Il n’est pas ADMYS que le juge administratif puisse régulariser le vice d’une déclaration d’utilité publique par voie d’exception.
Dans un arrêt du 14 juin 2024, le Conseil d’État précise les limitations de la faculté de surseoir à statuer pour régulariser en cours d’instance un vice entachant une décision administrative. Bien que les pouvoirs du juge administratif en matière de régularisation se soient étendus en la matière ces dernières années, le Conseil d’État a posé une limite claire concernant l’irrégularité affectant une déclaration d’utilité publique (ci-après « DUP »), invoquée par voie d’exception.
En l’espèce, le préfet des Bouches-du-Rhône a pris deux arrêtés le 27 février 2017 par lesquels il a déclaré d’utilité publique les travaux de réalisation d’une zone d’aménagement concerté et déclaré cessibles les immeubles dont l’acquisition était nécessaire à cette opération.
La SCI propriétaire des parcelles concernées a demandé au juge d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté de cessibilité. À l’appui de ce recours, la SCI a excipé de l’illégalité de la DUP sur laquelle repose l’arrêté de cessibilité, en affirmant que l’avis de l’autorité environnementale de l’Etat était irrégulier.
D’une part, le Conseil d’État rappelle que lorsqu’il est saisi par voie d’action, le juge administratif peut surseoir à statuer le temps que le vice de procédure affectant une DUP soit régularisé :
« si le juge administratif, saisi de conclusions dirigées contre un acte déclarant d’utilité publique et urgents des travaux, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’une illégalité entachant l’élaboration ou la modification de cet acte est susceptible d’être régularisée, il peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation ».
D’autre part, il affirme cependant que l’étendue de ces pouvoirs n’est pas la même dans le cadre d’un recours par voie d’exception :
« Il en va toutefois différemment lorsqu’est invoqué par voie d’exception, à l’appui de conclusions dirigées contre un arrêté de cessibilité, un vice affectant l’acte déclaratif d’utilité publique sur le fondement duquel cet arrêté de cessibilité a été pris. Dans cette hypothèse, un tel vice est insusceptible d’être régularisé dans le cadre du recours dirigé contre l’arrêté de cessibilité ».
En statuant sur renvoi, le Conseil d’État a donc fait droit, alors que le rapporteur public proposait une solution contraire, à la demande de la SCI en annulant l’arrêté de cessibilité car le vice de procédure affectant la DUP ne pouvait être régularisé par voie d’exception. Ainsi, l’étendue des pouvoirs de régularisation du juge administratif en cours d’instance semble devoir être limitée aux illégalités soulevées par voie d’action en matière de DUP.
Cette solution est probablement justifiée par l’effet limité du constat de l’illégalité par voie d’exception, qui ne vaut pour rappel que pour les parties au litige, tandis que l’illégalité par voie d’action vaut erga omnes.