L’écriture inclusive, définie par le Dictionnaire Larousse comme l’ « ensemble des conventions graphiques et syntaxiques visant à promouvoir une égalité de représentation entre les hommes et les femmes dans la grammaire français.», ne cesse de faire débat entres politiques, linguistes et association de lutte contre les discriminations de genre.
Le ministre de l’Éducation nationale a, par circulaire du 6 mai 2021, interdit l’usage de l’écriture inclusive à l’école. L’Académie française s’est, dans une lettre ouverte du 7 mai 2021, également déclarée opposée à l’utilisation d’une telle écriture.
C’est dans ce contexte que les juges administratifs ont eu à se prononcer sur l’utilisation de l’écriture inclusive par l’administration dans le cadre de deux affaires récentes.
Le Tribunal administratif de Paris et celui de Grenoble n’ont pas conclu au même raisonnement, témoignant ainsi de l’absence de consensus juridique autour de l’utilisation de l’écriture inclusive par l’administration.
Ainsi, le Tribunal administratif de Paris a, dans son jugement le 14 mars 2023, admis la légalité du refus de la mairie de Paris de retirer deux plaques commémoratives regravées en écriture inclusive et apposées dans l’enceinte de l’hôtel de Ville (TA, Paris, 14 mars 2023, n° 2206681/2-1).
En effet, la mairie de Paris n’a pas fait droit à la demande formulée par l’association FRancophonie Avenir tendant au retrait des plaques commémoratives regravées en écriture inclusive.
L’association soutenait que l’écriture inclusive ne relève pas de la langue française et donc que son utilisation est contraire à l’article 2 de la Constitution du 4 octobre 1958 qui dispose que la langue de la République est le français. Elle fondait aussi sa demande sur l’article 3 de la loi du 4 août 1994 qui prévoit que toute inscription ou annonce faite sur la voie publique, dans un lieu ouvert au public et destinée à l’information du public, doit être formulée en langue française.
Le Tribunal administratif n’a pas retenu ce raisonnement. En effet, pour le juge administratif, il ne résulte pas des dispositions susmentionnées ni d’ailleurs d’aucun autre texte ou principe que l’écriture inclusive ne relève pas de la langue française.
En somme, en l’absence de dérogation textuelle expresse, l’écriture inclusive semble pouvoir être utilisée par toute administration dans ses relations avec les usagers.
Le Tribunal administratif a rendu un jugement le 11 mai 2023 dans lequel il devait se prononcer sur la légalité d’une délibération adoptée par le conseil d’administration de l’Université Grenoble-Alpes portant approbation des statuts du service des langues rédigées en écriture inclusive (TA, 11 mai 2023, n°2005367)
Un professeur de l’Université a demandé que soit adoptée une nouvelle délibération sans marque d’écriture inclusive. Il soutenait que l’utilisation de l’écriture inclusive ne répondait pas aux exigences de clarté et d’intelligibilité de la norme auquel doivent satisfaire les actes administratifs. La clarté de la norme est un principe à valeur constitutionnelle (Cons. const., n° 2001-455 DC, 12 janv. 2002). L’intelligibilité de la norme a été érigée en objectif à valeur constitutionnelle (Cons. Const., n° 2005-514 DC, 28 avr. 2005).
Le juge administratif a suivi ce raisonnement en considérant que la clarté et l’intelligibilité de la norme constituent un objectif de valeur constitutionnelle auquel doivent satisfaire les actes administratifs.
Dès lors, le juge précise que le caractère technique et efficient d’un texte juridique impose un niveau de clarté propre à garantir son accessibilité immédiate.
Or, il indique, en citant l’Académie française que l’usage de l’écriture inclusive comme mode rédactionnel a pour effet de rendre la lecture de ces statuts malaisée et porte donc atteinte à l’objectif constitutionnel de clarté et d’intelligibilité de la norme.
En conséquence, si les actes concernés par ces deux affaires ne sont pas de même nature et pouvaient, peut être, appeler une réponse juridique différente, il n’en demeure pas moins que l’utilisation de l’écriture inclusive risque de soulever nombre d’interrogations en matière d’édiction d’actes à destination des usagers. Reste donc à savoir quelle position adoptera le Conseil d’Etat à ce sujet.