Les conditions d'indemnisation d'un candidat irrégulièrement évincé en matière de concession, rappelées et précisées par le Conseil d'État

Il est ADMYS qu’un concurrent évincé d’une procédure de passation d’un contrat de concession peut demander la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière.

 

C’est à l’occasion de sa décision du 24 avril 2024, Commune de la Chapelle d’Abondance, req. n°472038, que le Conseil d’État a rappelé ce principe communément admis.

 

Cependant, cet arrêt mérite d’être mis en exergue pour sa clarté, et son exposé méthodique du raisonnement analytique – en trois principales étapes – opéré par le juge administratif lorsqu’il est saisi d’un recours indemnitaire par un candidat évincé.

 

Étape n°1 : Rechercher l’existence d’un fait générateur, caractérisant l’irrégularité du rejet de l’offre du requérant.

 

Étape n°2 : Déterminer le caractère certain du préjudice, avec une acuité particulière en la matière, compte tenu de la singularité des contrats de concession tenant à ce que le titulaire supporte inévitablement les risques d’exploitation et les aléas du marché lors de l’exécution du contrat.

 

Étape n°3 : statuer sur le lien de causalité direct, en procédant à deux analyses successives :

 

Analyse n°1 : d’une part, vérifier si l’opérateur économique évincé était ou non dépourvu de toute chance de remporter le contrat.Ici, deux cas sont à étudier, menant à deux solutions opposées :

 

          • soit le soumissionnaire évincé était dépourvu de toute chance de remporter le contrat, et dans cette circonstance, il n’a le droit à aucune indemnité;

 

          • soit il avait effectivement une chance de le remporter, et il serait ainsi susceptible d’obtenir le remboursement de ses seuls frais engagés pour la présentation de son offre.

 

Analyse n°2 : d’autre part, rechercher si le soumissionnaire évincé avait des chances sérieuses d’emporter le contrat.S’il parvient à démontrer ses chances sérieuses d’emporter le contrat, il pourrait, en plus du remboursement de ses frais exposés pour la présentation de son offre, être indemnisé de son manque à gagner.

 

Ce n’est qu’en suivant ces trois étapes que le juge administratif pourrait être amené à indemniser le candidat évincé, et être en capacité de déterminer le montant du préjudice.

 

Enfin, le Conseil d’État précise, pour le cas bien particulier d’une résiliation du contrat par la personne publique, que l’appréciation de l’existence d’un préjudice causé par l’irrégularité invoquée, ainsi que l’évaluation de son montant, doit tenir compte des motifs et des effets de cette résiliation.

 

Cette récente décision a l’avantage de détailler le raisonnement juridique imposé au juge administratif pour l’ouverture du droit à indemnisation d’un concurrent évincé. C’est dès lors à ce dernier, lorsqu’il engage une procédure contentieuse, de veiller à démontrer le fait générateur, son préjudice, et surtout l’intensité du lien de causalité direct pour espérer obtenir d’une part une indemnisation, d’autre part, la réparation complète du préjudice qu’il a subi.

 

Il convient, enfin, d’attirer l’attention sur les particularités du contentieux indemnitaire relatif aux contrats de concession puisqu’elles obligent le juge à réaliser une analyse approfondie du caractère certain du préjudice, car le titulaire d’un tel contrat n’est jamais préservé des risques d’exploitation.