l’acheteur, encore faut-il que le moyen soit sérieux et étayé et qu’il ne conduise pas le juge à devoir en réalité se prononcer sur le mérite des offres :

” 20. En second lieu, il résulte du rapport d’analyse des offres que, s’agissant du sous-critère “planning prévisionnel de réalisation”, l’offre de la Société X a obtenu une note de 0, supérieure à la note de 4 obtenue par la Société Y. Il résulte du rapport d’analyse des offres que la société requérante n’a néanmoins pas obtenu la note maximale pour ce sous-critère dans la mesure où, dans son mémoire technique, elle a “fourni une décomposition de ses interventions dans le temps en suivant le planning du DCE”, sans apporter de précisions sur les méthodes employées pour respecter les délais imposés. Il ne résulte pas de l’instruction que cette évaluation, qui n’est pas en contradiction avec le motif de rejet de l’offre qui a été communiqué à la société requérante, serait fondée sur une erreur matérielle. Dans ces conditions, il n’appartient pas au juge du référé précontractuel de substituer sa propre appréciation à celle du pouvoir adjudicateur sur ce point. De même, si la société requérante conteste le caractère suffisant des moyens humains proposés par la société X, laquelle a, au demeurant, obtenu une note inférieure au titre du sous-critère “moyens et organisation de l’entreprise” ainsi d’ailleurs que pour le critère de la valeur technique, il n’appartient, en tout état de cause, pas au juge du référé précontractuel de substituer sa propre appréciation des mérites des offres à celle du pouvoir adjudicateur. Par suite, le moyen tiré de la dénaturation de l’offre de la société Y doit être écarté”

Les requérants doivent ainsi restés vigilants quant aux moyens invocables devant le juge du référé, qui ne peut se confondre avec l’office du juge du fond. 

 Référé précontractuel / marché public / notation de l’offre / dénaturation de l’offre / offre anormalement basse / moyen nouveau / lésion

Les poupées russes des référés commande publique  

CE, 5 avr. 2024, UGAP, n° 489280

Il est ADMYS qu’un candidat évincé peut saisir le Tribunal administratif d’un référé précontractuel, transformer ensuite sa demande en référé contractuel, puis finalement introduire une requête en référé contractuel. Le juge administratif ne sera cependant tenu de statuer qu’une seule fois. 

L’Union des groupements d’achats publics (UGAP) a lancé une procédure d’appel d’offres ouvert pour la conclusion d’un accord-cadre à bons de commande en vue de la fourniture de divers équipements de protection pour sapeurs-pompiers et policiers municipaux. Le marché était divisé en 14 lots. 

La société X a d’abord saisi le juge des référés du tribunal administratif de Melun, sur le fondement de l’article L. 551-1 du code de justice administrative (référé précontractuel), d’annuler la procédure de passation du lot n° 8 et la décision rejetant son offre. La société avait saisi le juge le 18 août 2023, postérieurement à la signature du marché qui était intervenue le 14 août. Le Tribunal administratif avait alors prononcé un non-lieu à statuer.

Le Conseil d’Etat censure la décision du Tribunal administratif qui aurait dû déclarer la requête en référé précontractuel irrecevable :

” il résulte de ce qui précède que l’ordonnance du 23 octobre 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Melun doit être annulée, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi relatifs à ces conclusions, en tant qu’elle a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions présentées, sur le fondement de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, par la société X […]

Il ressort des pièces du dossier que l’acte d’engagement a été signé par la société attributaire le 2 février 2023 et par l’UGAP le 14 août 2023. Le marché ayant ainsi été signé avant l’introduction de la requête de la société X le 18 août 2023, les conclusions fondées sur l’article L 551-1 sont irrecevables et doivent, par suite, être rejetées.“. 

Dans le cadre de son référé précontractuel, la société X avait présenté des conclusions tendant à l’annulation du marché sur le fondement de l’article L. 551-13 du code de justice administrative. Elle avait ainsi transformé son référé précontractuel en référé contractuel. Dans l’ordonnance attaquée du 23 octobre 2023, le Tribunal administratif de Melun n’a pas statué sur ces nouvelles conclusions. 

Mais en parallèle, consciente de la fragilité juridique du procédé utilisé, la société X avait alors saisi le même Tribunal d’un référé contractuel par une nouvelle requête. Le Tribunal administratif de Melun a rejeté son référé contractuel par une ordonnance du 23 janvier 2024. 

Finalement, le Conseil d’Etat saisi d’un pourvoi contre l’ordonnance du 23 octobre 2023 (rendue dans le cadre du référé précontractuel) a estimé que “les conclusions présentées devant le Conseil d’Etat par la société X tendant à l’annulation de l’ordonnance du 23 octobre 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Melun en tant qu’elle a omis de statuer sur sa demande présentée sur le fondement de l’article L. 551-13 du code de justice administrative étant devenues sans objet, il n’y a plus lieu d’y statuer.

référé précontractuel / référé contractuel / commande publique / marché public / cassation


Alea jacta est: validation du tirage au sort d’une commande fictive sans commissaire de justice

TA Bastia, 5 avril 2024, Communauté d’Agglomération du Pays Ajaccien, n° 2400304

Il est ADMYS que l’acheteur peut tirer au sort une commande fictive par un logiciel pour apprécier le critère financier de sa procédure de passation d’un marché public sous réserve du respect de certaines conditions. 

la CAPA a lancé une procédure d’appel d’offres ouvert en vue de passer un accord-cadre à bons de commande de prestation de service pour l’exécution de missions de géomètre expert et de prestations foncières. L’offre de la société X n’a pas été retenue. Elle a alors introduit un référé précontractuel.

La collectivité avait élaboré plusieurs commandes fictives et tiré au sort, avant l’ouverture des plis, celle à partir de laquelle le critère du prix serait évalué. Le Tribunal administratif de Bastia valide le principe de l’élaboration d’une commande fictive sous réserve du respect de trois conditions :

– 1ère condition : les simulations doivent toutes correspondre à l’objet du marché, 

– 2ème condition : le choix du contenu de la simulation ne doit pas avoir pour effet d’en privilégier un aspect particulier de telle sorte que le critère du prix s’en trouverait dénaturé

– 3ème condition :  la même simulation doit être appliquée pour chaque offre.

Le juge administratif confirme ensuite que” la triple circonstance que le tirage au sort de la commande fictive à partir de laquelle a été évalué le critère prix n’a pas été effectué sous le contrôle d’un commissaire de justice mais par le biais du logiciel de tirage au sort en ligne dénommé « Plouf Plouf », qu’il soit impossible de savoir qui a procédé ou fait procédé au tirage au sort ni se savoir comment les trois DQE masqués ont été élaborés, n’est pas de nature à justifier que la méthode de notation ne permet pas d’assurer la transparence de la procédure“.

La validation d’un tel procédé confirme la liberté des acheteurs dans l’élaboration de la méthode de notation de l’offre. 

référé précontractuel / marché public / méthode de notation / tirage au sort

 

Capacité professionnelle : gare aux attestations demandées

TA Cergy-Pontoise, 4 avril 2024, Département du Val d’Oise, n°2404106 

Il est ADMYS qu’un candidat peut établir ses compétences professionnelles en produisant des attestations, en l’absence de certificat de qualification délivré par des organismes indépendants.

Le 22 septembre 2023, le département du Val-d’Oise a lancé une procédure d’appel d’offres ouverte en vue de la passation d’un accord-cadre à bons de commande relatif à la réalisation de travaux d’entretien et de rénovation des ouvrages d’art départementaux. La procédure était composée de deux lots géographiques, le n° 1 relatif aux secteurs Vallée de l’Oise et Vexin, le n°2 aux secteurs Rives de Seine, Vallée de Montmorency, Plaine et Pays de France. 

Plusieurs groupements d’entreprises ont participé à cette procédure pour le lot 1.

Aux termes de l’analyse des offres, le groupement C a été déclaré attributaire.

L’entreprise 1, mandataire du Groupement B, a été informé du rejet de son offre par courrier du 11 mars 2024.

Le groupement évincé a formé un référé précontractuel, estimant que le groupement attributaire ne présentait pas l’ensemble des attestations de compétences exigées par le règlement de consultation.

Saisi de cette question, le juge des référés rappelle que le pouvoir adjudicateur doit contrôler les garanties professionnelles, techniques et financières des candidats à l’attribution d’un marché public et que cette vérification s’effectue au regard des seuls renseignements ou documents prévus par les prescriptions de l’arrêté du 22 mars 2019.

Le juge ne peut ainsi contrôler que l’erreur manifeste d’appréciation réalisée par le pouvoir adjudicateur.

En l’espèce, le juge a estimé que l’absence de qualification 7253 « remplacement et réparation des joints de dilatation sur chaussées » était valablement compensée par la fourniture dans la candidature de 3 attestations établissant ses compétences en la matière. La circonstances que 2 de ces attestations émanaient du Département du Val d’Oise à la suite de prestations réalisées en 2021, n’avait pas pour objet de rendre ces attestations moins sérieuses : 

«  10. En l’espèce, le département du Val-d’Oise ne disconvient pas que les sociétés XX, pas plus d’ailleurs que leur sous-traitante ZZ, ne disposent pas de la qualification 7253 « remplacement et réparation des joints de dilatation sur chaussées » relevant de la famille 72 du référentiel de la nomenclature des travaux publics. Toutefois, il résulte de l’instruction que le groupement attributaire du marché a versé à sa candidature trois attestations, une du 20 octobre 2020 relative à des travaux réalisés sous la maîtrise d’œuvre de la ville de Paris et deux établies le 9 décembre 2021 par le département du Val-d’Oise, faisant état, pour l’une, de travaux d’aménagement (génie civil et VRD) de la sortie du tunnel routier des Halles dans la rue du Renard (Paris 4ème arrondissement), et, pour les deux autres, de travaux d’entretien et de rénovation des ouvrages d’art du département du Val-d’Oise, réalisés, s’agissant notamment du remplacement et de la réparation de joints de dilatation sur chaussée, objets de la qualification 7253 manquante, dans les règles de l’art et menés régulièrement à bonne fin. Ces attestations, dont le caractère douteux n’est pas objectivé, au surplus assorties de 45 autres de même nature non soumises au débat contradictoire conformément au point 5 de la présente ordonnance, sont conformes aux documents prévus par le 7° du A de l’article 5-1 du règlement de la consultation pour garantir de la bonne exécution des travaux objets du marché et peuvent donc, en l’espèce, être regardées comme équivalentes à la qualification 7253 « remplacement et réparation des joints de dilatation sur chaussées », quand bien même deux d’entre elles ont été établies par le département du Val-d’Oise qui a attribué le marché en litige. » 

Le juge relevait également que le groupement attributaire est titulaire du lot 2 de l’accord cadre, dont l’objet est strictement identique, et était titulaire pour la période 2016-2019 d’un accord cadre de génie civil sur ouvrage d’art du réseau routier national attribué par la direction des routes d’Ile-de-France.

L’ensemble de ces indices permettent de déduire que le groupement attributaire présentait bien les compétences professionnelles attendues.

Le juge administratif exerce un contrôle de l’erreur manifeste de l’appréciation que réalise le pouvoir adjudicateur des compétences professionnelles des candidats.

marché public / attestations / qualification professionnelle

Pas d’annulation de procédure sans lésion du candidat évincé

TA Nantes, 4 avril 2024, CHU de Nantes, n°2403158

Il est ADMYS que le juge administratif, en cas de manquement aux obligations de publicité et de concurrence, n’annule la procédure de passation que si le candidat évincé démontre que le manquement est susceptible de l’avoir lésé.

Le Centre Hospitalier Universitaire (ci-après “CHU“) avait passé un marché public de services concernant des prestations d’hygiène 4D (dératisation, désinsectisation, désinfection, dépigeonnisation). La Société X, candidate malheureuse, et devant le rejet de son offre, avait saisi le juge des référés précontractuels aux fins de l’annulation de la passation du marché.

Parmi les moyens soulevés, la Société soutenait que le CHU s’était abstenu de lui communiquer l’ensemble des caractéristiques de l’offre retenue, et notamment l’offre de prix globale de l’entreprise retenue.

Le juge des référés rappelle tout d’abord que selon les termes de l’article R. 2181-4 du Code de la Commande publique : ”A
la demande de tout soumissionnaire ayant fait une offre qui n’a pas été
rejetée au motif qu’elle était irrégulière, inacceptable ou
inappropriée, l’acheteur communique (…) les caractéristiques et les avantages de l’offre retenue
“.

 Le juge des référés précontractuels écarte toutefois le moyen en considérant que si l’offre de prix globale : “(…) constitue une caractéristique de l’offre retenue devant être communiquée, au vu de ce qui précède, il ne résulte pas de l’instruction que, compte tenu de l’écart de prix entre le montant des offres, cette absence de communication n’ayant pas empêché la société requérante de contester utilement sur ce point la procédure litigieuse au vu des autres informations dont elle disposait dans le cadre du présent litige, un tel manquement a été susceptible de la léser en l’espèce“.

référé précontractuel / communication de l’offre retenue / marché public / centre hospitalier / CHU / offre de prix

Quand la dénaturation de l’offre d’un candidat peut conduire à l’annulation

CE, 4 avril 2024, Communauté de communes Sud-Avesnois, n°491227

Il est ADMYS que le juge administratif peut apprécier si l’acheteur n’a pas dénaturé l’offre du candidat évincé .. et que ce contrôle peut aboutir à l’annulation de la procédure de passation.

La Communauté de communes Sud-Avesnois (CCSA) a engagé, le 20 octobre 2023, une procédure de passation d’un marché de services portant sur le tri des déchets d’emballages ménagers recyclables, papiers et plastiques, pour l’ensemble de son territoire. L’offre de la société X a été rejetée par la CCSA au motif qu’elle ne lui permettrait pas de bénéficier d’un soutien financier spécifique de l’éco-organisme Citéo. La CCSA s’était fondée sur le fait que l’offre de la société ne proposait pas de centre de tri définitif. 

Dans le cadre du référé contractuel engagé par la société évincée, le Tribunal administratif de Lille (TA Lille, 12 janv. 2024, n° 2311295) avait considéré que :

” Toutefois, alors que le règlement de consultation ne comporte aucune précision sur la nature exacte de ce soutien financier ni sur ses modalités de calcul et que ce soutien doit être regardé au vu des seuls éléments produits à l’instance par la CCSA comme étant constitué par le soutien à la collecte sélective et au tri mentionné à l’annexe V du cahier des charges de la filière REP des emballages ménagers annexé à l’arrêté du 29 novembre 2016 modifié susvisé, il ne résulte pas de l’instruction qu’en raison du seul rejet de la candidature de la société intervenu le 12 décembre 2023 à la phase 5 de l’appel à projets publié par Citéo en octobre 2021 concernant l’adaptation des centres de tri au tri des tous les emballages ménagers, et l’amélioration des performances de tri pour le centre de tri mis à disposition, la CCSA ne sera pas susceptible de bénéficier d’un quelconque soutien financier de la part de Citéo, soutien qui est fonction du nombre de tonnes recyclés éligibles et d’un tarif unitaire de la tonne variant en fonction de la nature des déchets en cause suivant l’article 6 du « contrat pour l’action et la performance (CAP 2022) » conclu par la société Citéo et la CCSA pour la période 2018 et 2022 et dont la durée de validité a été portée au 31 décembre 2023 par avenant et qui n’apparaît pas conditionné par le recours à un centre de tri dit « définitif ». Par suite et en l’état du dossier, la CCSA a dénaturé l’offre de la société requérante en estimant qu’elle ne lui permettrait pas de bénéficier d’un quelconque soutien de l’éco-organisme Citeo et méconnu le principe d’égalité de traitement des candidats.”

