Exécution des marchés publics et CCAG : attention à bien poser les règles du jeu !

Il est ADMYS qu’à défaut de faire expressément référence au CCAG applicable dans les documents contractuels, le juge procède à une déduction au regard des clauses du CCAP pour vérifier le respect de la procédure d’achèvement du marché par les parties.

 

Dans cette affaire, la commune de Still a confié à la société X le lot n°4 « charpentes métalliques » dans le cadre d’une opération de restructuration de la mairie. Dans un premier temps, le soumissionnaire a transmis au maître d’ouvrage un « décompte définitif » faisant apparaître un solde positif en sa faveur, décompte qui a été validé par le maître d’œuvre. Dans un second temps, la commune a émis un titre exécutoire à l’encontre de la société ayant pour objet le paiement de pénalités de retard.

 

C’est dans ce contexte que la société X a saisi le Tribunal administratif de Strasbourg d’une demande tendant à l’annulation du titre exécutoire susvisé, puis à la condamnation de la commune de Still au paiement du solde du « décompte définitif ». Les juges du fond ont rejeté cette demande (TA Strasbourg, 22 janvier 2021, req. n°1906858).

 

Dans son arrêt du 2 avril 2024, la Cour administrative d’appel de Nancy démontre l’importance de déterminer au préalable le CCAG applicable dans les documents particuliers du marché afin que les parties se soumettent aux procédures prévues dans les documents généraux.

 

Dans le marché litigieux, le CCAP ne faisait référence à aucun CCAG et indiquait seulement que les clauses étaient rédigées conformément au CCAG et que le cocontractant était censé avoir connaissance de ces documents généraux. Ces lacunes nécessitent pour les juges de procéder à un travail de déduction à travers les clauses afin de vérifier le respect de la procédure :

 

  • Quel CCAG de référence ? Les juges parviennent à identifier que le CCAG de référence était le CCAG Travaux de 2009, au regard des renvois et dérogations aux documents généraux dans une liste récapitulative.

 

  • Quelle version du CCAG ? Le CCAG du 8 septembre 2009 (version ante 2014) a été modifié par l’arrêté du 3 septembre 2014 (version post 2014), dont les dispositions s’appliquent à compter du 1eravril 2014. A défaut de stipulations précises sur ce point et la consultation ayant été lancée en 2016, les juges retiennent que la version post 2014 était applicable, et cela malgré le fait que le maître d’ouvrage soutenait que la commune intention des parties était de se cantonner à la version ante

 

Dans ces circonstances, la CAA de Nancy a considéré que la société X n’avait pas respecté la procédure d’établissement du décompte général et définitif (ci-après « DGD») prévue à l’article 13.4.4. En effet, en mettant en demeure la commune de Still d’établir le DGD postérieurement au jugement du TA, elle n’était pas recevable à solliciter le versement du solde à la charge du maître d’ouvrage, le silence gardé par l’administration pendant plus de dix jours n’ayant pas fait naître de décompte tacite.

 

En outre, s’agissant de l’imputation des pénalités, la commune n’était pas fondée à émettre un titre exécutoire avant l’établissement du DGD dès lors que l’article 20 du CCAG Travaux post 2014 impose que les opérations en lien avec l’exécution du marché soient arrêtées dans le DGD. Or, cette disposition n’avait pas été intégrée dans les dérogations au CCAG et les parties n’avaient pas entendu écarter ce principe. Ainsi, malgré les usages de la commune en la matière, cette dernière a méconnu les règles imposées par le CCAG. Partant, la CAA procède à l’annulation du titre exécutoire de la commune.

 

Compte-tenu des modifications successives intervenues entre les différentes versions des CCAG Travaux, la détermination en amont du CCAG applicable et des dérogations constitue une étape indispensable à la bonne exécution du marché et au respect des règles fixées par ces documents généraux.