Un tiers ne peut pas demander communication des demandes de protection fonctionnelle

Il est ADMYS qu’un tiers ne peut pas obtenir communication d’une demande de protection fonctionnelle, ce document faisant partie de ceux qui ne sont communicables qu’aux personnes concernées.

 

Par sa décision du 11 mars 2024 (n°454305), le Conseil d’État énonce les règles légales qui entourent la communication de documents administratifs à la demande d’un tiers, en rappelant l’impérieuse nécessité qu’il y a, à tenir compte de la signification de la protection fonctionnelle et des conditions dans lesquelles elle est demandée.

 

En l’espèce, le directeur de l’Établissement National des Invalides de la Marine (ENIM), visé par une enquête administrative révélant un comportement et un mode de gestion contestable, et qui considère avoir fait l’objet de dénonciations fantaisistes, avait sollicité la communication des deux demandes de protection fonctionnelle présentées par des agents de l’ENIM.

 

Partant, en application de l’article L.311-6 du Code des relations entre le public et l’administration (ci-après « CRPA »), la Commission d’Accès aux Documents Administratifs (dit « CADA ») a émis un avis défavorable à ladite communication de ces documents (avis n°20193553 du 30 janvier 2020), décidant que seul l’auteur d’une demande de protection fonctionnelle a la qualité de personne intéressée à l’égard de ce document.

 

C’est également en ce sens qu’a statué le Tribunal administratif de Poitiers, par son jugement n° 1902731 en date du 4 mai 2021, en rejetant la demande du directeur de l’ENIM, considérant alors qu’une demande de protection fonctionnelle n’apparait pas au titre des documents communicables.

 

Ce raisonnement est confirmé par les juges de la Haute juridiction qui, après avoir rappelé les dispositions de l’article L.311-6 du CRPA, considère qu’une demande de protection fonctionnelle ne peut être communiquée à une tierce personne. En effet, cet article dispose que, dès lors que figurent au sein des documents sollicités, des informations faisant apparaitre un comportement pouvant être préjudiciable pour la personne concernée, alors seule cette dernière peut en solliciter la communication.  

 

En d’autres termes, un agent public qui a sollicité une protection fonctionnelle fait état d’un comportement qui pourrait lui être préjudiciable au sens de l’article L.311-6 CRPA, et par voie de conséquence, la communication de ce document ne concerne que les personnes intéressées, à savoir l’agent à l’origine de la demande, et son administration, en excluant, les tiers.

 

Ainsi, la Haute juridiction a rendu une décision dans la lignée de sa jurisprudence, selon laquelle elle a considéré que les personnes intéressées, pour la communication de documents, sont les témoins et non les personnes apparaissant dans les témoignages (CE, 21 septembre 2015, M. Roger R, n°369808). En l’espèce, la circonstance que le directeur de l’ENIM soit visé au sein des demandes de protection fonctionnelle ne lui donne pas de droit à communication desdits documents.

 

En effet, l’objectif même de cette protection fonctionnelle est, pour l’administration, de prendre toutes mesures nécessaires et appropriées afin de faire cesser des atteintes subies par son agent dans l’exercice de ses fonctions. D’abord un principe général du droit (CE, 26 avril 1963, CHR Besançon), cette obligation est aujourd’hui retranscrite au sein du Code général de la fonction publique, en son article L.134-5.

 

Il apparait donc logique, au regard de la nature même d’une demande de protection fonctionnelle et du préjudice que pourrait causer la divulgation d’une telle demande par communication aux tiers, que ce document ne puisse être communiqué, comme l’a rappelé le Conseil d’État, à une autre personne que l’agent ayant effectué la demande.