Ce vice a conduit le Tribunal administratif a annulé la procédure au stade de l’analyse des offres. La CCSA a formé un pourvoi contre l’ordonnance du Tribunal administratif de Lille. Par un arrêt du 4 avril 2024, le Conseil d’Etat n’a pas admis le pourvoi. Il a confirmé que la CCSA avait bien dénaturé l’offre de la société requérante.

Les acheteurs doivent ainsi rester vigilants quand à l’analyse des offres des différents candidats. Toute dénaturation peut conduire à l’annulation de la procédure. 

référé précontractuel / dénaturation de l’offre / marché public / centre de tri

Mars 2024

Le plus important est d’informer les candidats évincés au juste moment !

TA Melun, 29 mars 2024, Office public de l’habitat du Val-de-Marne c/Société X, n°2313563

Il est ADMYS que la communication des motifs de rejet au candidat ou soumissionnaire évincé avant que ne statue le juge des référés précontractuels, dans un délai suffisant pour permettre à l’intéressé de contester utilement son éviction, ne constitue plus un manquement aux obligations de transparence et de mise en concurrence.

Dans cette affaire, l’Office public de l’habitat du Val-de-Marne a engagé une procédure adaptée pour la passation d’un marché public de travaux sous la forme d’un accord-cadre à bons de commande. 

La Société X a demandé, au juge des référés précontractuels, d’annuler la décision de rejet de son offre ainsi que la décision d’attribution. 

A l’appui de ses prétentions, elle a estimé que l’acheteur a, notamment, manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence dès lors que la décision de rejet de son offre est insuffisamment motivée. 

Dans un premier temps, le juge des référés rappelle les obligations de l’acheteur en termes d’information des candidats et soumissionnaires évincés dans le cadre d’une procédure adaptée. 

Par conséquent, l’acheteur doit, en vertu de l’article R.2181-1 du Code de la commande publique (“CCP”), notifier sans délai à chaque candidat/soumissionnaire sa décision de rejet sans pour autant en préciser les motifs à ce stade. 

Ce n’est qu’à la condition que le candidat/soumissionnaire évincé sollicite l’obtention des motifs, que l’acheteur est contraint d’y répondre, conformément à l’article R.2181-2 du CCP. 

Dans un second temps, le juge des référés considère qu’aucun manquement aux obligations de l’acheteur ne peut être relevé lorsque le candidat/soumissionnaire évincé a eu communication des informations tenant au rejet de son offre avant qu’il ne statue, et dans un délai suffisant pour contester ces motifs :

“Par suite, le non-respect de ces dispositions constitue un manquement aux obligations de transparence et de mise en concurrence. Cependant, un tel manquement n’est plus caractérisé si, d’une part, l’ensemble des informations requises ont été communiquées au candidat ou soumissionnaire évincé à la date à laquelle statue le juge des référés, d’autre part, le délai qui s’est écoulé entre leur communication et cette date a été suffisant pour permettre à l’intéressé de contester utilement son éviction”

Justice administrative/pouvoir adjudicateur/candidat évincé/information/référé précontractuel/marché public de travaux/juge des référés

Après l’heure, c’est encore l’heure si la plateforme dématérialisée est défectueuse 

TA Pau, 29 mars 2024, Commune des Aldudes c/ Société X, n°2400414

Il est ADMYS que l’acheteur peut demander un nouvel envoi des plis, après la date limite de réception des offres (« DLRO »), lorsque la plateforme dématérialisée est défectueuse, sans porter atteinte à la publicité et à la mise en concurrence. 

Dans cette affaire, la Commune des Aldudes a engagé une procédure pour la passation d’un marché public de travaux.  

Si la DLRO avait été fixée au 28 novembre 2023 – 16 heures, un problème technique identifié de la plateforme dématérialisée a contraint l’acheteur à solliciter des candidats un nouvel envoi. Cette demande a été faite auprès de tous les candidats qui avaient déposé dans le délai initial leur(s) offre(s). La Société X a demandé, au juge des référés précontractuels, de suspendre la procédure de passation de deux lots pour lesquels elle a vu ses offres être rejetées, et d’annuler la procédure d’appel d’offres et les décisions d’attribution qui en résultent.

A l’appui de ses prétentions, elle a estimé que l’acheteur ne pouvait démontrer qu’il disposait des derniers devis transmis par elle après la date limite de réception des offres. Or, il résulte de l’instruction que l’acheteur a pu prouver le caractère identique des plis réceptionnés après la DLRO à ceux déposés sur la plateforme défectueuse dans le délai imposé. 

Ainsi, le juge des référés a jugé que l’incident technique, ayant obligé l’acheteur à demander un nouvel envoi, après la DLRO, n’a pas porté atteinte à la publicité et à la mise en concurrence des candidats :

«  Il résulte encore de l’instruction que les entreprises ont de nouveau adressé leurs offres et que l’analyse de ses offres a ensuite été effectuée, tandis qu’une fois l’origine de l’incident technique identifié, il a été constaté que les offres de nouveau adressées étaient identiques à celles déposées sur la plateforme avant la date limite. Ainsi, il ne résulte nullement de l’instruction que l’incident technique survenu a porté atteinte à la publicité, à la transparence ou à la libre concurrence entre les candidats ».

Justice administrative/pouvoir adjudicateur/DLRO/référé précontractuel/marchés public de travaux/juge des référés

 

Renouvellement tacite du marché initial et lancement d’une nouvelle procédure

TA Montpellier, 28 mars 2024, Département de l’Hérault, n° 2401407

Il est ADMYS qu’aucun texte ni principe ne vient prohiber qu’une procédure de renouvellement d’un marché public, régulièrement lancée, se déroule alors que le marché initial n’est pas arrivé à son terme.

En l’espèce, le Département de l’Hérault a lancé, le 16 août 2023 une procédure de passation pour le lot 14 d’un accord cadre pour l’entretien, la maintenance, les grosses réparations et l’aménagement des bâtiments, domaines départementaux et collèges publics. La société titulaire du marché initial , et candidat évincé de cette nouvelle procédure, a formé un référé précontractuel arguant que la procédure ne correspondait pas aux besoins du Département.

Elle estimait que la procédure ne pouvait être lancée alors que le marché initial est toujours en cours. Selon elle, depuis le 1 er octobre 2023, en l’absence de dénonciation dans les trois mois avant le terme du contrat concernant le lot n°14 dont elle était titulaire, le contrat avait été renouvelé tacitement pendant 1 an.

Par ailleurs, la société considérait que le Département n’avait pas pu valablement résilier le marché pour un « motif d’intérêt général »  le 28 février 2024.

Le juge administratif a toutefois estimé que le Département n’avait commis aucun manquement suceptible d’entacher la procédure : 

«  Mais, d’une part, aucun texte, ni principe, ne vient prohiber qu’une procédure de renouvellement d’un marché public, régulièrement lancée, se déroule alors même que le marché initial n’est pas arrivé à son terme et, d’autre part, il résulte de l’instruction, qu’au terme de la procédure en litige, le 28 février 2024, mais avant la signature du marché, le Département a résilié l’accord cadre concernant le lot n° 14 dont la société S était devenue titulaire en raison de son renouvellement tacite, acquis le 1er octobre 2023, pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2024. Par suite, le moyen tiré de ce que la procédure d’appel d’offres en litige ne correspond pas à un besoin du département de l’Hérault doit, en tout état, de cause, être écarté.

5. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de la requête en annulation du marché en litige doivent être rejetée. »

Le Département était donc fondé à lancer une nouvelle procédure de passation, même si le marché initial n’était pas encore arrivé à son terme.

référé précontractuel / terme / marché public

Précision sur l’interdiction de soumissionner d’une Société en redressement judiciaire

TA Melun, 28 mars 2024, Université Paris-Est Créteil Val-de-Marne (UPEC), req. n° 2313565

Il est ADMYS que la signature du contrat prive le requérant de la possibilité de saisir le juge du référé précontractuel et que le requérant doit en tout état de cause justifier d’un intérêt à agir dans le cadre de la procédure en cause. Mais surtout et en vertu de l’article L. 2141-3 du Code de la commande publique, la Société ne doit pas se situer dans un des cas d’exclusion d’office, en raison notamment de son placement en redressement judiciaire.

En l’espèce, l’UPEC a engagé une procédure d’appel d’offres ouvert en vue de conclure un marché de prestation de services linguistiques de transcription, de rédaction de comptes rendus d’instances, de traduction et de “copy-editing”. Trois lots étaient prévus, le lot n°2 concernant plus spécifiquement la traduction de documents administratifs et l’interprétariat. La Société requérante, qui n’avait présenté une offre que pour ce lot, a été exclue en cours de procédure et demande au juge du référé précontractuel d’annuler ladite décision d’éviction. 

La Juridiction rappelle tout d’abord que la signature du contrat fait obstacle à l’intervention du juge du référé précontractuel dans le cadre du contrat en cause. Or en l’espèce, le contrat avait été conclu quelques heures avant l’introduction de la requête, ce qui la rend nécessairement irrecevable.

Le juge poursuit ensuite en indiquant que la Société exclue n’a pas d’intérêt à agir contre la procédure en tant qu’elle ne porte plus que sur les deux lots pour lesquels elle n’a pas présenté d’offre : 

“5. D’autre part, il résulte de l’instruction que la société X n’a pas présenté d’offre pour l’attribution des lots n° 1 et 3 du marché en litige. Il s’ensuit qu’elle n’a pas intérêt à agir contre la décision de l’exclure de la procédure de passation de ce marché en tant qu’elle porte sur ces deux lots”.

 

Sur le fond, le juge a surtout précisé que l’Université avait à bon droit exclu la Société de la procédure de passation dès lors qu’elle n’était pas habilitée à poursuivre ses activités pendant la durée du marché :

“7. Si la société X, qui fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire ouverte le 17 avril 2023, soutient, sans d’ailleurs apporter aucun élément à l’appui de cette allégation, qu’elle prépare une proposition de plan de redressement qui sera soumise à l’appréciation du tribunal de commerce d’Evry, elle n’établit pas, ni même n’allègue, qu’elle bénéficie d’ores et déjà d’un plan de redressement, la période d’observation à laquelle elle est soumise ayant au demeurant été prolongée jusqu’au 17 avril 2024, ni qu’elle a été habilitée à poursuivre ses activités pendant la durée prévisible d’exécution du marché en litige, soit quatre ans au total selon l’article 1.4 du règlement de la consultation. Par suite, et à supposer même que l’UPEC aurait estimé à tort qu’elle n’avait pas souscrit les déclarations lui incombant en matière fiscale et que l’exclusion prévue à l’article L. 2141-2 du code la commande publique ne lui serait ainsi pas applicable, la requérante est au nombre des personnes devant être exclues de plein droit d’une procédure de passation d’un marché au titre du 3° de l’article L. 2141-3 du même code”.

Le juge vient ici rappeler que la capacité à soumissionner est une exigence essentielle à la candidature à un marché public, et que le candidat a tout intérêt à la démontrer. 

Référé précontractuel / marché public / éviction / redressement judiciaire / intérêt à agir

 

Quand le secret des affaires couvre le bordereau de prix unitaires du candidat attributaire

TA Clermont-Ferrand, 22 mars 2024, Chambre d’agriculture de la Haute-Loire, n°2400370

Il est ADMYS que les acheteurs ne peuvent communiquer aux candidats évincés les documents couverts par le secret des affaires et que l’irrégularité constatée dans la procédure d’attribution d’un marché n’est susceptible de justifier l’annulation de la procédure que si elle est de nature à avoir exercé une influence sur le classement des offres.

En l’espèce, à la suite du rejet de son offre, une société avait saisi le juge des référés précontractuels afin d’obtenir l’annulation de la procédure de passation de deux lots relatifs à un marché public d’une chambre d’agriculture et ayant pour objet la fourniture de repères officiels d’identification pour animaux.

Elle soutenait en premier lieu qu’elle n’avait pas eu transmission des motifs du rejet de son offre, reprochant notamment à la chambre de l’agriculture de ne pas lui avoir transmis le bordereau de prix unitaire fourni par le candidat retenu. 

Conformément à une position constante du juge administratif, le Juge des référés du Tribunal administratif écarte ce moyen en considérant que « (…) la communication du bordereau de prix unitaire constitue toutefois un élément qui reflète la stratégie commerciale de l’entreprise attributaire et est, de ce fait, couverte par le secret des affaires. Compte-tenu par ailleurs des informations communiquées, le moyen tiré de ce qu’elle n’a pas été informée des motifs de rejet de son offre doit, par suite, être écarté ».

En deuxième lieu, la société requérante soutenait que les critères de sélections étaient imprécis, que son offre avait été dénaturée et contestait également au fond l’appréciation portée par le pouvoir adjudicateur sur son offre. 

Le juge écarte là encore l’ensemble de ces moyens, les considérant comme infondés, et relevant, s’agissant du dernier, « qu’il n’appartient pas au juge des référés précontractuels d’apprécier les mérites respectifs des offres ».

A noter toutefois que le Juge des référés du Tribunal administratif annule finalement la procédure de passation d’un des deux lots, au motif d’une irrégularité dans l’appréciation d’un des sous-critère, laquelle a été de « nature à avoir eu une influence sur le classement des offres».

BPU / marché public / secret des affaires / dénaturation de l’offre / précontractuel

 

L’OAB n’est pas caractérisée lorsque l’entreprise apporte des justifications satisfaisantes à l’acheteur 

TA Paris, 22 mars 2024, GIP RESAH, n° 2404808. 

Il est ADMYS que ne constitue pas une offre anormalement basse une offre pour laquelle l’entreprise est capable de fournir l’ensemble des justifications nécessaire au caractère compétitif de son offre.

 

Par un appel d’offre ouvert publié le 22 novembre 2023, le GIP «  RESAH »  a lancé une procédure de consultation en vue de la conclusion d’un accord cadre mono-attributaire pour la fourniture de consommables informatiques recyclés.

 

Une société évincée a formé un référé précontractuel estimant que l’offre du titulaire était anormalement basse. En effet, l’offre de l’entreprise attributaire présentait une différence de prix de 54% par rapport à l’offre de la société requérante.

