Dans un arrêt du 3 juillet 2023 (n°459472), le Conseil d’État vient apporter un éclaircissement qui sera sans nul doute bienvenu pour bon nombre d’employeurs publics d’une part, quant à l’articulation entre la procédure disciplinaire et le congé maladie d’un agent, d’autre part, sur le maintien des droits à rémunération pour l’agent visé par ladite sanction.
Les faits de l’espèce sont les suivants : un professeur certifié hors classe de lettres se voit infliger une sanction d’exclusion temporaire de fonctions d’une durée de deux ans alors qu’il était placé en congé maladie. Il sollicite l’annulation la décision par laquelle la rectrice de l’académie de Lyon a décidé de la suspension de sa rémunération, ainsi que son courrier de transmission, ainsi que deux décisions relatives au reversement d’un trop perçu de rémunération, ensemble le titre de perception portant recouvrement de trop-perçu.
Le tribunal administratif rejette sa demande. L’agent interjette appel du jugement. Par un arrêt du 14 octobre 2021, la CAA de Lyon annule le titre de perception contesté ainsi que les deux décisions relatives au versement du trop-perçu de rémunération. Elle rejette le surplus des conclusions. Le fonctionnaire se pourvoit en cassation.
La Haute juridiction administrative commence par établir, dans la droite ligne de son arrêt du 6 juillet 2016 (n°392728), relatif quant à lui une sanction de révocation, que la procédure disciplinaire et la procédure de mise en congé de maladie sont des procédures distinctes et indépendantes. Qu’ainsi la circonstance qu’un agent soit placé en congé de maladie ne fait pas obstacle à l’exercice de l’action disciplinaire à son égard ni, le cas échéant, à l’entrée en vigueur d’une décision de sanction.
En effet, sept ans plus tôt, le juge administratif suprême avait déjà pu estimer qu’un agent avait pu légalement être révoqué pendant son congé maladie. Il avait alors considéré que le placement en congé maladie de l’agent n’était pas de nature à retarder l’entrée en vigueur de la sanction de révocation que celui-ci s’était vu infliger.
Cependant, une telle approche n’avait jusqu’alors pas été adoptée concernant la sanction d’exclusion temporaire de fonctions. Le juge administratif d’appel semblant même adopter une position inverse en la matière. (CAA Marseille, 15 octobre 2020, n°19MA04416).
L’arrêt du 3 juillet 2023 vient étendre l’indépendance de ces deux procédures aux sanctions d’exclusion temporaire de fonctions.
Il est d’ailleurs intéressant de relever à ce titre, et contrairement à l’arrêt du 6 juillet 2016, que le Conseil d’État ne vise en l’espèce aucune sanction précise mais fait le choix d’une formulation permettant d’englober l’ensemble des sanctions disciplinaires. Ainsi, l’entrée en vigueur d’une sanction d’exclusion temporaire de fonctions n’est plus subordonnée au terme de l’arrêt maladie de l’agent. Le congé maladie ne peut plus être considéré comme conditionnant directement la procédure disciplinaire.
Par ailleurs, le Conseil d’État se penche sur les conséquences financières de ladite sanction qui, pour rappel, prive un agent de sa rémunération durant la durée afférente.
Il rappelle à cet effet que : « les dispositions de l’article 34 de la loi du 11 janvier 1984 selon lesquelles le fonctionnaire conserve, selon la durée du congé, l’intégralité ou la moitié de son traitement, ont pour seul objet de compenser la perte de rémunération due à la maladie en apportant une dérogation au principe posé par l’article 20 de la loi du 13 juillet 1983 subordonnant le droit au traitement au service fait. Elles ne peuvent avoir pour effet d’accorder à un fonctionnaire bénéficiant d’un congé de maladie des droits à rémunération supérieurs à ceux qu’il aurait eus s’il n’en avait pas bénéficié »
Cependant, les droits au maintien de la rémunération ne s’étendent pas aux agents exclus temporairement de leurs fonctions. En effet, il ressort de cet arrêt que la mise en œuvre d’une sanction disciplinaire d’exclusion temporaire de fonctions durant une période de congé maladie fait obstacle à ce que l’agent bénéficie du maintien de sa rémunération à raison de ce congé maladie.
En définitive, qu’il soit ou non placé en congé maladie, l’agent exclu temporairement de ses fonctions sera bel et bien privé de sa rémunération pendant toute la durée celle-ci.
Voilà une solution qui satisfera probablement bon nombre d’employeurs publics, qui voit leurs démarches en matière de sanction disciplinaire nettement simplifiées.