Il est ADMYS qu’une commune puisse louer un local communal à une association pour l’exercice d’un culte dès lors que les conditions financières de la location excluent toute libéralité et donc toute aide à un culte. Le Conseil d’Etat (CE, 18 mars 2024, Commune de Nice, n°471061) vient d’apporter une précision importante sur la notion de libéralité : la gratuité de la mise à disposition ne constitue pas nécessairement une libéralité…
En l’espèce, la Ville de Nice avait autorisé l’association « Union des Musulmans des Alpes-Maritimes » à occuper à titre gratuit le théâtre municipal Lino Ventura afin d’y célébrer la fête musulmane de l’Aïd-el-Fitr. L’occupation devait durer 4 heures (de 7 à 11 heures du matin).
L’arrêté du maire a fait l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. Le Tribunal administratif de Nice a d’abord confirmé la légalité de l’arrêté. Puis, en appel, la Cour administrative d’appel de Nice a annulé le jugement et l’arrêté du maire (CAA Marseille, 19 déc. 2022, n° 21MA01455).
Pour rappel, l’article L. 2144-3 du Code général des collectivités territoriales autorise l’utilisation de locaux communaux par des associations. Or, la loi du 9 décembre 1905 portant Séparation des Eglises et de l’Etat suppose la neutralité religieuse des collectivités publiques. Dans ces conditions, une commune peut-elle louer un bien à une association en lien avec le culte ?
Le Conseil d’Etat avait déjà répondu à cette question dans un arrêt du 19 juillet 2011 (CE, 19 juillet 2011, Commune de Montpellier, n°313518). Une commune peut accorder l’usage d’un bien lui appartenant pour l’exercice d’un culte pour autant que plusieurs conditions soient remplies.
Ainsi, l’autorisation ne devra pas porter atteinte au principe de neutralité et au principe d’égalité. Il s’agit sans doute de la condition la moins évidente à mettre en œuvre, l’égalité envisagée par la Haute juridiction concerne-t-elle les cultes reconnus seulement ou tous les cultes pratiqués en France ? Cette question n’a pas encore été tranchée.
Ensuite, l’utilisation suppose l’absence de libéralité, et en tout état de cause l’utilisation ne doit pas être pérenne. Ces deux dernières exigences permettent de s’assurer que le local ne soit transformé en lieu de culte, en effet les édifices cultuels accueillent les fidèles gratuitement et sont affectés de manière perpétuelle au culte.
Dans sa décision du 18 mars 2024, la Haute juridiction administrative devait statuer sur la condition tenant à l’existence d’une libéralité. La mise à disposition à titre gratuit constitue-t-elle une libéralité ? Pour le juge administratif, l’existence d’une libéralité « ne saurait résulter du simple fait que le local est mis à disposition gratuitement ». Cette notion « est appréciée compte tenu de la durée et des conditions d’utilisation du local communal, de l’ampleur de l’avantage éventuellement consenti et, le cas échéant, des motifs d’intérêt général justifiant la décision de la commune ».
L’affaire a été renvoyée devant la Cour administrative d’appel de Marseille qui devra déterminer si les conditions de la location permettent de considérer que la gratuité ne constitue pas une libéralité.
En conséquence, les communes ont la possibilité de prêter des locaux communaux pour la pratique du culte. Ce prêt peut être gratuit sous réserve que le prêt soit de très courte durée et qu’il existe des motifs d’intérêt général justifiant la gratuité.