 

Le juge a d’abord apprécié le contrôle effectué par le GIP sur la justification du prix. Il a relevé que le GIP avait, conformément à son obligation tirée de l’article L. 2125-6 du code de la commande publique, demandé des justifications du prix de son offre au  soumissionnaire.

 

Le juge a pris connaissance,  par un mémoire non soumis au contradictoire, des justifications qui avaient été apportées par la société attributaire. 

 

Il a alors estimé que les justifications apportées étaient complètes et satisfaisantes : 

 

«  7. Toutefois, il résulte du mémoire du 14 mars 2024 du RESAH, non soumis au contradictoire, qu’en réponse à la demande de justifications qui lui a été adressée le 8 février 2024 la société B, le 9 février 2024, apporté toute les justifications qui portaient sur des points énumérés à l’article R. 2152-3 du code de la commande publique, notamment, sur le mode de fabrication des produits, les solutions techniques adoptées et les conditions exceptionnellement favorables dont dispose le soumissionnaire pour fournir les produits.

8. Comme il est exposé dans le mémoire en défense du RESAH, enregistré le 11 mars 2024, il ressort des précisions ainsi apportées par la société attributaire que cette dernière a confirmé être en mesure d’exécuter le marché dans le respect des obligations contractuelles « et que le caractère compétitif de son offre résulte d’une optimisation des coûts de remanufacturation, qu’elle décompose en quatre éléments constitutifs cohérents, ainsi que des leviers d’économie permis par le déstockage ». Ainsi, alors qu’elle se limite à à affirmer que la différence entre les notes obtenues respectivement par la société attributaire et elle-même, compte tenu, en outre, des quantités à livrer, révèle une offre anormalement basse de nature à compromettre l’exécution du marché par son attributaire dans le respect des stipulations contractuelles et des dispositions relatives aux marchés réservés, la société A n’est pas fondée à soutenir qu’en classant cette offre en première position et en attribuant le lot n° 5 du marché litigieux à la société B; le RESAH a méconnu ses obligations de mise en concurrence. » 

 

Ainsi, dès lors que le soumissionnaire est capable justifier le caractère particulièrement compétitif de son offre auprès de l’acheteur, elle ne peut constituer une offre anormalement basse. 

référé précontractuel / marché public / offre anormalement basse

L’effectivité comme exigence de la fixation de la méthode de notation des offres

TA Poitiers, 19 mars 2024, Commune de Lencloître, req. n° 2400475

Il est ADMYS que les acheteurs sont libres de définir la méthode de notation et les critères de sélection des offres à venir dans le cadre d’une procédure de passation d’un marché public. Une fois déterminés, ces critères sont rendus publics et engagent la Collectivité. Toutefois, la méthode de notation ne peut conduire à neutraliser ou à priver de portée les critères sélectionnés, dans une configuration qui ferait obstacle au choix de la meilleure offre.

Dans cette affaire, la Commune de Lencloître a lancé une procédure adaptée avec négociation en vue d’attribuer deux lots (maçonnerie et menuiserie) pour procéder à la restauration des façades de l’ancien “couvent des hommes” dont elle est propriétaire et qui fait partie d’un prieuré daté du XIIème siècle. Les critères retenus étaient la valeur technique (60 points) et le prix (40 points). A l’issue de l’analyse des offres, le marché a été attribué à la Société arrivée en deuxième position avec la note de 89/100. La Société évincée, dont l’offre a pourtant classée en première position avec une note de 93,96/100, a saisi le juge du référé précontractuel en vue de faire annuler la procédure au stade de l’attribution et de lui attribuer le lot en cause.

L’instruction a révélé que la Société attributaire avait été retenue “aux motifs qu’elle présentait de meilleures références en travaux similaires compte tenu des spécificités des travaux à réaliser et que son offre était mieux notée en termes de prix”. 

Selon la Juridiction, une telle circonstance révèle la modification de la méthode de notation en après le dépôt des offres, ce qui porte atteinte aux principes essentiels de la commande publique et lèse le candidat évincé : 

7. Toutefois, en agissant ainsi, la commune a modifié les critères de sélection après le dépôt de leurs offres par les candidats. Ce changement des critères d’attribution du marché, lesquels devaient être portés à l’information des candidats dès l’engagement de la procédure, a donc conduit au choix d’une offre sur la base de critères qui n’avaient pas fait l’objet d’une information appropriée des candidats dès l’engagement de la procédure. Ce changement des critères de sélection, qui a été de nature à léser la société X eu égard à sa portée et au stade de la procédure auquel il se rapporte, constitue ainsi un manquement aux règles de publicité et de mise en concurrence auxquelles était soumise la commune de Lencloître. Par suite, la société requérante est fondée à soutenir que la commune de Lencloître a méconnu le règlement de la consultation de la procédure d’appel d’offres portant sur l’attribution du lot n° 2, en attribuant ce lot à la société Y et a commis ainsi un manquement aux obligations de mise en concurrence”.

La procédure est annulée au stade de l’analyse des offres mais la demande d’injonction d’attribution du marché à la Société requérante est écartée dès lors qu’une telle demande n’entre pas dans l’office du juge des référés précontractuels.

Le pouvoir adjudicateur doit ainsi veiller à déterminer des critères cohérents pour la notation des offres, les rendre publics à l’occasion des documents de la consultation, et les mettre en oeuvre de manière effective pour aboutir au choix de l’offre économiquement la plus avantageuse 

Référé précontractuel / marché public / méthode de notation des offres / critères de sélection des offres / effectivité de la méthode de notation 

 

Gare à l’appréciation inexacte des offres…!  

TA Melun, 15 mars 2024, Préfet de Seine-et-Marne, n°2311654

Il est ADMYS que l’appréciation inexacte des offres par l’autorité concédante ne permet pas de déterminer quelles sont les meilleures offres et justifie donc l’annulation de la procédure au stade de leur examen. 

Dans le cadre d’une procédure de passation d’une concession de service public portant sur le dépannage et remorquage de véhicules lancée par le préfet de Seine-et-Marne, quatre entreprises ont été déclarées attributaires. A ce titre, l’entreprise ayant été classée cinquième et dont l’offre a été rejetée a sollicité l’annulation de cette décision et l’annulation partielle ou totale de la procédure.

Après avoir écarté les moyens portant sur la motivation de la décision de rejet de l’offre et le caractère erroné de certaines informations délivrées par les attributaires, le juge des référés a constaté l’irrégularité de deux offres et ordonné l’annulation partielle de la procédure.

Sur ce point, la régularité des offres était subordonnée à la capacité des soumissionnaires à intervenir pour un dépannage ou remorquage dans un délai de vingt minutes maximum selon le site Géoportail. Or, le juge a constaté que cette exigence n’avait été respectée ni par deux des entreprises attributaires, ni par le préfet de Seine-et-Marne. 

En effet, la société requérante avait, elle, vérifié le temps de trajet des entreprises attributaires au moyen du site Géoportail et fait confirmer les durées par un commissaire de justice, ce qui avait conduit à mettre en évidence le non-respect du délai d’intervention et donc le caractère irrégulier de ces offres : 

“Il résulte de l’instruction que, pour vérifier le respect de cette condition (…), le préfet de Seine-et-Marne s’est fondé sur les données d’un tableau établi le 6 octobre 2023 par les services de la direction des routes d’Ile-de-France. Toutefois, outre que ce tableau ne mentionne aucune source, de sorte qu’il ne permet pas de s’assurer s’il s’appuie bien, conformément aux exigences des documents de la consultation, sur des calculs de temps de trajet effectués au moyen du site public Géoportail, les données qu’il contient, alors mêmes qu’elles seraient corroborées par celles du site Mappy Itinéraires, ne correspondent pas, sur plusieurs points, à celles dont fait état la requérante. (…) la société X est fondée à soutenir que les offres des sociétés Y et Z étaient irrégulières au sens de l’article L. 3124-3 du code de la commande publique”

En ces circonstances, les offres auraient dû être écartées par le préfet qui, en se fondant sur des informations inexactes pour apprécier les offres, n’avait pas pu établir le classement des meilleures offres. 

Ainsi, la société requérante, par son classement en cinquième position a été lésée par ce manquement au principe d’égalité de traitement des candidats. 

Référé précontractuel / concession / offre irrégulière / critères 

 Possibilité, dans une même procédure, de passer du pré-contractuel au contractuel !

 TA de Cergy-Pontoise, 15 mars 2024, Commune d’Osny, req. n°2401919

Il est ADMYS qu’un candidat évincé peut déposer, dans le cadre d’une même procédure, une première requête sur le fondement de l’article L. 551-1 du CJA (référé pré-contractuel) puis un mémoire sur le fondement de l’article L. 551-13 du CJA (référé contractuel). 


En l’espèce, la commune d’Osny a lancé une procédure de passation en vue de l’attribution d’un marché ayant pour objet la réalisation de prestations d’entretien et d’aménagement des espaces verts et du patrimoine arboré et comportant deux lots. 

L’offre de la Société X a été déclarée irrégulière par la commission d’appel d’offre. 

Le maire de la commune d’Osny a informé la société X de cette décision intervenue au motif qu’elle avait présenté une enveloppe dématérialisée vide sans copie de sauvegarde et que son offre ne respectait pas les exigences formulées à l’article 6.1 du règlement de consultation. 

Le contrat relatif au lot n° 2 a été signé le même jour. 

La Société a demandé au juge des référés, postérieurement à la signature du contrat :

Sur le fondement de l’article L. 551-1 du code de justice administrative (référé pré-contractuel), d’annuler la décision du 24 janvier 2024 par laquelle la commune d’Osny a rejeté son offre et la procédure de passation du lot n° 2, 

Puis, par un nouveau mémoire, sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du même code (référé contractuel), d’annuler le contrat conclu avec la société attributaire.

« 7. Il résulte de l’instruction que les courriers des 25 et 31 janvier 2024 du maire de la commune d’Osny, analysés au point 1, n’ont pas mentionné le délai de suspension que la commune s’imposait avant la conclusion du marché. Ainsi, les dispositions de l’article L. 551-14 ne sauraient faire obstacle à ce que la société X forme un référé contractuel. Par suite, à défaut pour elle d’avoir été informée de ce délai lors de la notification du rejet de son offre, la société requérante, qui était de ce fait dans l’ignorance de la signature du marché lorsqu’elle a présenté un référé précontractuel, est recevable à former un référé contractuel, sur le fondement de l’article L. 551-13 du code de justice administrative, après avoir été informée, par le mémoire en défense de la commune d’Osny dans le cadre de l’instance en référé précontractuel, que le contrat avait été signé pour le lot n° 2 le 6 février 2024. La société X a valablement saisi le juge des référés sur le fondement de l’article L. 551-13 par un mémoire qui ne contient que des conclusions fondées sur cet article, sans que les dispositions du chapitre 1er du titre V du livre V du code de justice administrative, selon lesquelles les demandes formées devant le juge des référés sur le fondement de l’article L. 555-1 sont présentées et jugées selon des règles distinctes de celles applicables aux demandes présentées sur le fondement de l’article L. 551-13, y fassent obstacle. »


 Un pli vide (qui ne l’est finalement pas) entraine l’annulation du contrat en référé contractuel !

TA de Cergy-Pontoise, 15 mars 2024, Commune d’Osny, req. n°2401919

Il est ADMYS que le rejet d’une offre au motif que le pli dématérialisé déposé était vide encourt l’annulation du contrat en référé contractuel, si ce pli n’était en définitive … pas vide ! 

En l’espèce, la commune d’Osny a lancé une procédure de passation en vue de l’attribution d’un marché ayant pour objet la réalisation de prestations d’entretien et d’aménagement des espaces verts et du patrimoine arboré et comportant deux lots. 

L’offre de la Société X a été déclarée irrégulière par la commission d’appel d’offre. 

Le maire de la commune d’Osny a informé la X de cette décision intervenue au motif qu’elle avait présenté une enveloppe dématérialisée vide sans copie de sauvegarde et que son offre ne respectait pas les exigences formulées à l’article 6.1 du règlement de consultation. 

Le juge a considéré que l’offre de la Société X ne pouvait pas être qualifiée d’irrégulière :

« 9. D’autre part, aux termes de l’article L. 2152-1 du code de la commande publique : « L’acheteur écarte les offres irrégulières, inacceptables ou inappropriées. ». Aux termes de l’article L. 2152-2 du même code : « Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, en particulier parce qu’elle est incomplète () ». Ainsi qu’il a été dit au point 1 l’offre de la Société X a été rejetée sans classement au motif que cette société avait présenté une enveloppe dématérialisée vide sans copie de sauvegarde et que son offre ne respectait donc pas les exigences formulées à l’article 6.1 du règlement de consultation. Toutefois, il ressort des pièces produites par la Société X notamment du message de la plateforme support-entreprise @ achat public qui lui a été adressé en date du 16 février 2024, et qui a été communiqué à la commune d’Osny le même jour, que « le rapport de dépôt confirme l’envoi complet des documents ». Dans ces conditions, l’offre de la Société X ne pouvait pas être qualifiée d’irrégulière au sens de ces dispositions. Il suit de là que la commune d’Osny a manqué à ses obligations de mise en concurrence en s’abstenant de la classer. Cette irrégularité a affecté les chances de la Société X  d’obtenir le contrat relatif au lot n° 2, dès lors que son offre n’a pas été examinée au regard des critères de sélection fixés par le règlement de la consultation. »

Cette irrégularité, qui a affecté les chances de la Société d’être attributaire, justifie l’annulation du contrat correspondant au lot n°2 du marché.

Référé contractuel / marché public / pli vide / annulation de l’irrégularité / annulation du contrat

 

Notation dans les marchés publics : la méthode librement retenue par le pouvoir adjudicateur ne doit pas priver de toute portée effective les critères de sélection.

TA Martinique, 7 mars 2024, Commune du Carbet, req. n° 2400140

Il est ADMYS que les acheteurs définissent librement la méthode de notation pour la mise en œuvre de chacun des critères de sélection des offres qu’ils définissent et rendent publics, tout en veillant à ne pas priver de leur portée ces mêmes critères de sélection ou à neutraliser leur pondération.

En l’espèce, la Commune du Carbet avait lancé une procédure de consultation en vue de conclure un marché public de travaux pour la remise en état d’une voirie route. La Société X, candidate, avait été ensuite informée du rejet de son offre. Elle avait alors saisi le juge des référés précontractuels en vue de l’annulation de la procédure d’attribution. 

La société requérante soutenait que la procédure était irrégulière en ce que, d’une part, ce dernier n’avait pas respecté la méthode de notation annoncée s’agissant du critère relatif au prix en attribuant la note maximale de 100 aux deux candidates et, d’autre part, que le pouvoir adjudicateur n’avait pas respecté sa méthode de notation en n’appréciant pas un critère de notation au regard de l’ensemble des sous-critères qu’il avait définis.

