Frais de démolition d'un immeuble au titre des pouvoirs de police administrative générale : compétence du juge judiciaire pour le remboursement de la Commune

Il est ADMYS que le juge judiciaire est compétent pour statuer en matière d’action en responsabilité du propriétaire d’un immeuble menaçant ruine à l’égard de la commune qui a ordonné sa démolition (CE, 4 juillet 2024, n°464689).

 

En l’espèce, un arrêté de péril imminent a été pris par le maire de Beaulieu sur le fondement de l’ancien article L. 511-3 du Code de la construction et de l’habitation (CCH). En application de celui-ci, le maire a procédé à la démolition d’un immeuble menaçant ruine.

 

Les frais de la démolition et les honoraires du bureau d’études sollicité ont été mis à la charge du propriétaire, par deux titres exécutoires pris le 18 décembre 2015.

 

Cependant, ils ont été annulés par le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand dans un jugement rendu le 2 février 2017, au motif qu’en se fondant sur l’ancien article L. 511-3 du CCH pour ordonner la démolition, le maire avait méconnu l’étendue de ses pouvoirs.

 

Deux nouveaux titres exécutoires ont par la suite été émis par le maire le 27 novembre 2018, afin que la commune se fasse rembourser les sommes engagées, sur le fondement de l’enrichissement sans cause.

 

Le Tribunal administratif a rejeté la demande d’annulation des titres exécutoires, de même que la Cour administrative d’appel a rejeté la demande de la propriétaire de l’immeuble démoli tendant à ce qu’il soit sursis à l’exécution de ce jugement, son appel formé contre ce jugement ainsi que ses conclusions à fin d’annulation de la mise en demeure de payer la somme émise à son encontre.

 

La propriétaire s’est pourvue en cassation contre l’arrêt en tant seulement qu’il a refusé d’annuler les titres émis le 27 novembre 2018.

 

Le Conseil d’État a rendu un arrêt intéressant, dans lequel il commence par rappeler les pouvoirs de police administrative spéciale du maire en matière d’immeuble menaçant ruine :

    • en vertu de l’ancienne rédaction de l’article L. 511-2 du CCH, le maire peut, selon la Haute juridiction administrative, faire procéder à la démolition aux frais du propriétaire, sur ordonnance du juge des référés, lorsque que les formalités prévues par l’article n’ont pas été exécutées,
    • en revanche, aux termes de l’article L. 511-3 du CCH dans sa version applicable au litige, le maire doit ordonner des mesures provisoires afin de faire cesser le péril imminent, avant de faire procéder à la démolition de l’immeuble aux frais du propriétaire.

 

Poursuivant son raisonnement, le Conseil d’Etat a rappelé, s’agissant des pouvoirs de police administrative générale du maire, que si la situation présente un caractère d’ « extrême urgence » avec un « péril particulièrement grave et imminent », le maire ne peut ordonner la démolition immédiate qu’aux frais de la commune, sur le fondement des articles L. 2212-2 et L. 2212-4 du Code général des collectivités territoriales (CGCT).

 

Si la personne publique veut obtenir le remboursement des sommes engagées en invoquant la responsabilité civile du propriétaire, au titre d’une faute ou d’un enrichissement sans cause, alors le litige relatif à la contestation de la créance invoquée par la personne publique relève en principe de la compétence du juge judiciaire.

 

Ainsi, le Conseil d’État rejette les conclusions en se déclarant incompétent pour statuer sur la contestation de la créance.

 

Il précise en effet que l’émission de titres exécutoires par le maire à l’encontre du propriétaire d’un immeuble menaçant ruine, pour recouvrer les frais générés par sa démolition, implique nécessairement que cette démolition ne pouvait être opérée que sur le fondement des pouvoirs de police administrative générale prévus aux articles L. 2212-2 et L. 2212-4 du CGCT. Dans cette hypothèse, tout litige portant sur le remboursement des frais engagés par la commune doit ressortir de la compétence de la juridiction judiciaire.

 

Cet arrêt, rendu sur le fondement de l’ancien dispositif du péril imminent, devrait selon toute vraisemblance s’appliquer à celui de la mise en sécurité d’urgence, en vigueur depuis 2021.