Par une ordonnance du 21 juin 2022 (Commune de Grenoble, n° 464648), le juge des référés du Conseil d’État est venu mettre un terme au débat entourant la modification du nouveau règlement intérieur des piscines de Grenoble autorisant le port du burkini.
Par une délibération du 16 mai 2022, le conseil municipal de Grenoble avait décidé de modifier l’article 10 du règlement intérieur des piscines de la ville. Cette modification permettait, de facto, le port du Burkini.
Considérant que cette délibération manifestait une atteinte au principe de laïcité et au principe de neutralité du service public, le Préfet de l’Isère avait déféré au Tribunal administratif de Grenoble cette délibération pour en demander la suspension de son exécution.
Les juges des référés ont, par une ordonnance n° 2203163 du 25 mai 2022, décidé de faire droit à ce recours.
Tout d’abord, ce contentieux inaugure la nouvelle procédure du déféré-laïcité instituée par la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, et reprise à l’alinéa 5 de l’article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales.
Cette procédure permet au Préfet de déférer au juge des référés une décision prise par une collectivité territoriale qui porte une atteinte grave aux principes de laïcité et de neutralité des services publics.
Ensuite, sur le fond, le Conseil d’Etat reprend sa jurisprudence selon laquelle si le gestionnaire d’un service public peut adapter les règles d’organisation et de fonctionnement de ce service pour en faciliter l’accès, y compris en tenant compte de convictions religieuses, le principe de laïcité interdit à quiconque de se prévaloir de ses croyances pour s’affranchir des règles communes organisant et assurant le bon fonctionnement de ce service.
Le Conseil d’État avait déjà eu l’occasion de rappeler ce principe juridique cardinal dans sa décision Commune de Châlons-sur-Saône (n° 426483) du 11 décembre 2020 à propos des menus de substitution dans les cantines scolaires.
En l’espèce, la haute juridiction administrative a estimé, comme le Tribunal administratif de Grenoble, que la délibération portait gravement atteinte au principe de neutralité du service public, dès lors qu’elle avait été prise dans le seul but de permettre à certains usagers de s’affranchir de la règle générale en raison de convictions religieuses.
Si la motivation religieuse de la rédaction du nouvel article 10 du règlement intérieur des piscines n’est pas clairement indiquée dans le texte, la commune avait reconnu dans ses écritures de première instance que le but poursuivi était bien religieux.
Le Conseil d’État relève aussi dans sa décision le contexte entourant cette délibération litigieuse et sa raison d’être : la satisfaction d’une revendication de nature religieuse à la demande d’une catégorie d’usagers, très (trop ?) « ciblée et fortement dérogatoire à la règle commune”.
Doit-on considérer que le port du burkini ne peut pas être autorisé dans une piscine municipale ? La réponse n’est pas automatique. Tout dépend finalement du contexte. La jurisprudence du Conseil d’Etat en matière de laïcité n’est donc pas aussi limpide qu’il n’y paraît.
Maëlle COMTE, associée du cabinet ADMYS Avocats, avait pressenti cette décision lorsqu’elle déclarait au journal Le Figaro, dans un article du 17 mai 2022, que « la question n’est pas la neutralité des usagers, mais de la piscine municipale en tant que service public. Si le règlement de la piscine municipale favorise une revendication religieuse en particulier, cela porte atteinte à cette neutralité ».