Le juge des référés rejette les deux arguments de la Société requérante, en soulignant, dans un premier temps que l’écart de prix entre les deux candidates était très faible (à peine 0,19%) et que, si le pouvoir adjudicateur avait effectivement appliqué correctement la méthode de notation, les deux candidates auraient obtenu les notes de 99,73 et 99,83 (au lieu de 100 chacune). Le juge des référés neutralise ainsi cette première irrégularité en considérant que le classement reste inchangé, même en appliquant correctement la méthode de notation. 

Dans un second temps, il neutralise également une formule hasardeuse relevée dans le rapport d’analyse des offres, laquelle laissait entendre que le pouvoir adjudicateur n’avait pas correctement apprécié un critère au regard des sous-critères qu’il avait librement défini. Il rappelle que « le pouvoir adjudicateur (…) [s’il] décide, pour mettre en œuvre ces critères de sélection des offres, de faire usage de sous-critères également pondérés ou hiérarchisés, (…) doit porter à la connaissance des candidats la pondération ou la hiérarchisation de ces sous-critères dès lors que, eu égard à leur nature et à l’importance de cette pondération ou hiérarchisation, ils sont susceptibles d’exercer une influence sur la présentation des offres par les candidats et doivent, en conséquence, être eux-mêmes regardés comme des critères de sélection ». 

Cependant il écarte le moyen en considérant que, bien que le pouvoir adjudicateur n’ait pas fait clairement apparaître la notation de chaque sous-critère dans son rapport d’analyse des offres, la requérante ne démontre pas pour autant que le pouvoir adjudicateur n’ait réalisé qu’une appréciation partielle et incomplète.

En somme, aucun des moyens de la société X n’est parvenu à démontrer que la méthode retenue par la Commune du Carbet avait privé de toute portée effective les critères de sélection qu’elle avait librement définis. 

Référé précontractuel / marché public / méthode de notation / critère de jugement des offres / formule de notation / sous-critères

 

Rappel – très – utile du juge des référés sur la détection d’une OAB par l’acheteur

 

TA Bastia, 12 mars 2024, Communauté d’agglomération de Bastia c/ Société X, n°2400198

Il est ADMYS que l’acheteur ne peut se fonder sur le seul écart de prix avec l’offre concurrente pour estimer que l’offre d’un candidat est anormalement basse.

Dans cette affaire, la Communauté d’agglomération de Bastia a engagé une procédure pour la passation d’un accord-cadre à bons de commande.  

Après analyse des offres, en phase d’attribution, l’acheteur public a informé la Société requérante du rejet de son offre, et de l’attribution du marché à une société concurrente. 

La Société X a demandé, au juge des référés précontractuels, d’annuler la procédure au stade de l’examen des offres.

A l’appui de ses prétentions, elle a estimé que l’offre de la société attributaire était suspecte, et qu’ainsi l’acheteur a méconnu les articles L.2152-6 et R.2152-3 du Code de la commande publique relatifs à la détection d’une offre anormalement basse («OAB»), en ne demandant pas de justificatifs et explications à cette dernière.

Dans un premier temps, la Juridiction administrative rappelle trois principes essentiels et constants :

– principe n°1 selon lequel retenir une offre anormalement basse porte atteinte à l’égalité entre les candidats à l’attribution d’un marché public ;

– principe n°2 selon lequel une offre, pour être qualifiée d’anormalement basse, doit cumulativement comporter des prix bas (sous-évalués), mais surtout, ces derniers doivent être susceptibles compromettre l’exécution du contrat. Le seul prix bas ne pouvant dans ce cas justifier un rejet de l’offre ;

– principe n°3 selon lequel le juge des référés n’opère qu’un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation sur la procédure de traitement d’une OAB organisée par l’acheteur. 

Ensuite, dans un deuxième temps, elle prend le soin de détailler la procédure de traitement d’une offre suspectée d’être anormalement basse (« OAB »), qui procède en quatre phases successives :

1. Détection des offres anormalement basses ;

2. Demande de précisions et explications au candidat ;

3. Vérification et analyse des informations fournies ;

4. Maintien ou rejet de l’offre contrôlée en se fondant sur les informations communiquées.

Enfin, dans un troisième temps, elle revient – pour la préciser – sur la détection d’une OAB. 

Ainsi, le juge des référés confirme, une jurisprudence solidement établie sur ce sujet existe, que l’acheteur ne peut se fonder uniquement sur le seul écart de prix entre les offres concurrentes pour déclarer une offre d’anormalement basse. 

En effet, il convient encore de rechercher si le prix en cause est lui-même manifestement sous-évalué, et susceptible de compromettre la bonne exécution du contrat. 

Pour en déduire, qu’une offre, présentant un écart avec ses concurrentes de plus de 70% n’est pas, sur ce seul indice, considérée comme une offre anormalement basse :

«  la seule circonstance que l’offre de la société [X] était de près de 70 % inférieure à la sienne et de plus de 80 % à celle du troisième candidat ne l’obligeait pas à engager la procédure de suspicion d’offre anormalement basse. La communauté d’agglomération de Bastia a d’autant moins entaché sa décision d’erreur manifeste d’appréciation que l’offre de la société [X] n’était inférieure que de 15 % à son estimation ».

Justice administrative / pouvoir adjudicateur / offre anormalement basse / référé précontractuel / marchés / juge des référés

 

Interdiction de dépasser le montant maximum prévisionnel!

TA Grenoble, 6 mars 2024, Commune du Thyez, n° 2401055

Il est ADMYS qu’une offre qui dépasse le montant maximum d’un accord-cadre est irrégulière.

La commune du Thyez a lancé une procédure de passation d’un marché public de restructuration et d’extension d’un groupe scolaire. Le lot n°1 portait sur l’installation et de location de bâtiments modulaires à usage d’école provisoire.

La société requérante a présenté une offre déclarée irrégulière par la Commune. En effet, les documents de consultation prévoyaient l’installation de 18 classes de 60m2. La requérante a proposé des classes d’une superficie moyenne de 52m2. Même si les dimensions de salle de classe répondent exactement aux recommandations du ministère de l’Education nationale, le Tribunal administratif de Grenoble a confirmé le caractère irrégulier de l’offre de la société évincée. 

Le juge admet cependant d’examiner le référé précontractuel dans la mesure où ” la circonstance que l’offre du concurrent évincé, auteur du référé précontractuel, soit irrégulière ne fait pas obstacle à ce qu’il puisse se prévaloir de l’irrégularité de l’offre de la société attributaire du contrat en litige“.

Les documents de consultation prévoyaient que le montant maximum de l’accord-cadre pour la période initiale de 30 mois était de 1 600 000 euros HT. L’offre de la société attributaire était de 1 933 371 euros HT. Le Tribunal a estimé que l’offre du titulaire pressenti était ainsi irrégulière car inacceptable :

Dès lors qu’en vertu de l’article 1.4 du règlement de la consultation, le dépassement éventuel sur la période initiale de 30 mois ne peut être compensé sur la durée totale d’exécution du marché et que la période de reconduction de 18 mois n’est qu’éventuelle à la date d’appréciation des offres, la commune de Thyez ne peut utilement faire valoir que la circonstance qu’une offre soit supérieure à l’estimation n’est pas, en elle-même, de nature à la rendre irrégulière ou inacceptable et que le montant maximum des prestations de la société X n’excède pas 2 500 000 euros HT sur la totalité de la période (à savoir la période initiale de 30 mois plus la période de reconduction de 18 mois). Il résulte de ce qui vient d’être dit que la commune de Thyez a retenu une offre irrégulière qui ne correspond pas aux exigences fixées par le règlement de la consultation du marché.”

Cette position très rigoriste du Tribunal administratif de Grenoble tranche avec la jurisprudence classique dans ce domaine. En effet, aux termes de l’article L. 2152-3 du Code de la commande publique, une offre est inacceptable lorsqu’elle excède les crédits budgétaires disponibles. Pour le Conseil d’Etat, l’acheteur ne peut pas déclarer un offre inacceptable s’il dispose des crédits budgétaires suffisants. Dans un tel cas, l’offre qui dépasse même largement l’estimation des services ne peut être déclarée inacceptable (CE, 24 juin 2011, n° 346665). 

Référé précontractuel / offre inacceptable / marché public / montant maximum

Illustration de l’office du juge des référés saisi du moyen de défaut d’allotissement

TA Paris, 6 mars 2024, Établissement public Grand paris Aménagement, n° 2403500

Il est ADMYS que dans l’hypothèse où l’acheteur démontre ne pas être en mesure d’assurer les missions d’organisation de pilotage et de coordination, le juge valide l’absence d’allotissement du marché.

 Par un avis de marché public le 16 octobre 2023, l’Établissement public Grand paris Aménagement a lancé un appel d’offre pour un accord-cadre à bon de commande portant sur une mission d’accompagnement à la réalisation de vidéos à but pédagogique.

 L’offre de la société X a été rejetée par courrier du 13 février 2024.

 La société a formé un référé précontractuel à l’encontre de cette procédure de passation, estimant :

–   d’une part, que l’offre retenue était irrégulière ou inacceptable car ses statuts ne faisaient pas apparaitre l’activité de production de films et de programmes pour la télévision ; 

–       et l’autre part que le marché aurait dû être alloti, dans la mesure où le marché compterait des prestations distinctes de réalisation et de production.

 Le juge administratif rejette d’abord le premier moyen estimant que la société attributaire était justement spécifiquement compétente en matière de formation et d’accompagnement à la production audiovisuelle.

Le juge examine ensuite le moyen portant sur le non-respect du principe d’allotissement. Après avoir rappelé son office portant sur l’appréciation de ce manquement dans le cadre d’un référé, le juge observe que les prestations d’accompagnement, d’écriture et de réalisation de vidéos, forment un ensemble indissociable. Il ajoute que, même dans l’hypothèse où ces prestations auraient été dissociables, l’Établissement public Grand paris Aménagement n’était pas en mesure d’assurer lui-même l’organisation, le pilotage et la coordination de ces prestations : 

 « 6. Saisi d’un moyen tiré de l’irrégularité de la décision de ne pas allotir un marché, il appartient au juge du référé précontractuel de déterminer si l’analyse à laquelle le pouvoir adjudicateur a procédé et les justifications qu’il fournit sont, eu égard à la marge d’appréciation dont il dispose pour décider de ne pas allotir lorsque la dévolution en lots séparés présente l’un des inconvénients que les dispositions précitées mentionnent, entachées d’appréciations erronées.

Il résulte de l’instruction que les prestations attendues, qui, ainsi qu’il a été dit au point 4 consistent, d’une part, en l’accompagnement de l’établissement public Grand Paris Aménagement dans la définition des différents formats de vidéos à réaliser selon les objectifs recherchés à travers notamment un conseil éditorial pour aboutir à une architecture globale des vidéos à réaliser, et, d’autre part, en l’écriture des scénarios pédagogiques et le pilotage de la réalisation de trois vidéos, forment un ensemble indissociable. Au surplus, à supposer que l’objet du marché puisse être interprété comme définissant deux prestations distinctes, l’une de production, l’autre de réalisation, il résulte des précisions apportées par l’établissement public Grand Paris Aménagement à l’audience, non utilement contredites par la société requérante, que le pouvoir adjudicateur ne serait pas en mesure d’assurer lui-même les missions d’organisation, de pilotage et de coordination de ces deux prestations. Ainsi, le moyen tiré du défaut d’allotissement doit être écarté. »

 Le principe d’allotissement ne doit pas avoir pour effet de rendre plus difficile, plus technique ou plus coûteuse l’exécution du marché. Saisi d’un manquement au principe d’allotissement, le juge analyse les justifications de droit et de faits soulevés par l’acheteur.

allotissement / marché public / office du juge / référé précontractuel

Pas de droit à l’oubli en matière d’OAB!

TA Cergy-Pontoise, 4 mars 2024, Département du Val d’Oise, n°2401687

Il est ADMYS que les modalités d’exécution du précédent marché d’un soumissionnaire (sur le volet financier et technique) peuvent être prises en compte par le juge pour caractériser une OAB.

En l’espèce, le département du Val-d’Oise a lancé un appel d’offres ouvert en vue de l’attribution d’un marché, sous la forme d’accord-cadre à bons de commande ayant pour objet la réalisation de prestations de déménagement pour les besoins de la collectivité. A l’issue de la procédure, le département du Val-d’Oise a informé l’exposante, par courrier du 29 novembre 2023, qu’il suspectait son offre de prix d’être anormalement basse, et lui a demandé de justifier ses prix, notamment ceux indiqués dans le détail quantitatif estimatif (DQE), de confirmer que le contenu des prestations effectuées correspondait aux éléments décrits dans le cahier des clauses techniques particulières (CCTP), et que son offre financière initiale n’était pas de nature à mettre en péril l’exécution du marché. 

Par lettre du 5 décembre 2023, le candidat suspecté d’OAB a adressé une décomposition de ses prix visant à démontrer que son offre avait une réalité économique. 

Le pouvoir adjudicateur a cependant estimé que la réponse apportée à sa demande ne justifiait pas de manière satisfaisante le bas niveau du prix ou des coûts proposés, et a déclaré l’offre de la requérante anormalement basse en vertu des dispositions de l’article R. 2152-4 du code de la commande publique.

La société évincée a demandé au juge des référés d’annuler la décision attaquée. Ce dernier a rejeté sa requête de la manière suivante, sur la question de l’OAB :

“11. En l’espèce, l’offre de la société X était inférieure de 20,64 % à l’estimation réalisée par le pouvoir adjudicateur, de 45,77 % inférieur à la moyenne de l’ensemble des autres offres et de 41,30 % à la moyenne des autres offres après exclusion de l’offre la moins disante et de celle la plus élevée. Si la société requérante soutient, sans plus de justifications, que cette baisse s’explique par l’amortissement des véhicules utilisés par le marché, elle n’apporte toujours aucune explication au prix proposé d’une demi-journée de « Chef d’équipe, coordinateur », inférieur de 51,96 % à la moyenne de toutes les offres et de 51,49 % à la moyenne des autres offres après neutralisation de la plus chère et de la moins chère pas plus qu’au prix d’une demi-journée de « Déménageur, emballeur, monteur », inférieur de 45,63 % à la moyenne de toutes les offres et de 46,64 % à la moyenne des autres offres après neutralisation de la plus chère et de la moins chère. Les éléments produits par la société requérante en réponse à la demande d’explication, du 29 novembre 2023, du département du Val-d’Oise par plus que les pièces communiquées par mémoire distinct et couvertes par le secret des affaires ne permettent de justifier que les prix proposés n’étaient pas manifestement sous-évalués.

12. Il est par ailleurs constant que le montant total du DQE remis en 2023 par la société requérante était inférieur de 8,75 % à celui remis en 2019 qui lui avait permis d’emporter le marché précédent, pour des quantités identiques, ce malgré l’augmentation générale des prix. Or, il résulte de l’instruction, et notamment d’un courriel adressé par le département à la requérante le 26 août 2022, que la société avait déjà eu des difficultés à affecter des moyens humains et matériels suffisant pour assurer la bonne exécution du précédent marché.”

