Dérogation "espèces protégées" et autorisation environnementale : la vérification par l'administration peut intervenir à tout moment !

Il est ADMYS que l’administration doit vérifier si un projet soumis à autorisation environnementale doit faire l’objet d’une demande de dérogation « espèces protégées » à l’exploitation d’installations éoliennes, même dans les cas où celui-ci aurait déjà obtenu une autorisation environnementale devenue définitive pour l’activité, l’installation, l’ouvrage ou les travaux concernés, ou sans modification substantielle de ceux-ci (CE, 8 juillet 2024, n° 471174).

 

En l’espèce, le préfet de l’Aveyron a adopté deux arrêtés afin d’imposer des prescriptions supplémentaires à l’exploitation d’un parc éolien bénéficiant d’une autorisation environnementale définitive. Dans un premier temps, par un arrêté de 2018, le préfet a prescrit des mesures visant à préserver l’avifaune et les chiroptères, tenant notamment à l’interdiction de fonctionnement diurne du parc éolien. Dans un second temps, avec un arrêté datant de 2020, le préfet a levé l’interdiction de fonctionnement diurne, mais a assorti des prescriptions complémentaires à l’autorisation d’exploiter, relatives à la mise en place d’un système de détection et d’effarouchement afin d’assurer la protection de neuf espèces protégées « cibles ».

 

La Ligue pour la protection des oiseaux avait demandé à la Cour administrative d’appel de Toulouse d’annuler le second arrêté, notamment au motif que l’arrêté attaqué aurait dû être précédé d’une dérogation « espèces protégées », sur le fondement de l’article L. 411-2 du Code de l’environnement.

 

Dans un arrêt du 8 décembre 2022, la Cour administrative d’appel avait toutefois rejeté comme inopérant ce moyen, au motif que le parc éolien ne faisait l’objet d’aucune modification substantielle de ses caractéristiques.  

 

Le Conseil d’État censure ce raisonnement en relevant que :

 

« Les dispositions des articles L. 181-2, L. 181-3, L. 181-22, L. 411-2 et R. 411-6 du code de l’environnement imposent, à tout moment, la délivrance d’une dérogation à la destruction ou à la perturbation d’espèces protégées dès lors que l’activité, l’installation, l’ouvrage ou les travaux faisant l’objet d’une autorisation environnementale ou d’une autorisation en tenant lieu comportent un risque suffisamment caractérisé pour ces espèces, peu important la circonstance que l’autorisation présente un caractère définitif ou que le risque en cause ne résulte pas d’une modification de cette autorisation ». 

 

Le Conseil d’État précise également que lorsque la modification de l’autorisation conduit à imposer des prescriptions complémentaires, la nécessité de l’obtention d’une dérogation « espèces protégées » ne dépend pas de la circonstance que cette modification présenterait un caractère substantiel.

 

Ainsi, le Conseil d’État considère-t-il que l’administration doit examiner, y compris à l’occasion de l’adoption d’un arrêté  de modification de prescriptions complémentaires à une autorisation environnementale déjà accordée et devenue définitive, et nonobstant l’absence de modifications substantielles apportées aux conditions d’exploitation, si est nécessaire l’obtention d’une dérogation « espèces protégées ».