Indépendamment des poursuites pénales pouvant être engagées contre l’auteur d’une construction, d’un aménagement ou d’une démolition réalisé(e) sans les autorisations nécessaires, sur le fondement de l’article L. 480-1 du Code de l’urbanisme, les dispositions de ce même code permettent à l’autorité administrative compétente de mettre en demeure l’intéressé de procéder à une remise en conformité des lieux ou de solliciter une régularisation. Le cas échéant, cette mise en demeure peut être assortie d’une astreinte. Ces prérogatives, codifiées à l’article L. 481-1 du Code de l’urbanisme, sont issues de la loi du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique.
Traditionnellement, l’injonction de démolir une construction méconnaissant des règles d’urbanisme relève de la compétence du seul juge judiciaire (du juge pénal en vertu de l’article L. 480-5 du Code de l’urbanisme ; du juge civil en vertu de l’article L. 480-13 du même code), la mesure étant considérée comme trop grave pour lui échapper. Par ailleurs, des tribunaux administratifs ont considéré que l’entrée en vigueur de la loi du 27 décembre 2019 n’avait pas eu pour effet de modifier l’état du droit existant sur ce point (pour exemple : Tribunal administratif de Lyon, 19 juillet 2022, n° 2106307).
Or, en l’espèce, le maire de la Commune de Villeneuve-lès-Maguelone a, d’une part, dressé procès-verbal de l’infraction aux règles d’urbanisme et transmis celui-ci au Procureur de la République, d’autre part, enjoint par arrêté, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à l’auteur de la construction litigieuse de procéder à la démolition d’un mur de deux mètres de haut et de cinq mètres de long érigé sans autorisation. Saisi d’une demande de suspension de l’exécution de la décision, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a d’abord suspendu l’exécution de cette mesure administrative, par une ordonnance du 1er avril 2022. Le juge des référés reprochait au maire d’avoir usé des pouvoirs qu’il tenait de l’article L. 481-1 du Code de l’urbanisme pour mettre en demeure sous astreinte le contrevenant de procéder à une démolition.
Mais saisi en cassation, le Conseil d’Etat, dans son arrêt en date du 22 décembre 2022, dans le troisième considérant de sa décision, a infirmé la position du premier juge et estimé que « dans le cadre de ses pouvoirs de police spéciale et indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées pour réprimer l’infraction constatée, [le maire peut] mettre en demeure l’intéressé, après avoir recueilli ses observations, selon la nature de l’irrégularité constatée et les moyens permettant d’y remédier, soit de solliciter l’autorisation ou la déclaration nécessaire, soit de mettre la construction, l’aménagement, l’installation ou les travaux en cause en conformité avec les dispositions dont la méconnaissance a été constatée, y compris, si la mise en conformité l’impose, en procédant aux démolitions nécessaires ». Il s’est appuyé sur les travaux parlementaires préalables à l’adoption de la loi du 27 décembre 2019 pour en déduire que le Tribunal administratif de Montpellier avait commis une erreur de droit.
En statuant ainsi, la juridiction administrative suprême a entendu faire converger les pouvoirs de police administrative spéciale de l’urbanisme d’un maire avec des pouvoirs jusqu’alors dévolus à la seule autorité judiciaire. Dès lors, l’étendue des pouvoirs de mise en demeure et d’astreinte confiée à l’autorité administrative n’est pas limitée par la teneur de l’infraction ou la gravité de la mesure de police à prendre contre le contrevenant.