 Référé précontractuel / marché public / offre anormalement basse

Février 2024

Appréciation stricte de la lésion même en cas d’expiration du délai de validité des offres 

TA de Martinique, 29 février 2024, Société X c. Martinique Transport, n°2400120

Il est ADMYS que le dépassement du délai de validité des offres est constitutif d’un manquement aux règles de publicité et mise en concurrence, sans nécessairement léser les candidats évincés. 

 Dans cette affaire, l’établissement public Martinique Transport a lancé une consultation pour un accord-cadre à bons de commandes. Le règlement de la consultation fixait le délai de validité des offres à cent-vingt jours, soit jusqu’au 15 octobre 2023. 

 A la suite d’une première annulation de la procédure par le juge des référés, Martinique Transport a repris l’analyse des offres le 19 décembre 2023 et rejeté de nouveau l’offre du groupement de la Société X initialement évincé. C’est dans ces circonstances que le groupement a saisi une seconde fois le juge des référés précontractuels, en invoquant notamment le dépassement du délai de validité des offres. 

Dans son ordonnance, le juge reconnaît la possibilité de soulever un tel moyen dès lors qu’il est constitutif d’un manquement aux règles de publicité et de mise en concurrence. 

 Toutefois, de manière étonnante et malgré le dépassement du délai, le juge considère ici que les sociétés membres du groupement ne sont pas lésées par ce manquement : 

 « 5. En l’espèce, le délai de validité des offres a été fixé par l’article 2.3 du règlement de la consultation à cent-vingt jours à compter du 15 juin 2023, date limite de réception des offres. Ce délai expirait donc le 15 octobre 2023. L’examen des offres a cependant été effectué le 19 décembre 2023. Toutefois, en se bornant à soutenir notamment que l’application numérique GEROBA qui était intégrée dans l’offre du groupement, a été finaliste dans la catégorie de l’innovation territoriale au salon des maires en novembre 2023 et que la société attributaire a déclaré, en décembre 2023, compter six salariés alors qu’elle a déclaré mobiliser treize salariés pour le marché, les requérantes n’établissent pas en quoi le retard dans le choix du candidat aurait eu des incidences sur la présentation de leur offre et le choix de l’attributaire et qu’elles auraient été lésées. Elles n’établissent pas davantage, en se bornant à soutenir que l’inflation est passée de 6,3 % à 3,7 % en décembre 2023, que serait intervenu dans ce laps de temps un changement dans les conditions de la concurrence ou dans les conditions prévisibles d’exécution du contrat tel que ce manquement aux règles de mise en concurrence aurait été susceptible de les léser. Dès lors, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que Martinique Transport a porté atteinte au principe d’égalité de traitement des candidats et aux obligations de publicité et de mise en concurrence en retenant l’offre de la société X postérieurement à la date de validité des offres. ». 

Référé précontractuel / marché public / délai de validité des offres / lésion

 

L’insuffisance des qualifications techniques du candidat justifie l’irrégularité de sa candidatures

TA de Caen, 28 février 2024, SARL X, n°2400341

Il est ADMYS qu’au titre des article L. 2152-1, R. 2144-1 et R. 2144-7 du Code de la commande publique, le pouvoir adjudicateur doit écarter comme irrégulière la candidature d’un candidat ne présentant pas les caractéristiques attendues dans le règlement de la consultation, pourvu que ces renseignements soient objectivement nécessaires au regard de l’objet du marché et de la nature des prestations à réaliser. 

En l’espèce, la Commune de Luc-sur-Mer a lancé un appel d’offres ouvert pour désigner le futur maître d’oeuvre de l’aménagement de son front de mer. L’offre de la Société X au titre du lot n°1 a été rejetée. Consacré à la « maîtrise d’oeuvre d’espaces publics », le règlement de la consultation concernant le lot n°1 prévoyait la réalisation d’un ponton permettant la jonction entre deux promenades ainsi que la construction d’un belvédère sur les falaises, à raccorder à d’autres ouvrages environnants. Les candidats visés étaient donc ceux qui disposaient d’un niveau élevé de compétences techniques en matière de construction d’ouvrages d’art, qu’ils étaient invités à détailler à l’appui de leur candidatures. 

En premier lieu, le juge du référé pré-contractuel, qui opère un contrôle de la pertinence et du niveau d’exigence des critères annoncés, a considéré que « le niveau de capacité exigé par le pouvoir adjudicateur à l’appui des candidatures et mentionné dans le règlement de consultation, ainsi qu’exposé au point 4, n’était pas manifestement disproportionné au regard de l’objet du marché et de la nature des prestations à réaliser ».

Il a ensuite considéré que la candidature de la Société X ne justifiait pas de la compétence technique attendue dans les documents du marché :

« 7. D’autre part, il est constant qu’à l’appui de son dossier de candidature, la société X n’a justifié que de l’exécution de prestations d’aménagement paysager en qualité de paysagiste concepteur. Si elle a candidaté en co-traitance avec le cabinet Z, qu’elle présente comme ayant effectué des prestations dans le domaine des réseaux et voiries et en matière d’ouvrage d’art, elle n’a justifié dans son offre que de la qualité d’ingénieur en génie de l’eau et génie civil de Mme B, appelée à l’accompagner pour la réalisation de ce marché, sans produire aucune des références mentionnées par l’article 5 précité du règlement de consultation au titre des compétences techniques requises en matière de construction d’un ouvrage d’art, lesquelles ne ressortent pas davantage des éléments du curriculum vitae de Mme B. Enfin, si la société requérante se prévaut, à l’appui de sa requête, de la réalisation d’une passerelle à Palaiseau, il résulte de l’instruction qu’elle n’est intervenue dans la réalisation de cet ouvrage qu’en qualité de mandataire et ne justifie aucunement des compétences mises en œuvre pour ce projet dont elle ne précise pas davantage les caractéristiques techniques ».

Ainsi, la candidature présentée ne respectait pas les compétences techniques attendues. C’est donc à bon droit que le pouvoir adjudicateur l’a rejetée pour irrégularité.

 

Marché public / candidature irrégulière / offre irrégulière / critères / candidature / compétences techniques / espaces verts

Un devis n’est pas un prix!

TA Paris, 28 février 2024, France Travail, n°2403217

Il est ADMYS que le renvoi à un devis ne saurait constituer un prix aux termes du BPU / DQE d’une procédure de passation d’un marché public.

En l’espèce, l’établissement public administratif France Travail a lancé une procédure d’appel d’offres ouvert en vue de l’attribution d’un accord cadre relatif à des prestations de déménagement au bénéfice de ses collaborateurs dans le cadre de leur mobilité interne. 

Ce marché était décomposé en deux lots (lot n°1 « Prestations de déménagement des collaborateurs de pôle emploi dans le cadre de leur mobilité interne intra France métropolitaine et Corse» ; lot n°2 « prestations de déménagement des collaborateurs de pôle emploi dans le cadre de leur mobilité interne de, vers ou intra DOM/ROM).

Dans le cadre de l’analyse des offres dudit marché, l’un des soumissionnaire a vu son offre déclarée irrégulière au motif que l’une des ligne du BPU / DQE n’avait pas été complétée conformément au cahier des charges. 

L’article 4.1 du contrat stipulait que : «L’accord cadre est conclu aux prix de positionnement (prix plafonds) exprimés en euros HT, figurants au(x) bordereau(x) des prix de l’accord-cadre. Les prix proposés par les titulaires dans le(s) bordereau(x) des prix de l’accord-cadre, représentent donc des prix plafonds ne pouvant être dépassés dans les propositions réalisées pour les marchés subséquents ».

Le soumissionnaire évincé avait indiqué, à la ligne 73 du BPU intitulée “poids lourds supérieurs à 300 kg” la mention “selon poids (sur devis)”.

Le juge a rejeté la requête du candidat évincé au regard de la motivation qui suit :

« 5. Il ressort des pièces soumises au juge des référés que la ligne n°73 « déménagement charges lourdes. Poids lourds supérieurs à 300 kg » de la rubrique « Hors vérification de la charge au sol » des bordereaux des prix unitaires (BPU) pour les lots n°1 et n°2 remplis par la société requérante, ne renseigne pas un prix plafond mais fait référence à l’établissement d’un devis selon le poids. A cet égard, la mention à la ligne n°73 « si accès complexe DEVIS » ne concerne que le déménagement des pianos droit et des pianos à queue et non les poids lourds supérieurs à 300 kg. Ainsi, l’offre de la société requérante est incomplète pour les lots n°1 et n°2, sans qu’elle puisse utilement faire valoir que la procédure en cause est similaire à celle menée en 2019, à l’issue de laquelle ses offres avaient été retenues malgré une mention semblable, ni que ledit prix n’était pas déterminable dès lors qu’il s’agissait d’indiquer un prix plafond. Par ailleurs, aucune obligation ne pèse sur le pouvoir adjudicateur d’inviter un candidat à régulariser son offre en application de l’article R. 2152-2 du code de la commande publique. »

Offre irrégulière / BPU / devis / prix plafonds / détermination du prix / marché précédent

 

Indépendance des critères de notation des offres

TA Martinique, 28 févr. 2024, Collège Georges Elisabeth, n° 2400123

 Il est ADMYS qu’ aucun texte n’impose que l’acheteur attribue la note maximale à la meilleure offre sur chaque critère de sa procédure.

En l’espèce, le Collège Georges Elisabeth situé sur la commune de RivièreSalée en Martinique avait lancé une procédure de consultation en vue de la conclusion d’un accord-cadre portant sur la fourniture et la livraison de repas en liaison chaude. Le critère du prix du repas était pondéré à 30% et le critère de la valeur technique, comprenant quatre sous-critères, était pondéré à 70%. 

La société requérante considère que le Collège a surpondéré le critère relatif au prix en attribuant la note de 10/10 à la société attributaire. En effet, la requérante n’a pas obtenu les notes de 10/10 sur les sous-critères relatifs à la valeur technique alors qu’elle présentait des meilleures offres que la société attributaire. 

Pour le juge administratif, “aucune disposition, ni la fiche technique de la direction des affaires juridiques sur les méthodes de notation du critère prix dans les marchés publics, qui n’a pas de valeur juridique contraignante, ne fait obstacle à ce que le pouvoir adjudicateur attribue la note maximale de 10 à l’offre la moins disante. Par ailleurs, aucune disposition n’oblige le pouvoir adjudicateur à attribuer la note maximale à la meilleure offre sur chaque critère. A cet égard, il ne résulte pas de l’instruction que cette méthode de notation aurait désavantagée la société KWI 2.0.“.

référé précontractuel / critères / méthode de notation / note maximale

Inutile de demander au juge des référés précontractuels de se prononcer sur l’appréciation de la valeur des offres concurrentes tendant à l’obtention d’un marché public, ce n’est pas son office !

TA Châlons-en-Champagne, 13 févr. 2024, Université de Technologie de Troyes c/ SAS X, n°2400215

 Il est ADMYS qu’il n’appartient pas au juge du référé précontractuel de se prononcer sur l’appréciation portée sur la valeur d’une offre ou les mérites respectifs des différentes offres. 

Dans cette affaire, l’Université de Technologie de Troyes (« UTT ») a engagé une procédure de passation formalisée en octobre 2023 pour l’attribution d’un marché public de services. Après analyse des offres, en phase d’attribution, l’acheteur public a informé la Société SAS X, requérante en l’espèce, du rejet de son offre et de l’attribution du marché à une société concurrente. 

La Société a demandé au juge des référés précontractuels d’annuler la procédure et d’enjoindre à l’UTT de reprendre la procédure au stade de l’examen des offres. A l’appui de ses prétentions, elle ne s’est bornée qu’à invoquer des moyens tenant à contester l’appréciation de son offre par le pouvoir adjudicateur. 

Or, la juridiction administrative rappelle un principe dégagé par le Conseil d’État selon lequel il n’entre pas dans l’office du juge des référés précontractuels de se prononcer sur l’appréciation portée sur la valeur d’une offre ou les mérites respectifs des différentes offres (CE, 25 mai 2018, n°417428). Néanmoins, le juge des référés, lorsqu’il est saisi de moyens en ce sens, doit vérifier que le pouvoir adjudicateur n’a pas dénaturé le contenu d’une offre en en méconnaissant ou en en altérant manifestement les termes de l’offre, en méconnaissance du principe fondamental d’égalité de traitement des candidats. 

Ainsi, reprenant cette ligne jurisprudentielle bien balisée, le Tribunal administratif a estimé que : « 5. Il n’appartient pas au juge du référé précontractuel, qui doit seulement se prononcer sur le respect, par le pouvoir adjudicateur, des obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation d’un contrat, de se prononcer sur l’appréciation portée sur la valeur d’une offre ou les mérites respectifs des différentes offres. Il lui appartient, en revanche, lorsqu’il est saisi d’un moyen en ce sens, de vérifier que le pouvoir adjudicateur n’a pas dénaturé le contenu d’une offre en en méconnaissant ou en en altérant manifestement les termes et procédé ainsi à la sélection de l’attributaire du contrat en méconnaissance du principe fondamental d’égalité de traitement des candidats».

Justice administrative / pouvoir adjudicateur / offre / critère /référé précontractuel/ marchés 

 

Offres anormalement basses : attention à justifier le rejet du candidat par des termes de comparaison et non par une simple estimation !

TA Bastia, 23 févr. 2024, Commune d’Ajaccio, n° 2400123

 Il est ADMYS que les acheteurs doivent vérifier que les offres qui leur sont remises ne sont pas anormalement basses, c’est-à-dire qu’ils ne doivent pas retenir les offres « dont le prix est manifestement sous-évalué et de nature à compromettre la bonne exécution du marché » (article L. 2152-5 du Code de la commande publique), et ce afin de se protéger d’offres financièrement séduisantes mais dont la robustesse ne pourrait pas être assurée.

En l’espèce, la Commune d’Ajaccio avait lancé une procédure d’appel d’offres ouvert pour un accord-cadre d’études de missions foncières, relevés topographiques et prestations associées. La société requérante avait répondu à l’appel d’offres et proposé des prix très compétitifs, en dessous du prix estimé par la Commune. Dans ce contexte, la Commune avait, au regard de l’offre ainsi présentée, lancé une procédure de suspicion d’offre anormalement basse en adressant un courrier invitant la candidate à présenter toutes les justifications nécessaires portant sur neuf prix indiqués sur les lignes de son BPU. Au terme du processus, la société candidate s’était vue rejeter son offre en tant qu’elle était notamment anormalement basse.

