Droit de préemption : en cas de substitution d'acquéreur pressenti, DIA sur DIA ne vaut

Il n’est pas ADMYS d’émettre une nouvelle déclaration d’intention d’aliéner en cas de changement de bénéficiaire d’une promesse de vente, portant sur la vente du même bien, au même prix et aux mêmes conditions. Il est cependant admis qu’en cas de demandes de visite et de communication de documents complémentaires par la commune, le délai de préemption est suspendu jusqu’à ce que chaque demande ait fait l’objet d’une réponse.

 

Dans un arrêt du 29 mai 2024 (Conseil d’État, 1ère – 4ème chambres réunies, 29/05/2024, 489337), le Conseil d’État a apporté plusieurs précisions au sujet du droit de préemption, d’une part concernant le délai imparti à la collectivité pour l’exercer, et d’autre part concernant les conséquences d’un changement d’acquéreurs sur la déclaration d’intention d’aliéner. Il aussi eu l’occasion de rappeler l’importance pour les communes d’avoir une justification étayée dans leur décision de préemption.

 

En l’espèce, des propriétaires ont consenti une promesse de vente le 30 mars 2023 en vue de la vente de leur bien. Ce bien étant soumis au droit de préemption, les propriétaires ont déposé une déclaration d’intention d’aliéner (ci-après « DIA ») en mairie de Morsang-sur-Orge, reçue le 3 avril 2023. Les premiers bénéficiaires de la promesse de vente s’étant finalement rétractés, les propriétaires ont donc conclu une nouvelle promesse de vente avec un autre acquéreur pressenti le 31 juillet 2023, concernant le même bien, au même prix ainsi qu’aux mêmes conditions.

 

Par une décision du 29 août 2023, la maire de la commune a décidé d’exercer le droit de préemption urbain sur ce bien. L’acquéreur évincé a saisi le tribunal administratif de Versailles d’un référé suspension afin de suspendre la décision du 29 août 2023. Le juge des référés a rejeté cette demande par une ordonnance du 27 octobre 2023.

 

Concernant la DIA, pour rejeter la demande de la société requérante, le Tribunal avait estimé qu’elle n’avait pas d’intérêt à agir. Le juge a notamment rappelé que la première promesse de vente du 30 mars 2023 n’était pas destinée à la société et que cette dernière n’était pas non plus mentionnée dans la DIA transmise par les propriétaires.

 

Le Conseil d’État censure ce raisonnement, au motif que la mention de l’acquéreur pressenti ne fait pas partie des mentions obligatoires de la DIA prévues à l’article L. 213-2 du Code de l’urbanisme, et que lesdites mentions contenues dans la première DIA étaient restées inchangées.

 

Ainsi, l’acquéreur pressenti dans le cadre de la deuxième DIA, dispose bien d’un intérêt à contester la décision de préemption « sans qu’ait d’incidence à cet égard la circonstance qu’il ne soit pas celui dont le nom a été mentionné par la déclaration d’intention d’aliéner ». En jugeant le contraire, le Tribunal administratif de Versailles a commis une erreur de droit.

 

Concernant la suspension du délai de deux mois imparti à la collectivité qui préempte, le Conseil d’État apporte des précisions en statuant sur le fond.

 

En l’espèce, la commune ayant réceptionné la DIA le 3 avril 2023, elle sollicité la communication de documents par un courrier du 1er juin 2023 et la visite du bien par un courrier du 2 juin 2023. La visite a eu lieu le 9 juin 2023 et les documents demandés ont été réceptionnés par la commune le 31 juillet 2023.

 

En cas de demandes multiples, le Conseil d’État précise que le délai recommence à courir à compter de la réalisation la plus tardive des demandes, donc à la réception des documents en l’espèce. Dès lors, en notifiant sa décision de préemption le 29 août 2023, le délai a été respecté, la dernière démarche effectuée par le vendeur, à savoir la communication des documents complémentaires, étant survenue le 31 juillet 2023.

 

On retiendra toutefois que le Conseil d’Etat a tout de même suspendu la décision de préemption au motif que la réalité du projet n’était pas justifiée par la commune. A cet égard, la Haute juridiction administrative a retenu que la décision de préemption ne se référait qu’à des orientations générales du projet d’aménagement et de développement durables débattues dans le cadre de la révision du document d’urbanisme, et que la commune n’avait produit aucun élément supplémentaire dans le cadre du contentieux visant à démontrer l’antériorité du projet.