Par un arrêt du 28 août 2023 (n°22PA03737), la Cour administrative d’appel de Paris est venue rappeler toute l’importance que revêt devoir de réserve auquel sont soumis les agents publics ainsi que ses contours notamment à l’heure où les réseaux sociaux font loi et où la liberté d’expression peut apparaître sans limite.
Dans les faits de l’espèce, une fonctionnaire publie sur le réseau social Facebook durant une période de plus d’un mois et de manière réitérée d’une part une critique virulente de l’action menée par le maire depuis le début de son mandat, d’autre part « des accusations portées à l’endroit de sa personne, qualifiée entre autres d’égocentrique, de narcissique, ou d’inapte à gérer les affaires de la commune ».
Pour sa défense, l’agent argue du fait que ces propos ont été tenus dans un cadre privé, alors même qu’elle était placée en congé maladie. Celle-ci avance également ne pas avoir révélé sa qualité d’agent public.
Cependant, deux constats d’huissiers démontrent que les propos litigieux ont été publiés sur son compte personnel sans restriction de diffusion, mais également sur la page Facebook publique dédiée à la campagne électorale du maire en question. Le juge administratif d’appel relève que compte tenu de la période à laquelle ces propos ont été tenus, ceux-ci étaient susceptibles d’exploitation à des fins électorales.
La Cour s’intéresse ainsi à la teneur des propos mais également à leur publicité. L’accumulation de ces fautes constituent pour la Cour administrative d’appel un manquement grave au devoir de réserve des fonctionnaires. Elle censure ainsi le jugement du Tribunal administratif de Melun ayant annulé l’arrêté de révocation pris à l’encontre de l’intéressée. Pour la CAA de Paris, la sanction de révocation prononcée contre la fonctionnaire est bel et bien proportionnée à la gravité des fautes commises.
Une nouvelle fois, le juge administratif démontre toute la sévérité dont il peut faire preuve dès lors qu’il constate un manquement important au devoir de réserve. En l’espèce, le caractère public des propos ainsi que la période électorale durant laquelle ils sont intervenus ont incontestablement joué en défaveur de la requérante. Le juge administratif s’intéresse ainsi effectivement à la teneur des propos tenus, mais également à la publicité qui en a été faite ensuite.
Alors que la liberté d’expression sur les réseaux sociaux ne cesse d’être défendue par certaines voix, force est de constater que l’arrêt présenté rappelle que les fonctionnaires se doivent de faire preuve d’une vigilance extrême en la matière.
Le juge administratif avait déjà eu l’occasion de présenter les éléments qu’il estime déterminants quant aux messages postés sur Internet, et notamment pour certains agents à l’exigence d’exemplarité accrue. Ainsi, pour un militaire, la Haute juridiction administrative (CE, 29 décembre 2020, n°440256) s’était attachée à étudier la publicité du message, son contenu, les précédentes fautes commises, le grade et les responsabilités de l’agent.