Saisi d’un recours contre le rejet des offres de la société requérante, le juge des référés précontractuels annule la procédure en considérant que « pour justifier du caractère anormalement bas des prix proposés (…) la commune d’Ajaccio n’apporte aucun élément concernant le prix qu’elle estime normal. La seule circonstance alléguée selon laquelle l’offre globale de la société requérante pour le lot n° 2 était de 15 693,75 euros tandis que l’estimation faite par la commune d’Ajaccio, au demeurant non justifiée, était de 27 088,50 euros ne saurait d’autant moins établir que cette offre était anormalement basse qu’il résulte de l’instruction que le chiffrage de l’offre de la société requérante a été faite par la simple addition des 88 prix proposés dans son BPU. En outre les explications de la société requérante (…) apparaissent d’autant plus crédibles que les contre-arguments soulevés par la commune d’Ajaccio (…) ne sont pas étayés et que la commune ne donne aucun point de comparaison entre les prix proposés par la SARL X et associés et les prix du marché. »

Référé précontractuel / offre anormalement basse / estimation / prix / BPU

 

Attention à la qualification de marché public «  de droit privé »  !

TA Paris, 22 févr. 2024, Société Wemaintain c/ Société X, n° 2327354

 Il est ADMYS que le référé précontractuel à l’encontre d’un contrat passé par une personne privée soumis au code de la commande publique relève du juge judiciaire.

En l’espèce, la  société X avait lancé un marché de maintenance d’ascenseurs et accord cadre de travaux avec services. Un candidat évincé de la procédure de passation avait saisi le juge administratif, dans le cadre d’un référé précontractuel, soutenant que la procédure était irrégulière.

Le juge saisi de cette demande rappelle, tout d’abord, que les contrats passés en application du code de la commande publique sont susceptibles de donner lieu à une procédure de référé précontractuel, qui selon, revêtent ou non un caractère administratif ou privé.

Or, bien que soumise aux dispositions du code de la commande publique, la société CDC Habitat est une personne morale de droit privée. Le juge relève également que la société X agit en l’espèce, pour son propre compte, et non en tant que mandataire pour le compte d’une personne publique. 

Le marché en question constitue donc un contrat privé de la commande publique, aussi appelé marché public « de droit privé ». Le recours à l’encontre de sa procédure de passation relève ainsi, en vertu de l’ordonnance du 7 mai 2009, du juge judiciaire : 

 “5. Il résulte de l’instruction que la procédure contestée, dont la société requérante demande l’annulation, a été lancée par la société X. Ainsi, le pouvoir adjudicateur à l’origine de la procédure ici contestée est une personne morale de droit privé et se trouve soumis, pour les marchés qu’il passe, aux dispositions du code de la commande publique. Les prestations en cause, pour l’attribution desquels la consultation a été lancée seront réalisés pour le seul compte de la société X qui n’a pas agi comme un mandataire pour le compte d’une personne publique. Par suite, la contestation relative à la procédure en cause, qui oppose deux personnes morales de droit privé au sujet de la conclusion d’un contrat de droit privé, n’entre pas dans le champ d’application matériel de l’article L. 551-1 du code de justice administrative. En application des dispositions de l’article 2 de l’ordonnance du 7 mai 2009, mentionnées au point 4, le contentieux de la passation de ces contrats en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence ne relève pas de la compétence du juge administratif, mais de celle du juge judiciaire, devant qui est instituée une procédure en application des dispositions des articles 1441-1 et suivants du code de procédure civile, équivalente à celle prévue par les articles L. 551-1 et suivants du code de justice administrative. Les conclusions présentées par la société Wemaintain sur le fondement des articles L. 551-1 et suivants du code de justice administrative doivent, dès lors, être rejetées comme présentées devant une juridiction incompétente pour en connaître. » 

Les entreprises qui souhaiteraient former un référé précontractuel à l’encontre d’une procédure de mise en concurrence, devront ainsi être être particulièrement vigilantes quant à la qualification du contrat, afin de connaitre la juridiction compétente.

Compétence / juge judiciaire / contrat privé de la commande publique / acheteur privé de la commande publique / marché public de droit privé

 

Le pouvoir adjudicateur qui effectue une recherche sur le site internet du soumissionnaire ne manque pas à ses obligations de mise en concurrence

TA Marseille, 19 févr. 2024, Ville de Marseille, n° 2400886

Il est ADMYS que  le pouvoir adjudicateur peut effectuer une recherche sur le site internet du soumissionnaire sans manquer à ses obligations de mise en concurrence. Cette démarche ne saurait toutefois être qualifiée de régularisation au sens du Code de la commande publique.

Par un avis d’appel public à la concurrence publié le 13 octobre 2023, la ville de Marseille, coordonnateur d’un groupement de commandes constitué avec la Métropole Aix-Marseille-Provence, a engagé la procédure de passation d’un accord-cadre à bons de commande portant sur l’exploitation, le maintien, la rénovation et l’extension de l’éclairage public sur le territoire de la commune de Marseille. 

La société X s’est vue notifier le rejet pour irrégularité de son offre en tant que cette dernière était incomplète. Elle sollicite l’annulation de la procédure de passation de ce marché.

Par une décision intéressante, le juge des référés du Tribunal administratif de Marseille rappelle en premier lieu que la régularisation des offres qui ne respectent pas les exigences des documents de la consultation est facultative et non obligatoire pour le pouvoir adjudicateur.

Il ajoute également qu’un pouvoir adjudicateur ne manque pas à ses obligation de mise en concurrence en effectuant des recherches sur les références et fiches techniques des matériels proposés mais non produits dans l’offre du soumissionnaire. Il indique toutefois qu’une telle recherche ne saurait être qualifiée de régularisation au sens des dispositions de l’article R. 2152-2 du code de la commande publique :

“22. Il résulte de la décision rejetant l’offre de la société X comme irrégulière que le pouvoir adjudicateur a procédé à la recherche sur le site des fournisseurs des fiches techniques non produites des matériels indiqués dans l’offre. Cette circonstance, d’une part, n’est pas de nature à faire regarder cette démarche comme une régularisation au sens des dispositions de l’article R. 2152-2 du code de la commande publique, d’autre part, n’a pas été susceptible de léser la société requérante, dès lors qu’elle n’a pas eu ni pour objet ni pour effet de la désavantager. Par suite, le pouvoir adjudicateur n’a pas manqué à ses obligations de mise en concurrence en effectuant des recherches sur les références et fiches techniques des matériels proposés mais non produits dans l’offre.”

En définitive, il semble résulter de cette jurisprudence que le pouvoir adjudicateur est autorisé à effectuer ses propres recherches sur le site Internet d’un soumissionnaire en vue, le cas échéant, d’inviter ce dernier à régulariser son offre incomplète.

Marché public / offre irrégulière / régularisation / offre incomplète

 

Sans l’intervention d’un avocat, le risque de voir sa requête introductive d’instance déclarée irrecevable est réel ! 

TA Pau, 16 févr. 2024, Commune de Linxe c/ Société X, n°2400402

Il est ADMYS qu’une requête, en référé précontractuel, ne comportant aucune conclusion, ni aucun moyen précis doit être déclarée irrecevable sur le fondement de l’article L.522-3 du code de justice administrative («CAJ»).

Dans cette affaire, la Commune de Linxe a engagé une procédure de passation pour l’attribution d’un marché public ; procédure durant laquelle l’offre présentée par la Société requérante a été rejetée car jugée anormalement basse. 

Dans ce contexte, la Société a contesté ce rejet devant le Tribunal compétent, sans représentation par un avocat. 

En conséquence, la requête introductive d’instance s’est bornée à rappeler la chronologie des faits et à présenter succinctement les démarches effectuées par la Société auprès de l’Administration, sans préciser les manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence sur lesquels elle fonde son recours contentieux.

Ainsi, le Tribunal administratif a estimé que la requête est irrecevable, la rejetant en application de l’article L.522-3 du CJA :

« Cette requête, ainsi présentée, qui ne comporte aucune conclusion recevable au sens des dispositions de l’article L.551-1 du code de justice administrative, et ne présente à l’appui de sa demande en référé précontractuel aucun moyen précis qui serait relatif à un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés publics, est irrecevable et ne peut, dès lors, qu’être rejetée par application des dispositions de l’article L.522-3 du code de justice administrative ».

Marché public / référé précontractuel / irrecevabilité / requête / représentation des parties

 

Pas d’irrégularité de procédure ni de lésion en cas d’erreur dans l’intitulé de la procédure suivie

TA Clermont-Ferrand, 16 fév. 2024, Communauté d’agglomération de Vichy Communauté, n°2400168

Il est ADMYS que  l’erreur commise par l’acheteur dans l’intitulé de la procédure, dès lors que les documents de la consultation visent la bonne procédure, n’est pas de nature à entacher d’irrégularité la procédure ni à léser le concurrent évincé. 

 Dans cette affaire, la communauté d’agglomération de Vichy Communauté a relancé à deux reprises une consultation pour un marché public ayant pour objet la requalification d’une avenue dont le lot n°4 « Maçonnerie-étanchéité-faïences » a été déclaré infructueux. Finalement, le lot a été attribué le 18 décembre 2023 à l’issue de la troisième procédure. 

 Concernant la procédure retenue par la Communauté d’agglomération dans les documents de la consultation, il s’agissait d’une procédure adaptée ouverte. Toutefois, selon l’avis publié sur la plateforme « Achat public » la procédure suivie s’intitulait « procédure de demande de devis ». 

 Dans son ordonnance, le juge des référés a considéré que cette circonstance n’était pas de nature à constituer une irrégularité de la procédure ni à léser la société requérante : 

« il résulte de l’ensemble des pièces du dossier de consultation des entreprises, en particulier du règlement de la consultation précitée, que la procédure utilisée a été la procédure de consultation ouverte. Aucun devis n’a été demandé par la communauté d’agglomération Vichy Communauté dans le cadre de la procédure de passation en litige et tous les candidats ont présenté une offre conforme au règlement de consultation. Dès lors, l’erreur portant sur l’intitulé de la procédure suivie sur la plateforme « Achat public » n’a pas été, au regard des mentions par ailleurs concordantes des autres pièces du marché indiquant que la procédure suivie était la procédure adaptée, de nature à entacher d’irrégularité la procédure et, en tout état de cause, à léser la société requérante. ». 

Marché public / consultation ouverte / intitulé / règlement de la consultation / référé précontractuel

Un écart de 26% ne caractérise pas nécessairement une offre anormalement basse

TA Nancy, 15 févr. 2024, Métropole du Grand Nancy, n° 2400285

Il est ADMYS que l’offre anormalement basse est une offre dont le prix est manifestement sous-évalué et de nature à compromettre la bonne exécution du marché . Cependant, le juge considère que le seul écart de prix entre l’offre de la Société attributaire et l’offre de la Société requérante ne suffit pas à caractériser une offre anormalement basse, alors même que cet écart serait, comme en l’espèce, de 27%.

“8. La société X soutient que l’offre de la société attributaire, d’un montant de 888 900 euros, était anormalement basse et que la métropole du Grand Nancy aurait dû, sur le fondement des dispositions précitées, l’inviter à lui communiquer des précisions et justifications sur le montant de son offre. Toutefois, si le prix de l’offre de la société attributaire est inférieur de 26 % à celui de la société requérante (1 201 707,20 euros), cette circonstance ne caractérise pas par elle-même une offre anormalement basse. “

Ainsi, il appartient au requérant de démontrer qu’outre l’écart de prix, le montant de l’offre de la société attributaire compromettrait la bonne exécution du marché, démonstration qui faisait défaut au cas présent.  

Marché public / offre anormalement basse

Une candidature n’est pas irrecevable lorsque l’acheteur dispose de tous les éléments exigés pour apprécier les compétences de la société  

TA Marseille, 21 févr. 2024, Métropole Aix-Marseille-Provence, n° 2401152

Il est ADMYS que l’acheteur ne peut pas écarter une candidature comme étant « irrecevable » lorsque la société a fourni l’ensemble des documents complémentaires permettant à l’acheteur d’apprécier ses «  références techniques équivalentes » exigées par le règlement de consultation.

En l’espèce, la Métropole Aix-Marseille-Provence avait lancé une procédure de passation d’un accord cadre multi-attributaire pour la réalisation d’aménagement, de réparation, d’entretien et de rénovation de bâtiment et ouvrages sur divers sites. Le lot 7 concernait les travaux «   Voiries, VRD zone ouest ». 

Le règlement de consultation du marché prévoyait, en son article 8.1 que « chaque candidat devait produire dans le dossier de candidature la qualification Qualibat ou des références équivalentes concernant le domaine « 1331-Poteaux et clôtures » ». N’ayant pas fourni, dans son dossier de candidature, le justificatif de qualification « Qualibat 1331 » ou de références techniques équivalentes, la société requérante avait reçu de la part de l’acheteur une demande de régularisation.

La société avait ainsi adressé des pièces complémentaires concernant des attestations de la qualité du travail réalisé dans plusieurs chantiers comprenant la pose de poteaux et de grillages et la mise en forme de terrains destinés à la pose de grillage, pour des valeurs comprises entre 9 000 et 50 000 euros.

Après avoir rappelé que le règlement de consultation s’imposait aux candidats dans toutes ses mentions, le juge des référés a relevé que, étant donné que les travaux de pose de grillage à réaliser dans le cadre du marché étaient évalués à environ 1 500 euros et concernaient uniquement l’entretien de clôtures existantes, la Métropole ne pouvait valablement soutenir que les documents fournis ne lui avaient pas permis d’apprécier les références techniques de l’entreprise : 

«  5. D’une part, le règlement de la consultation d’un marché étant obligatoire dans toutes ses mentions, le pouvoir adjudicateur ne peut attribuer un marché à un candidat qui ne respecte pas une de ses prescriptions et doit éliminer, conformément aux dispositions précitées de l’article L. 2152-1 du code de la commande publique, les candidatures qui ne comportent pas toutes les pièces ou renseignements requis par les documents de la consultation et sont, pour ce motif, irrecevables. Dès lors la seule circonstance que l’objet principal du lot concerne la réalisation des voies et des VRD et que la dénomination du lot n’inclut pas les clôtures et les poteaux n’a pas pour effet de dispenser le candidat de respecter les prescriptions du règlement de la consultation, relatives aux clôtures et poteaux.

6. D’autre part, il est constant que la société X n’a pas fourni, dans son dossier de candidature déposé le 1er juin 2023, de justification de la qualification Qualibat 1331 ou de références techniques équivalentes. Après avoir reçu une demande de régularisation concernant la qualification Qualibat, la société a répondu en adressant des pièces complémentaires concernant des attestations de la qualité du travail réalisé dans plusieurs chantiers comprenant la pose de poteaux et de grillages et la mise en forme de terrains destinés à la pose de grillage, pour des valeurs comprises entre 9 000 euros et 50 000 euros. Compte tenu de la consistance des travaux de pose de grillage à réaliser, évalués par l’offre de l’entreprise à environ 1 500 euros, qui concernent l’entretien de clôtures existantes par le changement ponctuel de 2 mètres carrés de grillage, la métropole ne pouvait pas estimer sans erreur manifeste d’appréciation que les documents versés par l’entreprise ne permettaient pas d’apprécier suffisamment les références techniques de l’entreprise pour la qualification correspondant à la pose de grillage. 

