Par une ordonnance du 7 janvier 2022, le Tribunal administratif de Toulon est venu préciser la jurisprudence du Conseil d’État en matière de DSP multi services.
Dans l’espèce de cette affaire, la commune de Cuers a souhaité confier l’exploitation du service public de l’eau potable, de l’assainissement collectif et de l’assainissement non collectif, à un seul et même gestionnaire.
Pour ce faire, elle a lancé une procédure ouverte de publicité et de mise en concurrence visant à attribuer l’ensemble des 3 contrats de concession à un seul soumissionnaire.
A l’issue de cette procédure, la société Suez Eau France ayant été évincée, a alors effectué un référé pré contractuel auprès du Tribunal administratif de Toulon.
Dans un premier temps, le Tribunal a rappelé le principe important dégagé par le Conseil d’État selon lequel : “Aucune disposition législative ni aucun principe général n’impose à la collectivité publique qui entend confier à un opérateur économique la gestion de services dont elle a la responsabilité de conclure autant de conventions qu’il y a de services distincts. Elle ne saurait toutefois, sans méconnaitre les impératifs de bonne administration ou les obligations générales de mise en concurrence qui s’imposent à elle, donner à une délégation un périmètre manifestement excessif ni réunir au sein de la même convention des services qui n’auraient manifestement aucun lien entre eux” (Conseil d’État, 21 septembre 2016, Communauté urbaine du Grand Dijon, n°399699).
En d’autres termes, il ne pèse sur l’autorité élégante, aucune obligation d’allotir. De ce fait, cette autorité a alors la possibilité de conclure une seule DSP confiant à un gestionnaire l’exploitation de plusieurs services, à la double condition que :
– La délégation ne doit pas avoir un périmètre manifestement excessif ;
– La délégation ne doit pas réunir au sein de la même convention des services qui n’ont manifestement aucun lien entre eux.
Or, dans l’affaire présentée devant le Tribunal administratif de Toulon, il ne s’agissant non pas d’attribuer une seule et unique convention de DSP regroupant la gestion des différents services en son sein, mais d’aboutir à la conclusion de contrats distincts avec le même délégataire.
En appliquant, de manière particulièrement extensive il faut le reconnaitre, le raisonnement adopté par le Conseil d’État, le Tribunal administratif de Toulon a estimé que “la circonstance que la concession des services d’eau et d’assainissement collectif et non collectif fasse l’objet de trois contrats distincts n’a eu aucune incidence sur le caractère global de la procédure et n’a eu aucun impact sur l’analyse globale des offres dès lors que les critères de jugement des offres étaient adaptés aux trois services“. Par suite, le Tribunal administratif a rejeté la requête de la société Suez Eau France.
Cette décision viendrait ainsi conforter la souplesse dont bénéficient les autorités concédantes dans l’organisation de leurs services publics en permettant de distinguer contractuellement les services tout en désignant un seul et même titulaire.
Toutefois, cette décision n’est pas sans susciter quelques interrogations quant à sa conformité à l’arrêt du Conseil d’État et aux notions de “périmètre manifestement excessif” et de “lien entre les services“.
Rédigé par Matthieu KLUCZYNSKI, avocat associé, avec la participation d’Axelle VADEBOIN