La Cour des comptes : "gendarme financier" des collectivités

Il est ADMYS qu’en application de la nouvelle procédure de responsabilité financière des gestionnaires publics la Chambre du contentieux de la Cour des Comptes accélère sa répression des infractions financières les plus graves.

 

De quoi s’agit-il ?

 

Depuis le 1er janvier 2023 et l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2022-408 du 23 mars 2022 relative au régime de responsabilité financière des gestionnaires publics, les comptables et les ordonnateurs sont soumis à un régime de responsabilité répressif unique.

 

Il permet ainsi au juge financier de sanctionner les fautes financières les plus graves, notamment :

 

  • les infractions aux règles relatives à l’exécution des dépenses et des recettes ou à la gestion des biens publics qui sont susceptibles de crée un préjudice financier significatif
  • les graves fautes de gestion ;
  • les situations de favoritisme direct ou indirect, à son propre bénéfice ou au bénéfice d’autrui.

 

Il s’agit donc d’un régime de responsabilité pour faute dont le contentieux est désormais centralisé au niveau de la Cour des Comptes. Ainsi, tous les organismes, agents, personnels qui gèrent l’argent public sont concernés par cette procédure (sous réserve des cas de prescription et d’immunité de fonctions).

 

Comment cela se passe-t-il ?

 

La Cour peut être saisie d’un réquisitoire édicté par le Procureur financier, le plus souvent après la réalisation d’un contrôle d’une Chambre régionale des comptes.

 

L’instruction est longue et diverses mesures peuvent être décidées par le magistrat instructeur (demande de communication de pièces, auditions etc).

 

Quels sont les risques ?

 

Les justiciables en cause sont passibles d’amendes mais ne sont pas à l’abri de poursuites pénales dès lors que la procédure financière peut révéler l’existence d’autres infractions.

 

Quel est l’état de la jurisprudence sur le sujet ?

 

La première affaire dont la Chambre du contentieux de la Cour des comptes a été saisie concerne une Société d’économie mixte locale, devenue Société publique locale, dédiée à l’exploitation d’un site utilisé pour les Jeux Olympiques de 1968 à Grenoble. L’arrêt date du 11 mai 2023 (C. cptes, 11 mai 2023, Alpexpo, req n° S-2023-0604, aff 836).

 

A cette occasion, le juge a :

 

  1. condamné la dirigeante de la Société au titre de l’article L. 131-13-3° du CJF pour l’engagement de dépenses sans en avoir le pouvoir et pour la signature de marchés publics pour le compte de la Société sans en avoir la compétence ;
  2. condamné la dirigeante de la Société au titre de l’article L. 131-12 pour l’octroi d’avantage injustifié à autrui pour avoir financé, entre autres, un voyage aux Etats-Unis pour son conjoint 
  3. relaxé la dirigeante au titre de l’article L. 131-9 du CJF en raison de l’absence de préjudice financier grave.

 

La Cour d’appel financière s’est prononcée en appel sur cette affaire, précisant notamment les règles de prescription applicable au contentieux en cause et l’on soulignera à cet égard la rapidité de la procédure d’appel (C. cptes CA financière, 24 janvier 2024, Alpexpo, aff CAF-req n° S-2023-01).

 

Depuis lors, ce contentieux se développe de manière exponentielle, la jurisprudence s’affine et les sanctions se durcissent (voir tout récemment la décision condamnant le Président du Département à une amende de 9000€ sur le fondement de l’article L. 131-9 du CJF, en raison de préjudices financiers significatifs : C. cptes, 3 mai 2024, Département de la Haute Saône, aff S-2024-0723, aff 908).

 

Ce constat conduit à appeler les acteurs en charge des deniers publics à une vigilance constante et renforcée et à l’anticipation en cas de contrôle CRC dans une optique de maîtrise des risques.