7. Par suite, la métropole d’Aix-Marseille-Provence ne pouvait pas, sans porter atteinte aux règles de publicité et de mise en concurrence, écarter la candidature de la société X, au motif qu’elle était irrecevable au sens de l’article R. 2144-7 du code de la commande publique, ladite société ayant été lésée par ce manquement. » 

 Marché public / irrecevabilité / candidature / références techniques équivalentes

Pas de mise en concurrence nécessaire pour la réalisation d’une statue de Jeanne d’Arc

TA Nice, 23 février 2024, Préfet des Alpes-Maritimes c. Régie Parc d’Azur, n°24000418

Il est ADMYS que l’acquisition ou la création d’une oeuvre d’art peut faire l’objet d’un marché passé sans publicité ni mise en concurrence.

En l’espèce, la Régie Parc Azurs de la Métropole Nice Côte d’Azur avait signé un marché public pour la conception et la réalisation d’une statue de Jeanne d’Arc dans le cadre de l’aménagement de surface d’un parc de stationnement. Le Préfet des Alpes-Maritimes a déféré le marché au tribunal administratif au motif que la Régie aurait dû procéder à la constitution préalable d’un comité artistique. Il estimait par ailleurs que la Régie n’avait pas suffisamment justifié l’absence de publicité et de mise en concurrence préalable à la conclusion du marché et que les négociations de prix menées avec l’unique candidat étaient fictives.

Ces considérations ont été rejetées par le juge administratif  car “au regard de la nature de l’œuvre commandée, la régie « Parcs d’Azur » justifie, en l’état de la présente procédure, d’une part qu’elle ne pouvait être confiée qu’à un opérateur économique unique, l’atelier Missor, pour des raisons artistiques et techniques tenant à son caractère propre, et, d’autre part, que le marché a été régulièrement passé en suivant la procédure de l’article R.2122-3 du code de la commande publique qui permet de contracter sans publicité ni mise en concurrence pour l’acquisition ou la création d’une œuvre d’art. Il résulte en l’état de l’instruction que les moyens tirés de la méconnaissance de l’article R.2172-7 du code de la commande publique, de l’absence de motivation suffisante du recours à une procédure sans publicité ni mise en concurrence et du caractère fictif de la négociation avec l’attributaire n’apparaissent pas propres à créer un doute sérieux quant à la légalité du marché litigieux.”

Marché public / déféré préfectoral / ni ni / oeuvre d’art / opérateur unique

 

Complétude du rapport d’analyse des offres même en l’absence de détail sur toutes les caractéristiques de l’offre retenue 

TA Orléans, 19 février 2024, Société X c. PETR Beauce Gâtinais en Pithiverais, n°2400273 

Il est ADMYS que le règlement de la consultation doit préciser les critères de jugement des offres et qu’il revêt un caractère contraignant pour le pouvoir adjudicateur qui entend s’y soumettre pour procéder à l’analyse des offres (article R. 2152-7 du CCP notamment). 

En l’espèce, le Pôle d’Equilibre territorial et Rural Beauce Gâtinais Pithiverais avait prévu deux critères au sein du règlement de la consultation portant sur un marché public d’études et d’analyses hydrauliques et environnementales : un critère portant sur le prix et un critère relatif à la valeur technique. Pour ce second critère, deux sous-critères avaient été annoncés. Pour le candidat évincé , la mise en oeuvre de ces critères lors du jugement des offres aurait révélé une imprécision du règlement de la consultation, qui in fine l’aurait lésé en aboutissant au classement de son offre en deuxième position. Par ailleurs, la société requérante soutenait que le rapport d’analyse des offres (RAO) était incomplet. En effet, la qualité des offres est appréciée par l’usage de signe “++ “ ou ”+++ “, ou de points forts et points faibles, sans aucune précision sur les attentes de la collectivité ou une autre référence à une pondération ou une hiérarchisation.  

Le juge ne s’est pourtant pas rangé à cet avis et a considéré que le RAO était complet même s’il ne mentionnait pas en détail les caractéristiques de l’offre retenue : « 5. En second lieu, contrairement à ce qui est soutenu, d’une part il ne résulte pas de l’instruction que ces commentaires révèlent l’existence de sous-critères non annoncés, d’autre part, ainsi qu’il a été dit au point 2, le règlement de consultation détaillait le contenu attendu du mémoire technique suffisante pour permettre aux candidats de comprendre les attentes du PETR, enfin, d’autre part la pondération retenue aux termes du RAO est identique à celle annoncée dans le règlement de consultation. Par ailleurs, la circonstance que le rapport d’analyse des offres ne mentionne pas en commentaire le détail des moyens techniques proposés et concernant l’offre attributaire celui des moyens humains ne révèle pas par elle-même que ces éléments n’ont pas été appréciés. Dès lors, il ne résulte pas de l’instruction que l’appréciation des mérites respectifs des offres, qui par elle-même ne relève pas de l’office du juge des référés précontractuels, ne s’est pas effectuée dans le respect des principes généraux de la commande publique, et notamment des principes d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures ».

Marché public / méthode de notation / rapport d’analyse des offres / règlement de la consultation / référé précontractuel / critère

 

Référé précontractuel et référé contractuel: un cumul impossible, même sous le soleil de la Polynésie 

CE, 9 févr. 2024, Sté X c. Commune de Bora-Bora, n°471852

Il est ADMYS qu’un référé contractuel ne peut être formé par un requérant ayant déjà utilisé la voie du référé précontractuel, sauf quelques rares exceptions. 

Toutefois, la question demeurait floue concernant les litiges en Polynésie Française. Le Conseil d’Etat tranche le sujet en confirmant que l’impossibilité d’exercer un référé contractuel à la suite d’un référé précontractuel sans succès n’est pas davantage possible en Polynésie française, nonobstant l’absence de renvoi clair par les textes régissant les référés sur ce territoire (L. 551-24 du CJA): 

“6. Aux termes de l’article L. 551-14 du code de justice administrative, applicable en Polynésie française ainsi qu’il a été dit au point 4, le référé contractuel « n’est pas ouvert au demandeur ayant fait usage du recours prévu à l’article L. 551-1 ou à l’article L. 551-5 dès lors que le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice a respecté la suspension prévue à l’article L. 551-4 ou à l’article L. 551-9 et s’est conformé à la décision juridictionnelle rendue sur ce recours. » Si les articles auxquels se réfère l’article L. 551-14 ne sont pas applicables en Polynésie française, dès lors que le référé précontractuel y est exclusivement régi par l’article L.551-24, cité au point 1, l’article L. 551-14 doit être interprété, pour son application en Polynésie française, comme fermant la voie du référé contractuel lorsque le demandeur a formé un référé précontractuel en application de l’article L. 551-24 et que la personne publique a respecté la suspension de la signature du contrat ordonnée par le président du tribunal administratif ou le magistrat délégué par lui et s’est conformée à la décision juridictionnelle rendue sur ce recours.”

Référé précontractuel / marché public / commande publique / référé contractuel / cumul des référés / Polynésie 

Une trop grande générosité financière peut rendre une offre irrégulière lors de la passation d’un marché public !

TA Lille, 9 févr. 2024, Département du Nord c/ Société X, n°2311385

Il est ADMYS que proposer la gratuité des frais de livraison, alors même qu’une loi les impose, rend l’offre du soumissionnaire irrégulière, pouvant ainsi être rejetée pour ce motif en application de l’article L.2152-1 du Code de la commande publique.

Dans cette affaire, l’acheteur a estimé qu’une offre ne respectait pas l’article 1er de l’arrêté du 4 avril 2023 relatif au montant minimal de tarification du service de livraison du livre imposant, pour toute commande comprenant un ou plusieurs livres neufs dont la valeur d’achat en livres neufs est supérieure ou égale à 35 euros toutes taxes comprises, un tarif minimal de tarification du service de livraison.

Le soumissionnaire refusant, après une demande de régularisation, de fixer un prix de livraison, l’acheteur a écarté comme irrégulière son offre. 

En l’espèce, le soumissionnaire a demandé au juge des référés, statuant sur le fondement de l’article L.551-1 Code de justice administrative [référé précontractuel], d’annuler cette décision rejetant son offre et d’enjoindre au département du Nord de reprendre la procédure d’attribution au stade auquel son offre a été rejetée et d’examiner son offre.

Cependant, le Tribunal administratif a estimé que le soumissionnaire devait appliquer un tarif de frais de livraison imposé par le législateur : 

«  6. D’une part, il résulte des dispositions ci-dessus reproduites au point précédent que le service de livraison, consistant à expédier les livres vers l’adresse indiquée par l’acheteur, ne peut en aucun cas, que ce soit directement ou indirectement, être proposé par le détaillant à titre gratuit, sauf si le livre est retiré dans un commerce de vente au détail de livres. D’autre part, ce service de livraison doit être facturé, dans les conditions fixées par ces mêmes dispositions, lorsque les livres ne sont pas achetés directement dans un commerce de vente au détail de livres, et, en particulier, sont achetés dans le cadre d’un accord-cadre exécuté par l’émission de bons de commande. Enfin, un opérateur économique, dans le cadre de son activité de vente de livres à des acheteurs publics qui en font l’acquisition pour répondre à leurs propres besoins, conformément à l’article L.1 du code de la commande publique, et non en vue de leur revente à des consommateurs finaux, ne peut être regardé comme exerçant une activité de grossiste échappant à l’application de cette règle de facturation du service de livraison. » 

Marché public / services / référé précontractuel / irrégularité / offre / frais de livraison.              

 

Seule la certification exigée par l’acheteur lui-même est un critère de régularité de l’offre

TA Toulouse, 15 février 2024, Société X c/ Voies navigables de France, n°2400485

 

Il est ADMYS que si le titulaire du marché doit garantir que les matériaux soient certifiés par un écolabel de gestion durable et écoresponsable, cette prescription ne peut toutefois s’entendre comme exigeant que les soumissionnaires soient eux-mêmes détenteurs de cette certification dans la mesure où elle n’est pas exigée par les documents de consultation. 
 
Aux termes de l’article R. 2111-13 du Code de la commande publique, « dans les spécifications techniques, les critères d’attribution ou les conditions d’exécution d’un marché, l’acheteur peut imposer à l’opérateur économique qu’il détienne un label particulier“. Saisi dans le cadre d’un référé contractuel, le Tribunal administratif de Toulouse est venu apporter une précision intéressante sur les exigences de certification. Seul l’acheteur, dans ses documents de consultation, peut imposer une certification. Les exigences de certification contenues dans des documents externes à l’acheteur ne sont pas opposables aux soumissionnaires. 
 
Pour le juge administratif, “si le cahier des clauses particulières inclus dans le dossier de consultation des entreprises concernant l’accord-cadre en litige indiquait, en son point 1.5, que « le titulaire du marché devra garantir que les matériaux en bois utilisés soient certifiés par un écolabel (de type PEFC ou FSC) qui assure que le bois utilisé provient de forêts faisant l’objet d’une gestion durable et écoresponsable », cette prescription ne peut toutefois s’entendre comme exigeant que les soumissionnaires soient eux-mêmes détenteurs de cette certification dès lors que, d’une part, les certifications exigibles dans le cadre de la consultation, à savoir les certificats « Qualipaysage génie écologique – interventions en milieux aquatiques et en milieux terrestres ouverts ou fermés spécialisé ou équivalent », « FNTP 2321 travaux de terrassement courants en milieu urbain » et « FNTP 341 assises de chaussées », étaient exhaustivement listées à l’article 6.1 du règlement de la consultation, d’autre part, que les affirmations de l’organisme certificateur « PEFC-France » figurant dans les documents produits par la société requérante selon lesquelles « seule une entreprise certifiée PEFC peut être retenue dans le cadre d’un appel d’offre intégrant un critère PEFC ou un critère de gestion durable des forêts » dans la mesure où « seule la certification PEFC de l’ensemble des acteurs de la chaîne (depuis la forêt jusqu’au produit fini), permet d’assurer une garantie crédible sur l’origine responsable du bois ou du produit à base de bois », pour particulièrement pertinentes qu’elles soient, n’étaient cependant pas juridiquement opposables dans le cadre de cette consultation,“. 
 
 Marché public  / label / certification / régularité de l’offre

 

Nouvelles règles de prescription en matière d’exclusion facultative de la passation d’un contrat de la commande publique

CE, 16 février 2024, Département des Bouches-du-Rhône c. X, n°488524

Il est ADMYS que la période maximale de trois ans que peut durer une exclusion facultative s’apprécie à partir de la décision sanctionnant les faits justifiant l’exclusion.

Les articles L. 2141-8 et L. 2141-11 du code de la commande publique permettent aux acheteurs d’introduire des exclusions facultatives dans le cadre d’une procédure de passation d’un marché public. L’acheteur peut décider d’exclure une personne qui peut être regardée, au vu d’éléments précis et circonstanciés, comme ayant, dans le cadre de la procédure de passation en cause ou dans le cadre d’autres procédures récentes de la commande publique, entrepris d’influencer la prise de décision de l’acheteur. L’exclusion n’est possible que si cette personne n’a pas établi que son professionnalisme et sa fiabilité ne peuvent plus être mis en cause et que sa participation à la procédure n’est pas de nature à porter atteinte à l’égalité de traitement entre les candidats. 

Le Conseil d’Etat est venu apporter une précision sur le point de départ de la période de trois ans de durée de l’exclusion : «  Il résulte de ces mêmes dispositions, qui doivent être interprétées à la lumière des dispositions de l’article 57 de la directive 2014/24/UE du 26 février 2014 qu’elles transposent en droit national, lesquelles limitent à trois ans la période pendant laquelle un opérateur peut être exclu dans les cas visés au paragraphe 4 de cet article, que l’acheteur ne peut pas prendre en compte, pour prononcer une telle exclusion, des faits commis depuis plus de trois ans. Toutefois, lorsqu’une condamnation non définitive a été prononcée à raison de ceux-ci, cette durée de trois ans court à compter de cette condamnation ».

Marchés publics / motifs de rejet / exclusion facultative / référé précontractuel / durée 

 

 

Pas d’imprécision du prix pour le soumissionnaire qui l’invoque après la phase de consultation

TA Montpellier, 2 février 2024, Groupement de Coopération Sanitaire Achats en Santé d’Occitanie c. Sté X, n°2400211

Il est ADMYS que le requérant invoquant le moyen tiré de l’imprécision du critère prix n’est pas lésé dès lors que ce dernier n’a posé aucune question lors de la phase de consultation des entreprises. Cette absence de lésion est d’autant plus évidente en l’espèce puisque le requérant est également attributaire de 3 lots du même marché dont le critère prix était le même (TA Montpellier, 2 févr. 2024, n° 2400211) : 

“7. Tout, d’abord, il ressort de l’instruction que le règlement prévoit, pour tous les lots, que le critère du prix tient compte du coût global de la prestation et la méthode de calcul retenue est ainsi calculée en fonction des montants exprimés dans le marché par l’ensemble des candidats selon la formule suivante : E = 20 * (1 – ((M-Mmini)/Mmaxi)). En se bornant à soutenir qu’en prévoyant que le bordereau des prix unitaire (BPU) que chaque candidat devait annexer à son offre qui doit comprendre « le régime des prix » et « la quantité minimum livrable », notions vagues et non définies par les documents de la consultation selon elle, l’article 5.3 du règlement de la consultation est imprécis, source d’erreurs ayant impacté la note des candidats, la société requérante, qui n’a pas questionné le Groupement sur les imprécisions dont elle se prévaut désormais et qui est devenue attributaire de trois lots pour lesquels le calcul et l’appréciation du prix de ses offres sont intervenus en application des règles précitées, n’établit ni les manquements allégués ni la lésion de ses intérêts ».

