Par arrêt du 2 février 2024, le Conseil d’Etat revient sur la notion de lien de causalité entre les manquements aux règles de publicité et mise en concurrence et la réparation du manque à gagner du cocontractant de l’administration.
En 2014, la commune de Saint-Benoît a conclu une DSP pour la gestion de son service de restauration scolaire, contrat au titre duquel la Société gestion des cuisines centrales Réunion (« SOGECCIR » ci-après) a été désignée attributaire, tandis que la société Régal des îles a été évincée.
Le premier volet de cette affaire portait sur le recours en contestation de validité formé par la société évincée dans le cadre duquel, le juge administratif a procédé à la requalification du contrat en marché public ainsi qu’à sa résiliation du fait de vices d’une particulière gravité dans la procédure de passation tels que l’absence de critères de sélection des offres, une durée excessivement longue et le défaut de publication d’un avis d’attribution.
A cet égard, le Conseil d’Etat s’était prononcé sur l’indemnisation de la société et avait fait droit à la demande de remboursement des frais de présentation de son offre par un arrêt en date du 28 février 2020.
Le second volet a trait aux conséquences de la résiliation anticipée du contrat pour la société SOGECCIR.
Cette dernière avait sollicité auprès du Tribunal administratif de la Réunion l’indemnisation de divers préjudices subis, demande à laquelle les juges ont partiellement fait droit. Toutefois, l’attributaire avait fait appel du jugement afin d’obtenir l’indemnisation de son manque à gagner pour les années restantes à courir, ce qui a été rejeté par la Cour administrative d’appel.
C’est dans ce contexte que le Conseil d’Etat a été amené à préciser les critères applicables à l’indemnisation du manque à gagner de l’attributaire à la suite de la résiliation d’un contrat.
En premier lieu, les juges rappellent qu’en cas de résiliation d’un contrat en raison de vices entachant sa validité, le cocontractant peut prétendre à une indemnisation notamment lorsque la collectivité a commis une faute, sous réserve de démontrer un lien de causalité direct entre la faute et le préjudice.
En second lieu, Conseil d’Etat réaffirme sa jurisprudence Cegelec Perpignan selon laquelle :
« 4. Lorsque l’irrégularité du contrat consiste en des manquements aux règles de passation commis par le pouvoir adjudicateur, le lien de causalité entre cette irrégularité et le préjudice invoqué par l’attributaire résultant de la résiliation du contrat ne peut être regardé comme direct lorsque ces manquements ont eu une incidence déterminante sur l’attribution du contrat. ».
Ainsi, le juge apprécie le lien de causalité direct entre les manquements commis par l’autorité et les préjudices subis par le cocontractant au regard des conséquences de ces irrégularités sur le choix du titulaire.
En l’espèce, eu égard au caractère déterminant des manquements, le lien de causalité entre les irrégularités commises par la commune de Saint-Benoît et le manque à gagner de la société SOGECCIR ne pouvait être regardé comme direct.
En ce sens, le Conseil d’Etat annule l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Bordeaux, en ce que les juges d’appel avaient commis une erreur de droit en se fondant sur le fait que la société attributaire n’était pas dépourvue de toute chance de remporter le contrat pour justifier l’absence de lien de causalité.
Par conséquent, le cocontractant qui souhaite obtenir l’indemnisation de son manque à gagner en cas de résiliation devra démontrer que ces irrégularités n’ont pas affecté le choix de l’autorité de le désigner attributaire.