Marché public / critère prix / notation / méthode de notation / appel d’offres / référé précontractuel / méthode de calcul

Janvier 2024

Pas de critère gustatif pour le choix d’un bon vin !

TA Montreuil, 23 janvier 2024, Economat des armées c. Sté VINS+VINS, n°2400083

Il est ADMYS que le critère gustatif dans un marché public de fourniture de vin, reposant uniquement sur l’appréciation des dégustateurs, a pour effet de conférer à l’acheteur un choix illimité au sens de l’article L. 2152-8 du code de la commande publique.
Dans cette affaire, l’Economat des armées avait lancé un marché public portant sur la fourniture de vins en bouteille. La notation des offres s’établissait sur le critère « Prix » pour 30 points et « Qualité de l’offre » pour 70 points. Au titre du critère 2 « Qualité de l’offre », le sous critère « Echantillon » comptait pour 42 points de notation. Le résultat de la note attribuée au titre de ce sous-critère, associé aux opérations de dégustation de vins fournis par les candidats était ainsi le critère principal, et comptait pour près de la moitié des points attribués. La société classée 2ème a saisi le juge administratif d’un référé précontractuel.
 
Le Tribunal administratif de Montreuil a estimé que le critère gustatif, reposant exclusivement sur l’appréciation des dégustateurs, avait eu pour effet de conférer à l’acheteur une liberté de choix illimitée au sens de l’article L. 2152-8 du code de la commande publique :
 
«  10. De telles définitions, imprécises et circulaires, ne permettaient pas aux candidats, en l’absence de toute référence à des fourchettes de prix publics, de connaître précisément les attentes qualitatives réelles de l’Économat des Armées. Au surplus, le futur attributaire de l’accord-cadre n’était pas tenu, ainsi que cela résulte des stipulations de l’article 4 du cahier des clauses administratives générales relatives à l’évolution de la liste des produits et que cela a été confirmé à l’audience, de fournir les références présentées à la dégustation pendant toute la durée d’exécution du marché. Dans ces circonstances, l’importance relative de ce critère gustatif, qui reposait exclusivement sur l’appréciation de dégustateurs, a eu pour effet de conférer à l’acheteur une liberté de choix illimitée au sens des dispositions précitées de l’article L. 2152-8 du code de la commande publique. »
 
 Marché public  / critère prix / notation / méthode de notation / appel d’offres / référé précontractuel / méthode de calcul.

L’impartialité lors de l’attribution d’une délégation de service public s’applique aussi sur les réseaux sociaux

TA Montreuil, 12 janvier 2024, Société X c. Commune de Sevran, n°2315368

Il est ADMYS que les fonctionnaires et les élus en charge de l’attribution d’une délégation de service public sont tenus au respect du principe d’impartialité « en vue d’assurer l’effectivité des principes constitutionnels de liberté d’accès à la commande publique et d’égalité de traitement des candidats », et qu’à ce titre, ils doivent s’abstenir de prendre publique position sur la procédure en cours tant que le contrat n’est pas attribué. 
 
En l’espèce, la Commune de Sevran a passé une DSP portant sur la gestion de son marché d’approvisionnement. Avant la décision du conseil municipal portant sur l’attribution du contrat, un conseiller municipal également président de la commission instaurée par l’article L. 1411-5 du Code général des collectivités territoriales et signataire du rapport d’analyse des offres avait publié le commentaire suivant sur Facebook : « Ce marché est mal géré. C’est dommage car il est très fréquenté. Et les incivilités font fuir les clients du centre-ville. Le bail de concessionnaire du marché doit être renouvelé en janvier prochain, c’est l’occasion de le réformer pour qu’il soit plus diversifié et qu’on y trouve plus de commerces de qualité ».
 
Or, ces quelques lignes ont été interprétées par la juge comme visant expressément le gestionnaire actuel du marché, également candidat évincé de la procédure en cours :
 
« 10. Si la commune a fait valoir à l’audience que cette critique présentait une portée générale et intéressait également le rôle des services de la police nationale, de la police municipale et des services de nettoyage de la commune, il ressort des termes de ce commentaire librement accessible au public que cet élu faisait précisément état d’une mauvaise gestion de ce marché, notamment en ce qui concernait la sélection des commerçants présents, et mettait exclusivement en lien la résolution de cette mauvaise gestion avec la procédure de renouvellement de la concession engagée quelques semaines plus tôt. Une telle prise de position critique visait directement la société X, en charge à cette date de la gestion de ce marché urbain et candidate à sa succession, et constituait une atteinte à l’impartialité de la commission de l’article L. 1411-5 du code général des collectivités territoriales dont il était président délégué ».
 
Ainsi, la nature même de ce commentaire, en tant qu’elle révèle un défaut d’impartialité de la commission en charge de l’analyse des offres fonde alors la lésion du requérant.
 
 Marché public  / critère prix / notation / méthode de notation / appel d’offres / référé précontractuel / méthode de calcul

Validation d’une notation négative ramenée à zéro

TA Montreuil, 30 janv. 2024, Département de Seine-Saint-Denis c. SAS Debitex, n° 2400460

Il est ADMYS qu’aucune disposition du Code de la commande publique, ni aucun principe ne fait obstacle à l’attribution d’une note négative ramenée à zéro dans le cadre de la notation d’une offre d’un candidat à un marché public.

En l’espèce, le Département de Seine-Saint-Denis a lancé un marché public de services pour la location de fibres optiques. Le règlement de consultation prévoyait la possibilité pour le Département d’attribuer une note nulle au titre du critère prix.

Or, « le Département n’a pas mis en œuvre une évaluation sur la base d’une règle de trois calculée par rapport à la meilleure offre financière mais une formule paramétrique qui pouvait aboutir à l’obtention d’une note négative dès lors que la proposition financière de l’un des candidats était deux fois plus élevée que le prix de l’offre la moins disante ». Toutefois, pour le juge administratif des référés, « la circonstance que la note qui en a arithmétiquement résulté pour la société requérante était négative est sans incidence sur la régularité de la procédure dès lors que le Département n’a pas méconnu la règle qu’il avait fixé dans le règlement de consultation et a ramené cette évaluation à une note nulle ».

Cette jurisprudence confirme la liberté laissée à l’acheteur dans le cadre de sa méthode de notation des offres. 

Référé précontractuel / marché public / critère prix / notation / méthode de notation / appel d’offres / méthode de calcul

TA Montpellier, 11 octobre 2024, Communauté d’agglomération Le Grand Narbonne, req. n°2405430 

Il est ADMYS que la participation à 100% par la société attributaire du contrat de délégation de service public au capital d’une société membre du groupement d’assistance à maîtrise d’ouvrage (ci-après « AMO »)  ne constitue pas un conflit d’intérêts. 


Par une délibération en date du 19 septembre 2024, la communauté d’agglomération Le Grand Narbonne a approuvé le choix de la société R en tant que nouveau délégataire de la délégation de service public pour l’exploitation du service public de transport. 


Dans le cadre du renouvellement de ce service public, la communauté d’agglomération a été accompagnée par un groupement d’AMO pour un audit du service public (mission 1), l’étude éventuelle de la mise en place de la gratuité sur le réseau de transport en commun (mission 2), l’élaboration de scénarios de restructuration du réseau (mission 3) et enfin l’accompagnement pour la clôture du contrat en cours et la procédure de renouvellement du contrat de délégation de service public (mission 4). 


A la suite du rejet de son offre, la société K a saisi le juge des référés précontractuel d’une demande tendant à l’annulation de la procédure de passation en raison d’un conflit d’intérêts entre plusieurs membres du groupement et la société attributaire. 


En l’occurrence, la société C, membre du groupement était détenue à 100% par la société R attributaire. Au surplus, l’employé chargé de la revue financière des offres avait travaillé préalablement au sein de la société CC, aussi membre du groupement d’AMO, durant la période d’élaboration du DCE pour la communauté d’agglomération. 


Toutefois, par une appréciation toujours plus minutieuse et concrète, le juge des référés ne retient pas la qualification de conflits d’intérêts pour ces deux sociétés. 


Particulièrement, s’agissant de la société C du groupement, cette dernière n’était intervenue que durant la mission 1,  elle avait notamment conclu avec la communauté d’agglomération un accord de confidentialité. De plus, la société n’était plus représentée dans le cadre du comité de pilotage, ainsi elle n’avait concouru que très indirectement à la réalisation du dossier de consultation et surtout n’avait pas participé à l’analyse des candidatures et des offres. 


Toutefois, la juridiction reconnait la singularité de la situation et juge regrettable que la candidature de la société C ait été retenue dans le groupement d’AMO malgré la violation de l’obligation d’indépendance imposée dans le cadre du marché d’AMO : «  il est regrettable que la candidature de la société C, filiale détenue à 100% par la société R avec laquelle elle partage les mêmes locaux et dont les dirigeants avaient fait, comme Mme A sa directrice générale, ou faisaient aussi partie des effectifs de la société attributaire, comme M. M., son président en exercice lors de l’exécution du marché d’assistance à maîtrise d’ouvrage, et qui était concomitamment membre du directoire de R durant la procédure d’attribution de la concession, ait été retenue dans le groupement attributaire dudit marché, (…), cette circonstance ne permet pas d’établir l’existence d’une situation de conflit d’intérêts au cours de la procédure d’attribution de la concession. » 


S’agissant de la société CC, rien n’indique que l’employé de la société R était intervenu aux côtés du membre du groupement dans le cadre de l’élaboration du DCE, avant de rejoindre la société attributaire, qu’ainsi une telle situation n’était pas de nature à constituer un conflit d’intérêts. 


Ainsi, le juge démontre à nouveau que c’est finalement l’influence de la personne en cause sur la procédure de passation et sa participation directe ou indirecte qui sont déterminantes pour admettre la qualification de conflit d’intérêts, en dépit des autres indices susceptibles de créer un doute sur l’impartialité de la procédure, tels que la durée, la nature, l’intensité ou la date des liens entretenus. 


TA de Dijon, 10 octobre 2024, Commune de Villeneuve-la-Guyard, n°2301347

ll est ADMYS que la seule requalification d’un marché public en concession n’emporte pas nécessairement son annulation (TA Pau, 20 novembre 2020, Commune de Mont, req. n°2001872). Mais, celle-ci peut conduire à l’annulation du contrat en cas de violation des règles de publicité et de mise en concurrence (CE, 25 mai 2018, Société Philippe Védiaud Publicité, req n°416825), notamment si la procédure suivie est moins contraignante que celle qui aurait dû être mise en oeuvre (TA Rennes, 14 mai 2018, req n°1701037 confirmée par CAA de Nantes, 30 mars 2020, req n°18NT202671)

En l’espèce, la Commune de Villeneuve-la-Guyard (ci-après « La Commune ») avait confié à la Société X un contrat de mise à disposition d’un journal électronique d’information qu’elle n’a pas souhaité renouveler. A l’approche de l’échéance de ce contrat, elle a lancé une consultation en vue d’attribuer un contrat portant sur la fourniture, l’implantation et l’entretien de mobiliers urbains à vocation publicitaire et non publicitaire. Le contrat a été attribué à la Société Y. Mécontente de cette décision qu’elle estime irrégulière, la Société X sollicite la résiliation du contrat ainsi que le versement d’une somme de 104.938€ en réparation des préjudices subis.

Le premier moyen relatif à la tardiveté de la requête est écarté par le tribunal en raison de l’inopposabilité du délai de recours contentieux à l’encontre de la décision, dès lors que ledit contrat n’avait pas fait l’objet des mesures de publicité appropriées.

C’est le second moyen relatif à l’erreur sur la nature du contrat – et surtout à ses conséquences procédurales – qui attirera l’attention du juge. La Société X soutenait en effet que le contrat conclu n’était pas un marché public mais une concession en raison du mode de rémunération de l’attributaire. Le juge administratif se range à cette appréciation en relevant que la rémunération de la Société Y était exclusivement fixée en fonction des « recettes perçues par l’exploitation à des fins publicitaires des mobiliers urbains ». Ainsi, la part de risque a ainsi été intégralement transférée à l’attributaire du contrat en litige. Dans ces conditions, le contrat en litige doit être regardé non comme un marché public mais comme une concession de services. » 

Or, la conclusion d’un contrat de concession se révèle exigeante en termes procéduraux : elle implique par exemple une obligation d’instaurer une commission d’analyse des dossiers et candidatures en vue de proposer au conseil municipal l’attributaire du contrat (article L. 1411-5 du CGCT) et une obligation de délibération sur les éléments essentiels du contrat par le conseil municipal (article L. 2122-22 du CGCT). Au cas présent, ces exigences procédurales n’ont pas été respectées alors qu’elles auraient dû l’être, ce qui constitue, selon le juge administratif, un vice d’une particulière gravité qui n’est pas régularisable : 

« 13. Comme il a été dit au point 9, le contrat en litige ne constitue pas un marché public mais un contrat de concession de services. Or le conseil municipal de Villeneuve-La-Guyard ne s’est pas prononcé sur le choix de l’attributaire de ce contrat au vu de l’avis d’une commission spécialement instituée à cet effet et n’a pas davantage expressément autorisé le maire de la commune à le signer. Dans ces conditions, le contrat en litige est entaché d’un vice d’une particulière gravité. La circonstance que, postérieurement à la signature de ce contrat, le maire a procédé à une information du conseil municipal reste à cet égard sans incidence et n’a pas été de nature à régulariser ce vice ».

Ces vices ont gravement porté atteinte à la procédure de passation du contrat, car celle-ci a été moins contraignante que celle qui aurait dû être suivie par la Commune. Le juge annule ainsi le contrat, mais avec un effet différé au 31 mars 2025 au plus tard, afin de laisser le temps à la Commune de relancer une nouvelle procédure.

En conclusion, si le risque d’annulation qui peut peser sur un marché public requalifié en concession est réel, il doit tout de même être relativisé dans l’hypothèse où l’acheteur se serait soumis à une procédure plus contraignante, car le juge examine très concrètement la nature du vice de la procédure au regard du droit des concessions.

Recours en contestation de validité / Béziers I / mobilier urbain / vice d’une particulière gravité / nature du contrat / requalification / contraintes procédurales